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Instauration de la cellule des plaintes et dénonciations: Le dernier baroud d’honneur de Patrice Talon

Publié le lundi 31 janvier 2022  |  Matin libre
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© Présidence par DR
Diplomatie : L`Ambassadeur André OKOUNLOLA-BIAOU reçu par le Président Patrice TALON avant de rejoindre son poste
SEM André Okounlola, le nouvel ambassadeur du Bénin près de la République fédérale de la Russie, a eu une audience ce lundi 11 octobre 2021, avec le président Patrice Talon
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CPD : entendez Cellule d’analyses et de traitement des plaintes et dénonciations. C’est la nouvelle réponse anticorruption que le gouvernement vient de mettre en place. Loin de satisfaire les attentes des populations, cette énième structure est soit une police politique soit le dernier combat perdu d’avance du président Patrice Talon contre la corruption.
Pavel Morozov : ce nom ne dit presque rien à personne au Bénin. Pourtant il est le symbole caractéristique de la dénonciation et de la délation à l’ère du régime soviétique. 03 septembre 1932, Village Guérassimovka, situé quelque part entre l’Oural et la Sibérie. Pavel Morozov, alias Pavlik âgé de 13 ans est retrouvé raide mort dans les bois. L’histoire officielle veut que ce jeune écolier brillant, chef des pionniers de son village, ait surpris son père Trofim Morozov, un cadre du régime soviétique et foncièrement contre les méthodes de gouvernance stalinienne, en train de falsifier des documents en faveur des opposants. Il avertit les autorités, le père est arrêté, emprisonné dans le goulag où il trouva la mort après de maints sévices. Pour se venger contre cette traîtrise, Pavlik sera tué par les paysans. La Guépéou ( l’ancêtre du KGB) avait alors arrêté ses grands-parents, un de ses oncles et un de ses cousins pour ce crime. Accusés de « terrorisme contre l’État », tous quatre ont été fusillés. En réalité, Pavlik n’était ni pionnier ni brillant écolier. Sans doute son père a-t-il falsifié des documents pour de l’argent. Mais si Pavlik l’a dénoncé, c’est sous la pression de sa mère, qui voulait se venger d’avoir été abandonnée pour une autre femme. Ce sont du moins les conclusions auxquelles est arrivé Youri Droujnikov, un écrivain qui a longuement enquêté sur cette affaire dans les années 1970. Une stèle pour immortaliser ce jeune calomniateur trône encore aujourd’hui devant la mairie de ce village. Ailleurs toujours en Russie, des rues, des écoles et des bibliothèques portent son nom. Il est le symbole ultime de la transformation des liens sociaux de la dictature stalinienne. Mais également l’icône de la délation. D’où la naissance du « mythe Pavlik » et la création de la police politique, la Guépéou. On me pardonnera d’évoquer cette anecdote mais ce rappel semble être nécessaire car ce mythe a été exploité plus tard en Afrique et dans certaines parties du monde pour mettre en place des systèmes de répression par des régimes sanguinaires notamment ceux de Mobutu au Zaïre ( RDC), Sékou Touré en Guinée Conakry et Hassan II du Maroc. Feu président Mathieu Kérékou y avait fait recours dans les années 80. Ce qui a entraîné des arrestations de plusieurs étudiants et fonctionnaires traités d’antirévolutionnaires. En se référant à ce système qui a inspiré les autorités béninoises actuelles, il convient de tirer deux leçons : la dénonciation est une méthode de gouvernance dangereuse. Le gouvernement du président Patrice Talon en y faisant recours a capitulé face à la corruption.

Le retour du « Petit Palais » ?

En fait, le système de plainte et de dénonciation est un couteau à double tranchant. S’il est mal utilisé, il peut entraîner des conséquences désastreuses aussi bien au sein de la cellule familiale que dans la société : cas de Pavlik Car, bien souvent, le dénonciateur n’est pas toujours animé d’une bonne foi. Il ne cherche ni à exercer un devoir civique ou patriotique ni aider les autorités dans le rétablissement d’une justice. Mais, il agit pour régler des comptes par vengeance, jalousie, cupidité ou tout simplement dans l’intention de nuire à son prochain. Dès que la CDP sera mise en œuvre au Bénin, il faut s’attendre à des dénonciations calomnieuses et des arrestations arbitraires. Il suffit d’un petit contentieux entre deux individus dans un quartier et bonjour les dégâts. Un mari jaloux peut facilement envoyer son rival devant la CPD par une dénonciation mensongère. Quiconque se sent offensé au cours d’une banale altercation peut se venger en envoyant son protagoniste devant les membres de cette cellule. Dans ces cas de figure, comment prouver la véracité des faits ? La CPD exige que ce soit le dénonciateur. Mais qui vérifiera les preuves du dénonciateur ? Au demeurant, quelle sera la composition de cette fameuse cellule? De magistrats et de policiers ou des militants des partis politiques siamois du président Talon ? Pourquoi est-elle logée à la Présidence de la République? Pendant ce temps-là que feront les officiers de police et les magistrats de nos tribunaux ordinaires ? N’est-ce pas une police parallèle que l’on est en train de créer, du genre « Petit Palais » du temps de la Révolution populaire du Bénin ? L’homologue de la Gestapo au temps de Adolph Hitler ? N’est-ce pas une nouvelle machine à broyer des opposants ? Quand on se réfère aux traitements infligés aux opposants par ce régime depuis cinq ans, il n’y a presque pas de doute. De toutes les façons, les assurances du gouvernement n’offrent aucune garantie de crédibilité, de transparence et de justice pour les citoyens. Personne ne sera à l’abri des abus de cette structure.

Échec et mat

Alors même qu’il a fait de la lutte contre la corruption et l’impunité son cheval de bataille depuis son accession au pouvoir, le président Patrice Talon peine à trouver des solutions adéquates face à ce fléau. L’argent public continue d’être volé. Il ne se passe pas un seul jour sans que la presse ne relate des cas de malversations. Des dossiers de malversations financières s’amoncellent sur les bureaux des magistrats. Le dernier cas en date est celui perpétré par une vingtaine de fonctionnaires au ministère de l’enseignement et montre que les réformes entreprises depuis plus de cinq ans n’ont pu rien changer. Pour pallier à cette situation, le gouvernement n’a rien trouvé de mieux que de faire recours à des dénonciations c’est-à-dire des méthodes infamantes rétrogrades et dégradantes. Ce faisant, le président Patrice Talon montre si besoin en est encore son échec patent contre la corruption. Il démontre son incapacité à trouver des solutions adéquates à ce fléau malgré l’existence de nombreuses institutions qui s’y attellent notamment la CRIET, le Haut commissariat, la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF) de même que plusieurs organisations de la société civile. La création de la cellule d’analyse et de traitement des plaintes et dénonciations telle que imaginée est tout simplement une fuite en avant d’un pouvoir déboussolé.

Boubacar Boni Biao (Collaboration)
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