Du sang a coulé vendredi dernier aux abords et à l’intérieur de la bourse du travail. La marche pacifique annoncée au départ et mise en branle par les responsables syndicaux a viré au cauchemar. Une muraille sécuritaire composée d’éléments de la police et de la gendarmerie nationale a d’abord tenté de confiner les manifestants sur le bitume faisant face à la bourse du travail, les empêchant ainsi de se mouvoir. Munis de l’autorisation délivrée par le maire de Cotonou, les initiateurs de la marche étaient loin de penser qu’ils avaient affaire à des agents dont le dessein, conformément aux ordres reçus, était de les mater en cas de nécessité.
Face à la détermination des manifestants nullement ébranlés par la grosse artillerie déployée, les commis à la solde de l’arbitraire, ont mis en exécution leur plan savamment orchestré. Jets de gaz lacrymogène et coups de matraque ont fini par avoir raison des manifestants. Et ce fut la débandade générale. Fait rarissime, Paul Esse Iko, Pascal Todjinou, Dieudonné Lokossou, Noël Chadaré, tous secrétaires généraux de centrales et confédérations syndicales n’ont pas été épargnés. Comme certains travailleurs, 18 au total, ils se sont retrouvés, quelques instants plus tard, au Centre national hospitalier et universitaire (Cnhu) de Cotonou pour recevoir des soins.
Constitution béninoise du 11 décembre 1990 est sans équivoque. "L’Etat reconnaît et garantit, dans les conditions fixées par la loi, la liberté d’aller et venir, la liberté d’association, de réunion, de cortège et de manifestation". Placide Azandé, préfet des départements de l’Atlantique et du Littoral, n’est pas en phase avec cette disposition légale puisqu’il n’est pas étranger à cette énième attaque qui vise la liquidation des libertés. A la lettre d’autorisation du maire de Cotonou, il a opposé la sienne qui porte interdiction de ladite marche au motif de troubles à l’ordre public. Le hic, le véhicule des sapeurs-pompiers appelé à la rescousse pour évacuer les blessés a été immobilisé par les forces de l’ordre aux abois. Ceci traduit une volonté manifeste de non assistance à personne en danger. Le but visé était donc de faire mal, rien de plus.
Une fois encore, le fameux motif de troubles à l’ordre public a été remis au goût du jour. Mais a contrario, lorsque les griots du gouvernement annoncent les couleurs, les forces de sécurité sont déployées, non pas pour les réprimer, loin s’en faut, mais plutôt pour veiller avec soin sur la bonne marche des manifestations. Placide Azandé invite donc le peuple, non pas à la lutte pour la sauvegarde de la démocratie, mais à la culture du renoncement et à la promotion de la pensée unique.
La première dame, qui compte dans les rangs de son parti, des personnalités comme Placide Azandé, doit en bonne mère de famille, battre le rappel de la troupe pour rectifier le tir. Ce n’est point un honneur pour elle que ses lieutenants soient auteurs de tels agissements.
L’appel à la résistance
Les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité que chérit le peuple béninois, méritent que l’on se batte pour leur sauvegarde et leur renforcement. Nous défendrons contre vents et marées, contre la mouvance présidentielle mais aussi contre l’opposition, les valeurs et principes républicains. Nous combattrons sans compromission possible la dérive que l’on constate, où un seul camp a le droit de manifester. Nous invitons tous les républicains, qu’ils soient de la mouvance ou de l’opposition, travailleurs, jeunes, étudiants à nous rejoindre pour ce combat.