Face à la précarité de l’emploi et au chômage, les étudiantes s’adonnent de plus en plus à de petits métiers. Elles y voient un moyen de s’affranchir.
Dans son atelier d’apprentissage en couture, Raliath Ayatodé est très affairée. En cette période des fêtes de fin d’année, avec les commandes des clients, sa patronne la sollicite assez pour la confection de tenues vestimentaires. Cette étudiante en 2e année de Sciences juridiques s’accroche à sa passion, avec optimisme.
« Aujourd’hui, les offres de formation ne sont plus vraiment en adéquation avec les besoins sur le marché de l’emploi. Alors, les jeunes filles doivent avoir plusieurs cordes à leur arc dans ce monde en pleine mutation. C’est ce que j’ai fait », confie-t-elle. Tout comme elle, nombreuses sont les étudiantes qui passent autant de temps en atelier qu’en amphithéâtre. Certaines voient à travers les métiers de couture, coiffure, cuisine leurs voies de salut.
Et le temps finit par leur donner raison. C’est le cas de Sandra Agbadjigan, styliste, pour qui il n’y a pas de gloire sans souffrance. « J’ai commencé la formation en couture après ma double licence en gestion des ressources humaines et communication à l’Ecole nationale d’économie appliquée et de management (Eneam). Malgré le décès de mon géniteur, je suis parvenue à surmonter les difficultés. Je puise ma force dans l’abnégation, la croyance en soi, la discipline, la rigueur et le travail bien fait », déclare-t-elle.
Chacune d’elles est consciente que trouver un emploi au Bénin aujourd’hui n’est pas chose aisée. Les statistiques liées à l’emploi ne sont pas reluisantes. Le taux de salarisation est de 13,6 % en 2015 contre 10,1 % en 2011(Insae, EmicoV-2015). Il est plus faible chez les femmes (7,1 %) que chez les hommes (18,6 %), mais augmente selon le niveau d’instruction : 3,6 % chez les actifs occupés n’ayant aucun niveau d’instruction et passe de 11,2 % chez ceux de niveau primaire à 82,0 % chez ceux de niveau supérieur. La population à la recherche d’un emploi est d’environ 2,3 %. Et disposer d’un diplôme ne garantit pas un emploi. « Jusqu’en 2016, voire 2018, nous sortions à peu près 5 % de nos apprenants outillés en formation professionnelle et technique. Dans 10 ans, nous voulons être sûrs que 70 % des jeunes qui sortent des écoles sortent avec une formation professionnelle et donc prêts à l’emploi, prêts à créer éventuellement leurs propres entreprises », a déclaré le ministre d’État Abdoulaye Bio Tchané au cours d’un panel le 17 décembre 2021.
L’autonomie dans l’art
Les étudiantes s’adonnent donc à de petits métiers pour avoir plusieurs cordes à leur arc, dans un contexte de chômage. L’initiation aux métiers artisanaux est désormais pour beaucoup une nécessité. Lauriane Landehou, technicienne de laboratoire, a désormais du plaisir à coudre. « Ce que tu sais faire manuellement paie beaucoup plus de nos jours », soutient-elle.
Pour Sandra Agbadjigan, il est grand temps que chacun efface de son esprit l’aversion pour les métiers artisanaux, pourtant gages d’une vie épanouissante. « Alors si tant est vrai que les formations artisanales comme la couture, la coiffure, la photographie et bien d’autres débouchent directement sur un emploi, pourquoi ne pas en faire, à côté de sa formation universitaire ? », se demande-t-elle.
D’autres vont plus loin et y voient l’opportunité pour la jeune fille de s’affirmer. Odry Agbessi Agro, chirurgienne plasticienne et présidente de l’association Volontaires itinérants pour le mieux-être de la population (Via-me), soutient que la jeune fille doit s’éduquer, s’outiller pour faire valoir ses potentialités. «Aujourd’hui, où le monde évolue à une vitesse supérieure, chacun cherche une voie de sortie. Les hommes ne veulent pas de femmes paresseuses; elle est obligée de sortir de sa caserne pour être elle-même active », soutient Raliath Ayatodé.
Mais cet engagement à s’accrocher à sa passion n’est pas sans difficulté. Concilier les études et la formation pratique n’est pas chose aisée. « Il faut avoir une bonne planification en termes de gestion du temps et le jeu est joué », conseille Sandra Agbadjigan. La styliste, photographe et écrivaine pense que « Le travail est assez puissant, formidable, magnifique et tout simplement magique puisque tout est possible par le travail ».