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Bénin : rejet du budget ou le grain de sable salvateur
Publié le jeudi 26 decembre 2013   |  24 heures au Bénin




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Nul doute que le principal sujet qui, depuis quelques jours, polarise l’attention de l’ensemble de la classe politique béninoise, voire de l’opinion nationale dans une large mesure, est le rejet – par 44 voix contre 39 pour et zéro abstention – du projet de budget général de l’Etat exercice 2014 soumis à l’Assemblée nationale par le gouvernement du Président Boni YAYI.

Mais si ce rejet en soi ne constitue pas une première dans les annales du parlement béninois depuis l’avènement du Renouveau démocratique, il n’en est rien en revanche de la modalité du vote l’ayant sous-tendu, celui du vote au scrutin secret, lequel apparaît comme une véritable innovation s’agissant de la matière concernée, en l’occurrence. Ceci, quand bien même notre Assemblée nationale (haut lieu par excellence du débat politique avec tout ce qu’il comporte d’intrigues, de jeux de coalition et de contre-alliance, de combines, de lobbying et autres retournements spectaculaires souvent contre nature) n’en serait pas à un coup de théâtre près.
Mais une fois passés l’étonnement, l’émoi, la déception ou la satisfaction (c’est selon) consécutifs à l’annonce de la nouvelle, peut-être serait-il intéressant de prendre un peu plus du recul pour oser jeter sur cet « événement » un regard un tant soit peu apaisé et distancié, susceptible de nous en donner une lecture alternative plus nuancée. C’est à cet exercice éminemment périlleux que je vais tenter de me livrer à travers le présent billet.
Dans une telle perspective et sans revenir sur les détails techniques qui ont jalonné le processus, les quelques enseignements ci-après, sous-jacents au vote du budget, me paraissent devoir être mis en exergue :

Au-delà des petites querelles partisanes, si l’on s’en tient strictement aux différents argumentaires développés par les députés toutes tendances confondues au cours des débats publics télévisés ayant précédé le vote proprement dit, il eût été contraire aux intérêts supérieurs de la Nation d’adopter, en l’état, un tel documentAutrement dit, même en tenant compte de la majorité théorique mécanique acquise a priori au gouvernement, aboutir à un vote favorable aurait simplement relevé du miracle et – qui pis est – de la pure incurie, pour peu que l’on veuille faire montre d’un minimum d’objectivité, de patriotisme et de bon sens, du moins au regard des justifications pertinentes avancées par les uns et les autres.
Dans l’absolu et ainsi que des voix infiniment plus autorisées l’ont reconnu avant moi, ce vote constitue, sans contredit, la preuve irréfragable d’une certaine vitalité de la démocratie béninoise malgré tout. Il devrait donc, en principe et sauf grave erreur d’appréciation de ma part, contribuer à redorer, dans une certaine mesure, le blason de nos députés auprès d’une partie de leurs mandants qui, à tort ou à raison, avaient commencé par percevoir le parlement comme une vulgaire caisse de résonnance, un ramassis de godillots à la solde de l’exécutif. Il pourrait alors, dans ces conditions, jouer le rôle combien salutaire de soupape servant d’exutoire à l’expression du trop-plein de frustrations de tous ordres de certaines couches de la population.
La commotion et la déception engendrées au sein de la famille politique FCBE par ce qui pourrait être désormais ressenti comme un acte de « haute trahison » pour ainsi dire, de la part de la poignée de « députés anonymes » censés avoir voté contre leur propre camp, ne représentent pas, en dernière analyse, un mal en soi. Elles ne devraient pas donner lieu à une chasse aux sorcières et à d’inutiles déchirements qui s’avéreraient parfaitement contreproductifs dans le contexte actuel. Au contraire, elles devraient être simplement comprises comme faisant partie du jeu normal du combat politique et de l’apprentissage démocratique. Ce devrait, par conséquent, être l’opportunité rêvée de ramener la balle à terre pour procéder à une autocritique franche, sereine et sans concession devant déboucher, si possible, sur une nouvelle redistribution des cartes et, pourquoi pas, sur de nouvelles options stratégiques et/ou tactiques pour les mois et années à venir.
En tout état de cause et au-delà de l’épiphénomène, il serait bien naïf de ne pas d’ores et déjà subodorer et même décrypter, en filigrane de cet épisode budgétaire d’apparence anodine, les prémices d’une inéluctable recomposition de l’échiquier politique, prélude aux prochaines grandes échéances électorales, à savoir : les communales de 2014 (sous réserve, bien entendu, d’un heureux aboutissement du processus en cours de correction de la LEPI ?), les législatives de 2015 et, last but not least, les présidentielles de mars 2016.
Et autant que la mouvance présidentielle, l’opposition devrait saisir cette occasion pour enfin engager le vrai dialogue annoncé depuis des lustres mais jamais concrétisé à ce jour et dont on ne saurait davantage continuer à faire l’économie. Il urge plus que jamais, non pas nécessairement de fumer le calumet de la paix, mais tout au moins de décréter d’accord parties une trêve, ne serait-ce que juste le temps de reprendre langue, de taire les divergences, de transcender les contentieux devenus quasiment irréductibles pour ne privilégier dorénavant que notre plus grand commun dénominateur : l’intérêt supérieur du peuple béninois souverain. Là se trouve, me semble-t-il, la seule justification qui vaille de toute action politique digne de ce nom.
Ce n’est qu’à ce seul prix que nous aurons fait de ce qui vient de se produire, le jeudi 19 décembre 2013, au sein de l’hémicycle à Porto-Novo, un EVENEMENT au sens plein du terme, c’est-à-dire une opération d’où sort gagnant le Bénin tout entier, plutôt que la victoire illusoire et éphémère d’un camp contre un autre.

par Roch NEPO

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