Le départ volontaire est évoqué depuis un certain moment dans l’opinion publique. Cette situation n’est pas nouvelle dans l’histoire du Bénin, du moins pour ceux qui l’ont vécu de 1989 à1990. A travers cet entretien, Alexandre Adjinan, Secrétaire Général du Syndicat National des Enseignants du Secondaire Technique et de la Formation professionnelle (SNESTFP-BENIN) revient sur les précautions à prendre avant de décider d’un départ volontaire.
Que peut-on entendre par départ volontaire ?
Lorsqu’on parle de départ volontaire, cela sous-entend un départ voulu d’un employé d’une entreprise privée ou étatique. Donc, lorsqu’un agent décide de mettre fin volontairement à sa collaboration dans une entreprise privée ou étatique, on parle de départ volontaire. Avant que cette décision ne soit prise, il est normal que l’employé prévienne son employeur. Car, la loi n’a pas prévenu de procédures particulières en la matière. Cependant, les dispositions des textes législatives et des conventions collectives des entreprises concernées doivent être respectées. Il est donc normal de prévenir l’employeur par écrit avec accusé de réception, cela est très important.
Qu’est-ce qui peut pousser un agent à faire un départ volontaire ?
Par rapport à ce que nous avons vécu au Bénin en 1989, la difficulté à faire face aux charges salariales a causé le départ volontaire pour la première fois dans notre pays. Il faut rappeler que lorsque la faillite de l’Etat est devenue une réalité irrévocable au Bénin en 1989, les dirigeants ont été contraints de signer un Plan d’Ajustement Structurel (PAS) avec le Fonds Monétaire International (FMI) et le Bénin a été invité à organiser une transition démocratique multipartite qui a amené au Pouvoir Nicéphore Soglo comme premier ministre de 1990 à 1991, puis Président de la République de 1991 à 1996. En cette période, nous avons connu le départ volontaire parce que le PAS l’a recommandé à cause de la crise économique et de la faillite de l’Etat. Les responsables ont donc fait croire aux travailleurs à qui ils ont proposé le départ volontaire qu’il y a des avantages.
Est-ce qu’il y a vraiment des avantages lorsqu’un agent décide de faire un départ volontaire ?
En se référant toujours à la situation de 1989-1990, le PAS géré par le Président Nicéphore Soglo, il faut préciser que, ceux à qui on avait miroité les avantages du départ volontaire, n’étaient pas préparés à cette situation. Les gens avaient pensé qu’ils allaient prendre beaucoup d’argent qu’ils pouvaient gérer pendant des années. Ils étaient des agents de l’Etat, donc ils n’étaient pas préparés à créer et à gérer une entreprise. C’est pour cela que la grande majorité de tous ceux qui étaient volontairement partis de la fonction publique, avaient échoué. Seulement une minorité avaient réussi. Car, contrairement aux autres, eux, ils avaient l’esprit d’entreprendre. Il faut aussi dire que l’échec a été total puisqu’il n’y avait pas l’accompagnement qu’il fallait. Beaucoup avaient décidé d’investir dans l’agriculture en promouvant le manioc. Ils avaient reçu l’argent, mais, ils n’ont pas su le gérer. Lorsque l’Etat avait exigé d’aller voir les terres qu’ils ont pu acquérir, ils montraient les propriétés, d’autres personnes n’avaient rien acheté. Ce n’était pas de leur faute parce qu’ils n’étaient pas du tout préparés pour cela.
Donc, les départs volontaires que notre pays avait connus avec le PAS n’avaient eu aucun avantage pour les travailleurs. Au contraire, c’est un risque, car cela a plus d’inconvénients que d’avantages.
Quels sont donc les inconvénients du départ volontaire ?
L’agent, qu’il soit du secteur public ou privé, il sait qu’à la fin du mois, il a son salaire. C’est en fonction de çà qu’il planifie son existence, c’est-à-dire qu’il gère sa vie, contracte les prêts à la banque… Mais voilà qu’en l’espace de quelques mois, on lui calcule tout ce qu’on lui doit dans le cadre de son départ et on le lui remet en intégralité. Si l’intéressé n’y était pas préparé et n’avait pas mis en place des projets afin de fructifier cet argent obtenu, il ne peut qu’échouer. Les inconvénients du départ volontaire sont donc énormes. En son temps, beaucoup d’agents étaient décédés parce qu’ils avaient dépensé tout l’argent obtenu et ils ne pouvaient plus subvenir aux besoins de la famille. Les soucis les ont donc précipités dans la tombe.
Si le départ volontaire n’a pas d’avantages pour l’agent concerné, il doit en avoir pour l’entreprise ?
Au niveau de l’entreprise, la charge salariale va diminuer parce que le travailleur qui demande à partir de la fonction publique ou privée, on ne peut pas lui payer tout ce qu’on lui doit. S’il était présent au poste, il connaîtra des avancements, des rappels, les cotisations pour sa retraite… Tout ça constitue des charges que l’entreprise devrait supporter. Donc, les départ créent moins de charges à l’entreprise. C’est l’entreprise qui gagne car, il y aura moins d’effectifs et de salaires à payer désormais.
Par communiqué, une société étatique encourage certains de ses employés à faire le départ volontaire. Que pensez-vous de cela ?
Cette situation n’est pas anodine. Tout le temps, le gouvernement de la Rupture parle de réformes. Malheureusement, ces réformes, unilatéralement pensées par le gouvernement sans les représentants des travailleurs ni des employeurs, ont beaucoup d’inconvénients dont la réduction du personnel. La charte nationale du dialogue social signée le 30 juillet 2016 avec le gouvernement et abrogée unilatéralement exige la consultation syndicale pour tout projet de réformes, tant dans leur conception que dans leur mise en œuvre. Mais cela ne s’est jamais passé. Si cette société étatique encourage ses agents à partir volontairement de la fonction publique, ce sont les effets des réformes. Car, l’Etat veut réduire à tout prix la masse salariale de la classe ouvrière alors qu’on n’a pas pensé aux sacrificies au niveau des hommes politiques dont les salaires ont connu une augmentation extraordinaire. Depuis que ce communiqué a été rendu public, lorsqu’un agent accuse une minute de retard, on lui adresse une demande d’explication. C’est une stratégie pour réduire l’effectif du personnel de cette société. L’appel que nous avons à lancer à l’endroit des agents de cette société est de tout faire pour qu’on ne leur trouve pas de failles. Qu’ils fassent donc leur travail comme il se doit.
Propos recueillis par Isac A. YAI