C’est une Béninoise peu connue dans son pays d’origine mais qui excelle à l’international depuis quelques années. Laeila Adjovi, gagnante du grand prix de la biennale de Dakar en 2018, contribue à l’exposition Art du Bénin à travers trois œuvres tirées de la série Malaïka Dotou Sankofa qui a séduit le jury de Dak’Art à l’époque.
Ancienne correspondante de Bbc Africa au Sénégal, Laeila Adjovi est une mordue de la photographie depuis son jeune âge. Un secteur qui l’absorbe, au final, malgré ses diplômes en Sciences politiques et en journalisme.
Sur l’exposition Art du Bénin, cette artiste franco-béninoise s’illustre à travers trois tirages de la série Malaïka Dotou Sankofa (poème) avec laquelle elle a décroché le grand prix de la biennale de Dakar en 2018. Ces œuvres tapent dans l’œil grâce à sa force de créativité et à la magie de la photographie. L’image sans doute la plus célèbre est Malaïka Dotou Sankofa n°4, une figure androgyne qui est debout sur un pied posé sur des livres avec ses ailes largement déployées. Cette image se retrouve sur les affiches officielles de l’exposition Art du Bénin avec un trône royal en arrière. L’artiste est heureuse de savoir que cette image reçoit en tout lieu et en tout temps, un écho favorable au sein du public même si ce n’est pas sa préférée à elle. « Ma préférée, c’est Malaïka Dotou Sankofa n°5. On y voit des ailes qui brisent un mur comme si le personnage avait traversé le mur alors même qu’il y a un escalier à côté », confie-t-elle. A travers cette œuvre, Laeila Adjovi pense que pour s’épanouir comme on l’entend, il y aura de l’obstruction et de la destruction pour avancer dans la direction choisie. La dernière œuvre de l’artiste, exposée au palais de la Marina est Malaïka Dotou Sankofa n°1. Ici, le personnage de Malaïka se mire dans son petit costume étriqué. « C’est une espèce de métaphore pour la modernité occidentale qu’on arrive à mettre mais qui nous serre un peu. Elle se regarde dans ce miroir sans voir qu’elle a des ailes sur le dos, et elle regarde de loin une grille qui est fermée et une lumière, et elle se demande comment elle va réussir à sortir de cet univers carcérale », décrit Laeila Adjovi. Cette image parle ainsi de l’émancipation, de la libération, de la réconciliation avec soi-même, explique l’artiste. Sur le site de l’exposition, l’on retrouve également le poème Malaïka Dotou Sankofa.
Cette sorte de coffret offert au public, fait la fierté de la Franco-béninoise, car elle reçoit de très bons retours de partout au monde. Elle se dit particulièrement contente de participer à la cause des restitutions. « Je suis également très contente que le Bénin soit en pole position et j’espère vraiment que c’est le haut de l’iceberg, le début de quelque chose… », ajoute-t-elle.
Pour une artiste comme Laeila Adjovi qui a déjà exposé dans d’autres pays africains, sur le vieux continent et dans les Amériques, l’exposition Art du Bénin est d’un très haut niveau et respecte les stands internationaux. « C’est une exposition qui n’a rien à envier à ce qui se fait au Tate Modern ou au Quai Branly… Donc ici, on n’a rien à envier à des institutions internationales. Que ça soit en termes de sélection des œuvres des artistes contemporains, de scénographie (qui est absolument magique), les nocturnes, etc., cette exposition est réussie. Je pense que n’importe quel artiste international serait fier d’y participer parce que oui, ça fonctionne ! », assure-t-elle.
Malaïka Dotou Sankofa est un poème de Laeila Adjovi, qu’elle a illustré avec des contes visuels réalisés en collaboration avec le photographe français Loïc Hoquet. « Malaïka pour dire ange en langue Swahilie. Malaïka, c’est aussi ange en langue wolof. Dotou, c’est en langue fongbé pour dire reste droit, soit déterminé. Et Sankofa, c’est un pictogramme Akan… Sankofa est un oiseau messager qui vole avec la tête tournée vers l’arrière. C’est pour dire que pour avancer, il faut tirer les leçons du passé », explique l’artiste. Elle a ainsi créé ce personnage qui est Malaïka Dotou Sankofa pour exprimer l’idée de la libération qui ne se fera qu’au moyen de l’identité africaine.
L’accessoire des ailes du personnage n’est pas un montage photographique. Cela existe pour de vrai. Et d’après Laeila, la structure métallique articulée des ailes, a été construite par un menuisier métallique sénégalais du nom de Bassirou Wade. Les plumes fabriquées en très grande quantité, sont en mosaïque pour montrer la diversité des peuples africains. « J’ai opté pour des ailes lourdes et amples qui sont la métaphore de l’identité africaine. Donc, ce sont des ailes larges qui montrent vraiment l’amplitude, la puissance, et cette mosaïque pour montrer la diversité de nos peuples et de nos langues. J’ai voulu que ces ailes paraissent lourdes à porter parce que l’identité africaine même en 2022 peut être lourde à porter », pense la Franco-béninoise. Pour l’artiste, bien qu’elle soit lourde, cette identité demeure l’instrument de la libération sur tous les plans.
————– Biographie ———————–
Née de père et mère béninois, Laeila Adjovi tient sa fibre artistique de ses travaux culturels depuis son bas âge. « J’ai toujours eu des activités artistiques quand j’étais enfant. Je faisais du dessin. J’ai commencé par faire de la photographie argentique quand j’avais 20 ans. J’avais même à l’époque un laboratoire de photos pour développer mes pellicules à la maison. Donc, j’ai un rapport à la photographie qui est très artisanal », confie-t-elle. Depuis fin 2018, Laeïla travaille entre le Nigeria, le Bénin et Cuba sur un projet transdisciplinaire autour des rites de déités yoruba et ewe-fon vénérées des deux côtés de l’Atlantique. Cette exploration documentaire et artistique l’a menée en 2021 vers un doctorat, avec une thèse artistique intitulée « Les chemins de Yemoja : spiritualité nomade, transmission orale et résistance culturelle ».