Je me vois dans l’obligation de modifier, momentanément, le cours normal de mon récit sur l’historique du football béninois, depuis ses origines. Pour cause, les difficultés afférentes à l’inexistence, quasiment totale, d’archives écrites. En attendant ma dernière chance à ce niveau et le recueil oral des mémoires que m’ont promis certaines icônes vivantes de ce sport auquel ils ont tant donné sans recevoir grand-chose en retour.
Pour l’instant, nous allons essayer de nous souvenir de comment se déroulait notre enfance dont les plus belles heures tournaient autour d’un ballon de football.
Comme nous l’évoquions tantôt, celui-ci était plus perçu comme divertissement que comme le générateur de grandes richesses qu’il va devenir, de nos jours. Pourtant, inconsciemment, tout le monde subissait déjà son influence. A commencer par les parents, relativement nantis, qui pouvaient se permettre d’offrir un ballon à leurs enfants. Faisant de ceux-ci, automatiquement, de petits dictateurs en devenir. Avec ce trésor tant désiré, ils s’autoproclamaient, naturellement, chef de bandes. Choisissant leurs lieutenants parmi les meilleurs joueurs, confiant les corvées aux moins doués mais prêts à toutes les brimades pour jouer. Et bien apprendre afin d’être invités dans le cercle tant envié des privilégiés du "petit monstre". Ils se précipitaient pour soulager le chef de ses petits travaux ménagers afin que tout ce beau monde se retrouve, plus tôt, sur un terrain vague pour assouvir leur faim de jouer. Mais tout dépendait encore du facétieux diablotin. Il composait son équipe, rappelait ou inventait un prétexte pour mettre de côté celui ou ceux à qui il en voulait pour des raisons que lui-même ignorait parfois. Pour se donner des chances de jouer , certains courtisans s’empressaient d’aller chercher des cailloux pour en faire les " poteaux ".
Les deux équipes en place, le propriétaire du ballon donnait ou recevait le coup d’envoi . Si l’équipe adverse marquait le premier but, celui-ci était refusé pour hors jeu ou faute imaginaire. Ou alors il était validé et à la première occasion , un penalty de compensation était sifflé , tiré et marqué par le propriétaire du ballon. Alors ,tout le monde se précipitait vers lui pour le féliciter, à qui mieux mieux. Le gardien de but n’avait pas le droit d’arrêter le ballon. Tant que son équipe ne gagnait, pas le match continuait. Le propriétaire du ballon n’était jamais un défenseur, ne défendait jamais. On ne devait jamais l’attaquer. Celui qui le faisait et le brutalisait , même involontairement pouvait être renvoyé momentanément. La durée du match dépendait, unilatéralement, de sa seule volonté, selon son humeur. Nous ne pensions jamais à nous révolter contre ses caprices. Le plus important était de rester dans ses bonnes grâces et bien progresser pour qu’il nous remarque et nous garde parmi ses préférés. Cela suffisait à notre bonheur.
(A SUIVRE)
Béchir Mahamat