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La Presse du Jour N° 2041 du 27/12/2013

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La marche pacifique des travailleurs réprimée vendredi dernier : «Notre pays est foutu sur le plan de la démocratie. C’est fini », dixit Pascal Todjinou
Publié le lundi 30 decembre 2013   |  La Presse du Jour


Pascal
© Autre presse par DR
Pascal Todjinou, Secrétaire Général de la Conféderation Générale des Travailleurs du Benin (CGTB)


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Avec le recul, Pascal Todjinou de la Cgtb revient sur l’organisation de la marche, sa répression, les conséquences et à la conduite que les Confédérations et centrales syndicales compte désormais tenir.
Que s’est-il exactement passé exactement ce vendredi à Cotonou, lors de la manifestation des syndicats et de la société civile ?


Des organisations syndicales crédibles du Bénin, à savoir la Cgtb, que je dirige, la Csa et la Cstb ont décidé de mener une marche pacifique. La première raison qui a motivé cette marche, c’est l’insécurité, qui est devenue rampante dans notre pays. Ensuite, il y a ce scandale sans précédent dans l’histoire de notre pays. De mémoire d’homme, on a rarement vu affaire aussi grave : la publication des résultats d’un concours où des candidats fictifs sont restés à la maison et ont été déclarés admis, alors qu’il y a des pauvres, travailleurs et compétents, qui ont été recalés.


Nous avons estimé que c’était inadmissible. Enfin, il y a la privation des libertés. Imaginez-vous qu’au Bénin, lorsque vous souhaitez mener une activité de marche et que ce n’est pas pour soutenir le président Yayi Boni, la marche vous est interdite. C’est donc contre tout ceci que nous avons voulu marcher. Nous avons rempli toutes les formalités, obtenu l’autorisation du maire de Cotonou, Nicéphore Dieudonné Soglo et nous sommes allés à la police pour nous entendre sur l’itinéraire.
Mais apparemment, la marche a été interdite par le préfet…


Certes, mais en réalité la lettre que nous avons reçue par la suite, ce vendredi, dit qu’il y a des individus qui ne s’étaient pas encore rapprochés des services compétents pour obtenir une autorisation. Or, comme je vous l’ai expliqué, nous avons écrit au maire de Cotonou, qui est compétent pour accorder une autorisation de marcher. Il faut que vous compreniez que ce qui s’est passé ce vendredi sort de l’ordinaire. Nous étions sur le point de démarrer la marche lorsqu’une horde de militaires, de policiers et de gendarmes nous ont envahis. On a commencé par nous matraquer, ils ont envoyé des grenades lacrymogènes, avant de commencer à tirer à balles réelles sur les manifestants.
Vous dites bien « à balles réelles »…


Tout à fait. Des gens ont été atteints par des balles réelles. Une dame a même reçu quatre ou cinq balles dans le ventre. Dans quel pays sommes-nous ? Moi-même qui vous parle, j’ai été visé par une grenade de gaz lacrymogène, alors que je dégageais les lieux. Plus grave, nos militants ont téléphoné aux sapeurs-pompiers pour leur demander de venir en aide aux blessés, mais la police les en a empêchés. Une situation de non-assistance à personne en danger. Voilà ce qui s’est passé.


Y a-t-il eu des blessés ou des arrestations dans vos rangs ?
Il n’y a pas eu des arrestations, mais il y a eu des blessés graves. Si en tant qu’organisateurs, nous n’avions pas donné des consignes fermes pour qu’on n’affronte pas les policiers, il y aurait eu des morts.
On a noté une certaine tension sociale dans le pays, au cours des derniers mois. A quoi attribuez-vous cela?


C’est le président Yayi lui-même qui cherche querelle partout. Il se moque des députés, il ordonne la fouille des députés, lorsqu’ils reviennent de voyage, il provoque tous les opérateurs économiques parmi les plus nantis du pays, il les pousse dehors. Il a maille à partir avec les organisations syndicales, de la société civile, les confessions religieuses, bref, avec tout le monde dans le pays.


A lui seul. Il ne reconnait que l’armée et sa propre personne. Voilà ce qui se passe et ce sont là quelques causes de la tension. Cela étant, ce qui a exacerbé cette tension, c’est la fuite du juge Angelo Houssou. Il ne s’y attendait pas du tout. Le juge n’a fait que pratiquer son métier en toute conscience. Mais parce que sa décision n’a pas plu, il a commencé à subir des pressions de tous les côtés, et de façon très sérieuse. C’est un monsieur qu’on aurait pu faire facilement disparaitre de la circulation. Il s’est arrangé pour sortir du Bénin.

Cela a provoqué l’ire du président. Quand il a été débouté, en France, après la demande d’extradition de Patrice Talon, il n’a pas pu le supporter non plus. Nous étions nombreux à prendre publiquement position sur l’affaire. Il y avait notamment Martin Assogba, évacué à Paris après avoir essuyé des coups de feu à Cotonou. On a reçu des menaces, mais on a tenu bon, en faisant notamment comprendre que c’était la honte pour notre pays qu’on ait dépensé des centaines de millions pour le résultat qu’on sait. Puis, c’était terminé. Nous sommes devenus une cible privilégiée à abattre dans ce pays. Las, moi je n’ai pas d’autre pays, je n’ai pas d’autre nationalité, je dois donc rester.


Apparemment, le commissaire central de Cotonou se serait rendu à l’hôpital pour présenter ses excuses aux syndicalistes. C’est plutôt un geste d’apaisement, non ?
Il n’est pas venu. C’est en fait le commissaire central Pierre Agossanou lui-même qui a conduit les opérations. C’est lui qui a donné l’ordre de tirer à bout portant sur les manifestants. Cela s’est passé devant nous. Il ne pouvait donc pas venir présenter des excuses. Il aurait probablement été lynché, puisque nos militants étaient dans les alentours de l’hôpital. C’est vraiment la catastrophe. Notre pays est foutu sur le plan de la démocratie. C’est fini.


Les syndicats envisagent-ils de nouvelles actions pour manifester leur mécontentement?
Le président Yayi veut que le pays vive tout le temps dans la tension. On va l’aider dans cette entreprise. Même s’il nous tue, il y aura d’autres qui prendront la relève. Nous ne sommes pas seuls. Je pense que les députés patriotes vont se joindre à nous bientôt.
Avez-vous un appel personnel à lancer au président de la République, dans le sens de l’emmener à comprendre vos revendications et éventuellement, apaiser la tension dans le pays ?


S’il y a un moyen de ramener la paix dans le pays, nous sommes preneurs. Mais en toute honnêteté, je ne crois pas à l’apaisement. Ma conviction, hélas, est que le président Yayi n’est pas un homme de paix. Un exemple tout simple : imaginez-vous que Yayi Boni, qui a été élu sur la base de la Lépi –la Liste électorale Permanente Informatisée, NDLR -, trouve aujourd’hui que cette même Lépi est inopérante.


Evidemment, tout le monde a compris l’astuce : il ne souhaite pas organiser les élections municipales et c’est une astuce pour faire traîner les choses et faire valoir, en 2016, à la fin de son deuxième et dernier mandat, qu’on ne peut pas organiser l’élection présidentielle. C’est contre tout cela que nous nous battons aujourd’hui. S’il peut se trouver des médiateurs pour ramener la paix au Bénin, il est encore temps qu’ils arrivent. Nous ne voulons pas de tuerie dans ce pays. Il ne faudrait pas que le Bénin devienne une deuxième Palestine, nous voulons juste vivre dans la coexistence et la paix.


Vous avez évoqué la paix à plusieurs reprises. A vous entendre, on a l’impression que Yayi Boni est un obstacle à la paix…
C’est un véritable obstacle à la paix. Il faut le dire et le répéter. C’est un véritable obstacle à la paix. Mais s’il y a des gens qui peuvent le ramener sur le droit chemin, nous ne pouvons que les encourager.



Vous pensez à qui ?
Au niveau du Bénin, je ne pense pas qu’il y ait grand monde pour faire quelque chose. En revanche, au niveau de la communauté internationale, il y a des leviers sur lesquels on peut agir. Il y a la France, notre pays de référence, les Etats-Unis, etc. Nous prions ces pays de dire à Yayi de ne pas gâter notre démocratie. En ce qui nous concerne, nous sommes prêts à dialoguer avec lui, pour peu qu’il le veuille et le souhaite.

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