Docteur Romaric Massi, Médecin hématologue à propos des groupes sanguins : « Danger pour les jeunes filles … risques de fausses couches à répétitions »
Longtemps réalisée en médecine humaine comme un indice de compatibilité avant toute transfusion sanguine, la détermination du groupe sanguin et facteur rhésus demeure aussi un examen primordial dans le choix de son partenaire conjugal. A travers cette interview, Docteur Romaric Massi, Médecin hématologue, aborde l’importance de cet examen et donne quelques conseils aux jeunes.
Qu’est-ce que le groupe sanguin ?
Les globules rouges portent à leur surface, différents marqueurs (carte d’identité). Ces marqueurs sont encore appelés antigènes. Il existe des centaines d’antigènes à la surface des globules rouges. Ces antigènes sont classés dans différents groupes qu’on appelle : « groupe sanguin ».
Quels sont les différents types de groupes sanguins ?
Aujourd’hui, avec l’évolution technologique, on est à plus de 43 systèmes de groupes sanguins différents. Les plus connus sont, d’une part, ceux du système ABO qui permettent de savoir si l’on est du groupe sanguin A, B, O ou AB. Et d’autre part, du système rhésus qui contient plusieurs marqueurs dont le plus connu est celui nommé D. On peut dire dans ce dernier groupe, si le sujet est du rhésus positif (+) ou négatif (-).
Citez nous quelques uns des autres systèmes de groupes sanguins qui existent.
Il y a, par exemple, les systèmes de groupe sanguin Kell, Duffy, MNS, Kidd, etc.
Quelle est l’utilité de ces groupes sanguins ?
Chaque personne va rester unique par rapport aux marqueurs qui sont présents sur ses globules rouges. Lorsque ces globules rouges vont se retrouver dans le sang de quelqu’un dont les globules rouges n’ont pas les mêmes marqueurs, l’organisme de ce dernier va reconnaitre les globules rouges comme un « étranger ». Par exemple, un sujet de groupe A va porter sur ses globules rouges des marqueurs du groupe A. Si par mégarde vous prenez les globules rouges d’un sujet de groupe A que vous mettez dans le corps d’un sujet de groupe B, l’organisme de ce dernier va reconnaître ces globules rouges A comme étant des « globules rouges étrangers ». L’organisme va réagir et sécréter des anticorps pour attaquer et éliminer les « globules rouges étrangers » qui ne lui appartiennent pas. Ces réactions sont très violentes et peuvent être mortelles.
Quelles sont alors les circonstances qui peuvent pousser à savoir son groupe sanguin ?
Premièrement, il faut obligatoirement connaitre le groupe sanguin avant de réaliser une transfusion de sang. Deuxièmement, en cas de greffe d’organe (fois, rein, etc). Une 3ième application concerne la grossesse, l’immunisation fœto-maternelle.
Expliquez-nous un peu cette dernière application ?
Lorsqu’une femme de rhésus négatif se marie avec un homme de rhésus positif, si la femme tombe enceinte, le bébé peut être de rhésus positif. Vers la fin de la grossesse (les mouvements fœtaux vont devenir très importants) et pendant l’accouchement ; quelques globules rouges du bébé (rhésus positif) passent dans le sang de la mère rhésus négatif, le corps de cette dernière va reconnaitre les globules rouges du bébé comme des corps étrangers puisque n’ayant pas la même carte d’identité que la maman. Du coup le corps de la maman va sécréter des anticorps pour éliminer ces globules rouges qui ont des marqueurs différents. Lors d’une prochaine grossesse si le bébé est à nouveau de rhésus positif, les anticorps vont traverser le placenta pour aller attaquer les globules rouges du bébé. Ceci peut être responsable de fausses couches à répétition. C’est pour cela que lors du premier accouchement, si le bébé est de rhésus positif alors que la mère est rhésus négatif, on administre immédiatement après l’accouchement à la maman du sérum anti D pour prévenir l’immunisation maternelle.
Quelles sont les conséquences de l’incompatibilité fœto-maternelle ?
Comme nous venons de le dire précédemment, une immunisation maternelle peut avoir comme conséquence la perte du bébé se traduisant parfois par des fausses couches à répétition. Cette immunisation peut se produire lors de l’accouchement mais également au cours d’un avortement. C’est là le danger pour les jeunes filles qui tombent enceintes, ne connaissent pas le groupe sanguin du conjoint avec qui elles ont eu la grossesse, mais font des avortements clandestins. Si par mégarde, le conjoint était rhésus positif et la fille rhésus négatif, cette dernière peut être immunisée si les dispositions idoines (administration de sérum anti D) ne sont pas prises. Il y a des risques qu’elle ne puisse plus jamais avoir un enfant (fausse couche à répétition).
L’incompatibilité materno-fœtale peut avoir dans certaines circonstances comme conséquence une destruction des globules rouges chez le nouveau-né. C’est la maladie hémolytique du nouveau-né et ce dernier aura un ictère qui, s’il n’est pas traité rapidement et correctement aura des conséquences dramatiques sur le cerveau du bébé (impossibilité de se tenir debout, de marcher, de parler etc). C’est ce qu’on appelle un ictère nucléaire. On peut également perdre le bébé dans ces circonstances.
Quels conseils donnez-vous à ceux qui souhaitent se marier ?
Quand deux personnes veulent se mettre en couple, je recommande tout au moins deux examens de façon systématique : le groupage sanguin et l’électrophorèse quantitative de l’hémoglobine. Au moins ça ! Et ça permet à chacun de savoir à quoi s’en tenir.
Que pensez-vous de l’alimentation en fonction du groupe sanguin ?
Il y a beaucoup de choses qui se disent par rapport au groupe sanguin mais très peu sont vérifiables. C’est ça malheureusement le problème. Je pense qu’à mon humble avis, c’est extrêmement difficile aujourd’hui de pouvoir dire qu’un sujet de groupe A ne doit pas manger X et Y. Il y a encore beaucoup de points que la science doit éclaircir à ce sujet afin que nous puissions mieux conseiller nos populations.
Quel appel faites-vous à ceux qui ne connaissent pas encore leur groupe sanguin ?
Connaître son groupe sanguin, c’est capital. Le groupe sanguin permet de sauver de nombreuses vies humaines. Un message très important : « ne jamais faire un avortement clandestin, les conséquences sont souvent dramatiques ».
Votre mot de la fin !
Les groupes sanguins constituent un outil de travail très important pour nous en médecine. Ces groupes nous permettent de sauver des milliers de vies. Je conseille à tous ceux qui vont suivre cet élément d’avoir leur groupe sanguin et, si possible, se déplacer toujours avec. En cas d’urgence, cela peut servir le personnel soignant. Le groupe sanguin, c’est une obligation, il faut l’avoir c’est important.
Propos recueillis par Paul FANDJI (Stag)