DURBAN - Toujours aussi irréprochable sur le terrain, le capitaine et leader moral du Mali Seydou Keita se sait investi d'une mission particulière à la CAN-2013: porter haut les couleurs de son pays et lui faire oublier, l'espace d'un instant, le conflit mené contre des groupes islamistes.
L'ancien joueur du FC Barcelone (33 ans) ne manque jamais une occasion
d'évoquer le contexte particulier qui entoure la campagne des Aigles et
d'avoir une pensée pour son peuple. Trois semaines après l'intervention de
l'armée française pour repousser l'avancée vers Bamako des islamistes, la
qualification pour les quarts de finale du Mali, lourde de symboles et de
sens, ne pouvait pas échapper à la règle.
Particulièrement ému, Keita a fait part lundi de sa "fierté" pour la "joie"
et le "bonheur" apportés aux Maliens après le nul arraché face à la RD Congo
(1-1), qui offre la possibilité aux troupes de Patrice Carteron de défier
l'Afrique du Sud, pays organisateur, samedi à Durban.
"Notre pays traverse un des moments moments les plus difficiles de son
histoire, a-t-il ajouté. J'ai la chair de poule en parlant de mon pays."
Depuis le début du tournoi, Keita a bien compris que son rôle de capitaine
dépassait cette fois largement le cadre strictement sportif. Le milieu du
Dalian Aerbin (Chine) a bien tenté, la veille de l'entrée en lice de son
équipe, de dissocier le parcours des Aigles dans cette Coupe d'Afrique de la
guerre en cours, déclarant ainsi le 19 janvier: "On ne peut pas faire de
comparaisons. On va essayer de faire plaisir à notre pays et à nos supporteurs
mais le football ne peut rien changer."
Mais il a vite saisi qu'il lui serait impossible d'esquiver la situation au
Mali. Tout de suite après le succès contre le Niger lors du 1er match (1-0),
il n'a pas hésité à afficher sa solidarité avec son pays en arborant en
conférence de presse un tee-shirt portant l'inscription: "La paix au Mali, un
peuple, un but, une foi".
Le précédent de 2012
A la CAN-2012, Keita avait déjà lancé un message de paix et d'unité après
le début de la vaste offensive des rebelles touareg dans le nord du Mali, bien
avant la mainmise des groupes islamistes sur la région. "Ce n'est pas normal
qu'on se tue entre nous, avait-il affirmé. J'ai la peur au ventre. On est tous
des Maliens."
Même si la quasi-totalité des Maliens évolue à l'étranger, cette
sensibilité est largement partagée au sein du groupe. Pendus au téléphone ou
les yeux rivés sur les chaînes d'information en continu, les Aigles ont
appris, depuis leur arrivée en Afrique du Sud, à jongler entre leurs
impératifs sportifs et leur souci d'avoir des nouvelles de leurs proches
restés au pays.
Patrice Carteron, qui vit au Mali depuis sa nomination, avait expliqué à
l'AFP, le 19 janvier, avoir tenu à effectuer la première partie de la
préparation à Bamako pour que les joueurs "ressentent l'engouement autour de
l'équipe."
"L'atmosphère était fantastique alors que les gens sont si tristes à cause
de la guerre", avait-il poursuivi avant de prévenir: "Mettre trop de pression
sur les épaules des joueurs, ça ne les servirait pas du tout. Le but c'est
qu'ils soient heureux sur le terrain, légers et qu'ils puissent s'épanouir.
Pas qu'ils se sentent chargés d'une mission qui ne soit pas à la hauteur de ce
qu'ils sont capables de faire."
Carteron avait également insisté sur le rôle singulier de son capitaine.
"En tant que leader, il ne manque pas une seconde de penser aux gens qui en
ont besoin même si son premier objectif est d'être prêt et performant",
avait-il indiqué au sujet de Keita, le meilleur ambassadeur de la cause
malienne.