Les crises économique, sociale et morale se sont invitées dans les sermons de la fête de l’Aïd El-Fitr qui tourne la page du ramadan. A Abomey-Calavi, imams et fidèles appellent au retour aux valeurs morales et à l’acceptation des uns et des autres.
Temps clément à Abomey-Calavi, ce premier lundi de mai 2022. A peine le soleil a-t-il pointé le bout de son nez que la cour de l’Epp Finafa à Agori est prise d’assaut. L’atmosphère est chaleureuse contrairement aux deux dernières célébrations en demi-teinte, du fait des restrictions liées à la Covid-19. Quand sonne 10 heures, les fidèles se mettent en posture, sur les tapis dressés pour accomplir les deux raka’ats prescrites pour l’Aïd El-Fitr. En première ligne, on retrouve certaines personnalités dont Nassirou Bako-Arifari, qui sont venues aussi rendre grâce à Dieu pour la traversée du mois béni du ramadan. « Nous avons sollicité sa miséricorde, son pardon. Que le tout-puissant fasse en sorte que sa miséricorde soit, pour l’ensemble de la communauté nationale, un acte de paix qui montre la nature de la religion islamique, une religion de tolérance contre toutes les formes d’extrémisme qui créent désolation, angoisse et psychose au sein de nos communautés », confie-t-il. Après les deux raka’ats, assis, les fidèles suivent alors la khutbah, c’est-à-dire le sermon.
Une crise morale qui inquiète
L’imam El hadj Moutawakil Boukari Malik de la mosquée centrale Médine II d’Agori Plateau évoque dans son sermon ce qu’il appelle une crise morale sans précédent. «on a l’impression que le monde est arrivé à un stade où chacun pense être le maître de lui-même et seul détenteur de la vérité. Ainsi, le vice est pratiqué aussi bien secrètement que publiquement. Il s’agit entre autres de l’alcoolisme, la prostitution, de la délinquance juvénile et j’en passe. Les populations souffrent, les pays se meurent, les espèces animales et végétales tendent à disparaître, la nature se dégrade, la miséricorde et les bénédictions d’Allah se font rares…Tout cela à cause de la dépravation morale qui a conduit les âmes à se pencher désormais vers le mal sous toutes ses formes : mensonge, haine, calomnie, méchanceté, corruption, trahison, faux témoignage, détournement…», fustige l’imam pour dire que ce qui frappe le monde aujourd’hui n’est que la juste rémunération des actes humains.
Fin du ramadan, mais pas des interdits
LIRE AUSSI: Revendications syndicales au ministère de l’Industrie: Des solutions idoines aux problèmes des travailleurs
Dans la suite de la khutbah, l’imam invite les croyants à faire un examen sérieux de conscience, à s’attacher au livre d’Allah et à la sunna du Prophète. Et ce, avec un esprit ouvert afin de repousser la corruption, renforcer les valeurs de la religion et sauvegarder les vertus. Ceux qui pensent que la fin du ramadan est le début de la débauche, sont désormais avertis « Certains jeûneurs ont une attitude inverse, après l’écoulement de Ramadan, ils reviennent aux plaisirs interdits et aux actes de désobéissance, ce qui démontre la faiblesse de leur foi et leur non application du Saint Coran et de la Sunna du Prophète Mouhammad (Saw). On ne peut pas envisager un musulman qui passe Ramadan en dévotion et adoration puis qui se jette par la suite dans la débauche après ce mois béni de Ramadan », fait remarquer El hadj Moutawakil Boukari Malik.
Un appel aux gouvernants
D’une crise à une autre, l’imam évoque aussi la crise économique mondiale et la cherté de la vie. « Cette flambée des prix des denrées alimentaires doit attirer particulièrement l’attention du chef de l’Etat », lance-t-il. Puis, El hadj Moutawakil Boukari Malik fait une série de propositions à l’endroit des gouvernants pour juguler la crise. Mais à côté, il tient à l’unité de tous les fils du pays. « Nous pouvons avoir des idées divergentes dans la manière de construire notre pays. Mais, il est nécessaire de toujours maintenir cet héritage de cohésion et d’unité nationale car notre pays est un », martèle-t-il dans son sermon avant d’appeler à obéir à l’autorité du chef de l’Etat, Patrice Talon : « C’est Dieu qui l’a mis là. Le pouvoir est à Dieu et il ne le donne qu’à celui qu’il veut ». Cette prière ouvre ainsi une journée de fête pour toute la communauté musulmane, en famille, entre amis, voire entre voisins. C’est un rituel immuable auquel se prêtent chaque année plus d’un milliard de musulmans dans le monde.