Dissoudre pour mettre fin à la corruption. Est-ce le résultat auquel est arrivé le gouvernement de la Rupture avec la dissolution du Conseil national des chargeurs du Bénin (Cncb) ?
Une commission d’enquête parlementaire diligentée par la 8e Législature a révélé de graves irrégularités au Cncb. Sur la seule année 2020, le préjudice est évalué à plus de 18 milliards FCFA dont 8 milliards FCFA de manque à gagner pour l’Etat. On parle de créances douteuses, des dettes fiscales et sociales. La particularité ici, c’est que les faits de corruption évoqués se sont passés sous le régime de la Rupture. Le remplacement successif de directeurs, de Antoine Dayori à Alimatou Badarou, en passant par Bruno Kangni, laissait présager que le Cncb couve des œufs pourris. La Commission d’enquête mise en place par les députés vient confirmer le fait. Mais seulement après que le gouvernement ait pris la décision de dissoudre cette structure étatique sous tutelle du Ministère des infrastructures et du transport. C’est dire que les faits mis en lumière par la Commission d’enquête parlementaire devraient déjà être connus du gouvernement et seraient à la base de l’instabilité constatée à la Direction générale de cette entité. Le cas échant, qu’a fait le gouvernement pour éviter qu’on en arrive là ? A part Dayori qui a fait la prison, on n’a pas senti la justice aux trousses des autres directeurs généraux.
Pourtant, la lutte contre la corruption a été un élément clé de la campagne de Patrice Talon en 2016. On a vilipendé le régime de Boni Yayi qui serait la vache à lait. On a promis mettre fin aux scandales enregistrés sous Yayi, une fois au pouvoir. Des initiatives ont été prises. La Criet et d’autres entités de lutte contre la corruption ont vu le jour. Mais force est de constater que cela n’empêche pas le détournement des fonds publics. Outre le Cncb, à la Direction générale des impôts, l’affaire Carlos Adohouannon est là pour rappeler à la mémoire des Béninois que ce n’est pas uniquement sous le régime Yayi que des actes de prévarication ont défrayé la chronique. Des audits de sociétés d’Etat existent et révèlent des manquements graves. A tel enseigne qu’on se demande quelle est cette structure étatique qui fera la différence ? D’ailleurs la plupart des personnes indexées dans des affaires de prévarication de ressources sous le régime Yayi sont aujourd’hui des soutiens de la Rupture. En plus de ça, le régime en place connaît ses propres scandales, la preuve que le mal est profond. La dissolution du Cncb n’est-elle pas le signe que la Rupture a du mal à enrayer le fléau que constitue la corruption ? Pense-t-on faire tomber la fièvre en cassant le thermomètre ? Qui peut jurer que la création de la Cellule d’analyse et de traitement des plaintes et dénonciations est la panacée ? On tourne en rond. N’est-il pas temps de s’arrêter, faire le bilan et voir par quel bout prendre le mal pour plus de résultats ?