De graves irrégularités évaluées à près de 18 milliards F Cfa dont huit milliards F Cfa de manque à gagner pour l’Etat ont été relevées dans la gestion comptable et financière au titre de l’exercice 2020 du Conseil national des chargeurs du Bénin (Cncb) aujourd’hui en liquidation. Le constat a été fait par une mission parlementaire de contrôle qui y a séjourné, en août-septembre 2021, avant sa dissolution.
Le gouvernement a raison de dissoudre le Conseil national des chargeurs du Bénin (Cncb). Les députés sont parvenus à cette conclusion suite à l’examen ce mardi, du rapport de la mission parlementaire qui a passé au peigne fin, en août-septembre 2021, la gestion comptable et financière au titre de l’exercice 2020 de cette entreprise publique. La commission a relevé plusieurs irrégularités sur les plans de l’organisation comptable ; de la gestion budgétaire et planification ; de la gestion des immobilisations et des stocks ; de la gestion du personnel et de la paie ; de gestion des achats et des ventes. Le rapport fait en effet ressortir que le Cncb ne dispose pas de manuel décrivant les procédures et l’organisation comptable. Ce qui viole l’article 14 de l’Acte uniforme relatif au droit comptable et à l’information financière, constate la commission. Il a été également relevé le défaut de recensement et d’évaluation des créances et dettes à leur valeur effective du moment, dite valeur actuelle ; la non fiabilité des états financiers générés par Perfecto; la réalisation d’activités non prévues dans le budget et le Plan annuel de travail (Pta) ; l’absence de nomenclature budgétaire ; l’inefficacité du dispositif de suivi de la gestion du Bordereau électronique de suivi des cargaisons et la non codification de toutes les immobilisations ; certains terrains de la société sans titre de propriété. A toutes ces irrégularités, la mission présidée par le député Gérard Gbénonchi, président de la commission des Finances et des Echanges du Parlement, ajoute la non tenue de registre de l’employeur et la non élaboration du Plan de passation des marchés publics (Ppmp) de l’exercice 2020 au moment de l’élaboration du budget. Relativement à ce dernier point, la mission a relevé que le budget mentionne un total de 25 marchés d’un montant de 400 334 266 F Cfa alors que le Ppmp fait état de 32 marchés d’un montant total de 514 689 319 F Cfa. La commission a estimé les manques à gagner pour l’Etat à 7 639 063 708 F Cfa. Lesquels représentent entre autres des impôts et taxes non reversés ; des montants de diminution de titres de participation ; des créances clients passées en perte ; des impôts sur les bénéfices des prestations non domiciliés au Bénin non prélevés ; de Taxe sur la valeur ajoutée (Tva) non retenue à la source ; des écarts sur ventes Bordereau électrique de suivi des cargaisons (Besc) ; des avances octroyées au personnel passées en perte et des primes indues payées aux agents de la société.
Une première au Parlement
La mission parlementaire a par ailleurs relevé 8 7433 476 965 F Cfa d’écritures comptables non autorisées et 1 101 661 839 F Cfa de produits fictifs passés en comptabilité. Ce qui creuse davantage le plafond du gouffre financier. Pour parvenir à ces conclusions, la commission a eu à procéder à la collecte des documents nécessaires pour la mission ; l’analyse du système de contrôle interne ; la revue des comptes ; l’examen des différents livres comptables ; l’analyse de la tenue de la comptabilité ; l’analyse de la tenue des comptes bancaires et caisse ; l’analyse des journaux de banques ; l’analyse du journal de caisse et l’examen des différents documents et pièces comptables. Elle a rencontré des membres des organes dirigeants du Cncb et le commissaire aux comptes. Tout ceci a été sanctionné par un rapport assorti d’une série de recommandations en lien avec la mission de la commission à savoir : examiner le système de gestion comptable et financière du Cncb au titre de l’exercice 2020 ; identifier les risques qui affectent l’efficacité de la gestion dudit office ; exprimer son opinion sur la gouvernance de la société et faire des recommandations pour améliorer sa gouvernance.
Les députés ont salué cette innovation du président de l’Assemblée nationale, Louis Vlavonou qui a créé cette mission par décision n°2021-79/An/Pt du 11 août 2021. Car, pour eux, c’est la première fois depuis la première législature que la commission des Finances et des Echanges du Parlement décide d’exercer ses prérogatives d’aller contrôler, de son gré, la gestion d’une entreprise publique. Toutes les autres fois, le Parlement se mettait en mouvement par le biais des commissions d’enquête parlementaire adoptées par la plénière, précisent-ils. Les députés se réjouissent de cette innovation de la 8e législature qu’ils souhaitent voir fréquemment utilisée en renfort aux autres mesures de contrôle de l’action gouvernementale. Ils ont trouvé juste la décision du gouvernement qui, sans avoir reçu le rapport, a dissout déjà le Cncb. Cette dissolution, à en croire les parlementaires, prouve à suffisance que la mission a fait un bon boulot.
Et que le gouvernement et l’Assemblée nationale sont en phase sur le dossier Cncb, un Service public à caractère commercial, doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière et créé en mai 1983. Les députés ont déploré ces graves irrégularités relevées sur la seule année d’exercice de 2020 avant de souhaiter voir les auteurs du gouffre financier rendre gorge. Pour cela, ils ont décidé que le rapport soit publié au Journal officiel comme le prévoit le Règlement intérieur du Parlement avec les recommandations pour qu’il soit accessible à tout le monde y compris le procureur de la République qui peut s’autosaisir du dossier. Les députés ont retenu également que le document soit transmis au liquidateur pour qu’il s’en serve éventuellement comme outil de travail. Le Cncb, faut-il le signaler, est une entreprise publique placée sous la tutelle du ministère des Infrastructures et des Transports. Il constitue après le Port autonome de Cotonou (Pac) et la Société béninoise de manutentions portuaires (Sobemap), l’une des structures portuaires de grand intérêt pour le Bénin. Ainsi, depuis sa création, l’office joue un rôle d’interface et de facilitateur au niveau de la chaîne des transports sur la plate-forme portuaire et contribue à ce titre à la compétitivité de celle-ci à travers la défense des intérêts des chargeurs ; l’assistance aux chargeurs dans les opérations, le transport et le passage portuaire ; la promotion de la chaine des transports ; la formation et l’information des chargeurs et autres agents des entreprises de la chaîne des transports.