Invité pour animer le podium discussion de la Chaire Unesco de l’Université d’Abomey-Calavi, Alioune Sall, professeur titulaire des universités de Cames s’est prononcé sur les véritables causes de la réapparitions des coups d’Etat en Afrique.
Nous sommes confrontés à la réalité des coups d’Etat des cols blancs et des coups d’Etat militaires. Le peuple africain entre le marteau et l’enclume. Il se trouve que la réflexion qui nous anime aujourd’hui est celle qui anime aussi les chefs d’Etat en ce moment même à Malabo. Si nous sommes appelés à réfléchir sur cette question, c’est précisément qu’elle s’est renouvelée. Il y a eu 82 coups d’Etat en Afrique entre 1960 et 2000. Donc, d’une certaine manière, on connaît les coups, même si entre temps ça avait cessé. Mais brutalement, ils réapparaissent. Et pourquoi ils réapparaissent, c’est là l’intérêt de notre présentation. Nous allons essayer de pister ce qu’il y a de nouveau dans un phénomène que nous croyions avoir fini avec. Si nous parvenons à dégager quelques pistes de réflexions, nous aurions réussi cette discussion. Nous sommes dans un univers académique où la réflexion est théorique. La vocation de l’université est de réfléchir. Nous ne sommes donc pas là pour trouver des réponses pratiques à des questions qui se posent. Nous ne sommes pas là pour trouver des recettes miracles que les chefs d’Etat n’auront pas trouvé pour mettre fin aux coups d’Etat. Ceux qui demandent aux universitaires de régler les problèmes sociaux se trompent un peu. Nous ne sommes pas des ingénieurs sociaux pour prétendre résoudre des problèmes. En philosophie, ce sont des questions qui importent plus que des réponses.
Si cette rencontre se penche sur les questions de coups d’Etat en Afrique, c’est qu’il y a quelque chose de nouveau qui motive la reprise des coups d’Etat. Entre 2019 et ce jour, il y a eu 5 coups d’Etat en Afrique. Manifestement, il y a un problème. Je félicite la Chaire pour avoir mis en corrélation l’actualité avec la réflexion. C’est ça la vocation d’un cadre scientifique. Dans les pays développés, chaque fois qu’il y a des choses qui se passent dans la société, les universitaires s’en accaparent pour en faire un objet de réflexion. Les coups d’Etat depuis 1990, on croyait avoir fini avec. Mais voilà qu’ils réapparaissent. Je crois que la réflexion s’impose au moins à trois niveaux : il faut savoir ce qu’il y a de nouveau dans les motivations des coups d’Etat, une sorte d’anatomie des coups d’Etat. Il faut =savoir quelle en sont les raisons. Est-ce que les raisons qui poussent les militaires à faire des coups d’Etat dans les années 1960, sont les mêmes qui les poussent à faire les coups d’Etat en 2020 ? Il faut donc s’interroger sur ces évolutions et discontinuités. Je crois que la réflexion s’impose aussi du point de vue d’un autre élément qui est censé être l’antidote des coups d’Etat, car les coups d’Etat sont quelque chose de pathologique, même s’il y a des coups d’Etat "salvateurs". La normalité dans une société démocratique, c’est la compétitivité par les élections, c’est-à-dire l’accession au pouvoir par les moyens pacifiques. Le coup d’Etat est un moyen violent d’accession au pouvoir. Dans un Etat de droit, le moyen d’accession au pouvoir est non violent. Si les coups d’Etat réapparaissent, il faut aussi interroger la base des élections, de sa pertinence et ou ces imperfections. S’il y a des coups, il faut donc interroger les processus électoraux. Le troisième niveau de réflexion est que l’Etat a le monopole de la contrainte légale armée. L’armée étant en principe subordonnée à une autorité civile. L’Etat est l’institutionnalisation du pouvoir et lui seul peut utiliser la force armée. Le coup d’Etat est une forme de négation de ces principes. Donc, la résurgence des coups d’Etat implique donc une réflexion autour de l’institution étatique. Voilà les trois niveaux de réflexion : y-a-t-il du nouveau dans les coups d’Etat ? Que nous apprennent ces coups d’Etat du point de vue des processus électoraux censés y mettre fin ? Que nous apprennent les coups d’Etat du point de vue de l’Etat censé garder le monopole de la force ?
Si l’on se penche sur la première question, à savoir qu’il y a de neuf dans les coups d’Etat actuels. En réalité, il n’y a pas eu de rupture. Il y a du nouveau dans le contexte. Il y a des causes conjoncturelles et structurelles qui n’ont pas été éteintes avec la transition démocratique en 1990. Il y a une sorte de militarisation du politique poussé au sommet de la création de nos Etats. Dès les années 1960, cette militarisation du politique a été quelque chose de visible. Parce que l’association de l’exercice du pouvoir avec la force armée a été justifiée à peu près pour les mêmes raisons qu’on justifiait à l’époque les partis uniques. Les partis uniques et l’armée constituent des éléments de cohésion sociale et politique. La militarisation du politique, nous a-t-on dit, correspond à la nécessité de fortifier le pouvoir qui était investi de la tâche de réaliser le développement économique et social et qui avait pour cela, besoin d’une force. L’armée était donc présentée comme un élément constitutif de la cohésion sociale et politique. D’où la présence de l’armée au début même de l’institution étatique en Afrique. La militarisation du politique pour justifier les pouvoirs monocratiques. L’armée s’auto-investit donc comme un arbitre du jeu politique. Il y a donc, une sorte d’association étroite entre l’institution militaire et l’institution politique. Evidemment, ce n’est pas un phénomène normal parce que ça ne se passe pas comme ça ailleurs. On note à ce stade les déficiences des contrôles institutionnels et des contrôles politiques dans nos Etats au départ. Si l’armée est associée au pouvoir, c’est parce qu’il y a un problème de contrôle institutionnel du pouvoir et une mise en place d’institutions démocratiques dans nos Etats. Bien entendu, il peut y avoir des déclinaisons de l’Etat. Cette explication que je donne n’exclut pas les variables ou les déclinaisons locales des pouvoirs militaires. On a l’impression que la mise en place d’une idéologie est la raison fondamentale pour laquelle les militaires prennent le pouvoir. Tout le monde a souvenance du marxisme-léninisme de 1972 au Bénin avec le discours épique du Colonel Kérékou à l’époque sur la question du Marxisme-Léninisme. On a l’impression que l’institution militaire investissait le pouvoir pour des raisons essentiellement idéologiques. On a d’autres pays dans lesquels les motivations étaient corporatistes. L’armée prend le pouvoir pas vraiment pour donner une orientation politique au régime du pays, mais pour régler des contradictions internes à l’armée. Ce sont donc des variations locales. Mais fondamentalement, il y a un dénominateur commun qui montre que ce phénomène est pathologique. Et au-delà des considérations locales, ce phénomène traduit une faible institutionnalité des mécanismes de contrôles des pouvoirs. La militarisation du politique qui existait avant est celle qui s’accompagne d’un phénomène très curieux que l’on peut dénommer par la privatisation de l’armée par le pouvoir politique. J’entends par là ce que tout le monde sait. Une partie de l’armée est accaparée par le pouvoir politique dont la seule fonction est de défendre le pouvoir. Ce sont les fameuses gardes républicaines, gardes présidentielles… La présence de l’armée dans le champ politique s’accompagne donc d’une sorte de privatisation et de captation d’une partie de l’armée par le pouvoir politique afin qu’elle puisse le défendre. Nous savons tous qu’il a existé parfois dans nos armées nationales quelques noyaux de hauts gradés qui étaient très bien traités aux plans salarial et matériel par le pouvoir en place. Pourquoi, parce que c’était des unités de l’armée qui étaient préposées à la défense du pouvoir politique. Dans ces conditions de militarisation originelle du politique d’une part, privatisation de l’armée à des fins de conservation du pouvoir d’autre part, dans ces conditions les mouvements démocratiques des années 1990 ne pouvaient que travailler pour déconnecter l’institution militaire de l’institution politique. Si l’on regarde les grandes institutions qui ont marqué les années 1990, elles posent comme règle la nécessité de ne plus être militaires pour accéder au pouvoir politique. Il y a eu beaucoup de constitution dans ce sens. Le pouvoir n’était pas interdit aux militaires, mais la condition pour rester au pouvoir est d’enlever le treillis au bénéfice de la mission civile.
Dans un Etat démocratique, l’institution militaire est isolée du pouvoir politique. Les constitutions le disent et elles sont aussi aidées par les institutions internationales. Autrement dit, la nécessité d’éloigner l’institution militaire du pouvoir politique n’est pas seulement une action juridique nationale émise par la Constitution, elle est aussi un élément du droit international. La thématique du changement anticonstitutionnel du gouvernement est maintenant posée sur le champ international. Et des Organisations comme l’ONU, l’Union Africaine, la déclaration d’Alger de 1999 sur le changement constitutionnel du gouvernement en parlent, la charte africaine des élections et de la démocratie de 2007, la CEDEAO… en parlent. Toute la philosophie politique qui se dégage du protocole de 2001 sur la démocratie et la bonne gouvernance reflète bien cette révolution. La CEDEAO est à la pointe du combat contre le changement anticonstitutionnel du pouvoir. Elle est suivie depuis quelque temps par l’UEMOA qui n’y était pour rien.
Le changement antidémocratique du pouvoir préoccupe toutes les institutions internationales. 1990 marque la volonté d’en finir avec les pouvoirs militaires. Les ruptures ne sont pas aussi nettes que ça. Même pendant cette période, plutôt favorable à la démilitarisation du pouvoir politique, on constate qu’il y a de très fortes résistances de l’armée. Cette résistance était très insidieuse, sournoise et camouflée. Au Togo, l’armée prenait parti. Elle sortait des casernes pour préserver un ordre donné. Je crois que le Togo ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui si l’armée n’était pas intervenue dans les années 1990 à plusieurs reprises. Bref, l’armée n’avait pas tout à fait lâché le pouvoir politique. Egalement, en Gambie, il y a eu un coup d’Etat en 1994 alors que le climat était plutôt à la condamnation des coups d’Etat. Il y a eu aussi un coup d’Etat au Burundi dans la même année. Il y a aussi le Niger qui a connu deux coups d’Etat en 1990 et 1996. Il ne faut donc pas avoir l’illusion que les années 1990 ont mis fin à un phénomène qui réapparait dans les années 2020. Le phénomène militaire n’est pas nécessairement antidémocratique. Je ne dis pas que les coups d’Etat sont démocratiques. Le coup d’Etat de 2010 au Niger était fait contre le fonctionnement anticonstitutionnel marqué par le troisième mandat du Président Tandja. Raison pour laquelle certains disent est-ce que de façon absolue, il faut annuler tous les coups d’Etat militaires ? Les motivations varient. Mon propos est de montrer que le phénomène est resté vivace.
Quoi de neuf sur le plan des coups d’Etat ?
Je pense qu’il y a une donnée nouvelle. Je parle là de la cause conjoncturelle. Est-ce que les coups d’Etat qui sont faits depuis les années 2020 comportent un élément nouveau ? Est-ce que ce phénomène violent d’accession au pouvoir est amélioré ou bien il va de soi dans le contexte actuel ? Il me semble qu’il y a un élément nouveau. L’élément nouveau ici, c’est la donnée terroriste et sécuritaire. Dans deux pays, la donnée terroriste était dominante avec la survenance des coups d’Etat. C’est au Mali. Quand le pouvoir civile acquis par les élections montre des défaillances dans la gestion de la question de la sécurité, quand il y a des attaques répétées, quand la population n’a pas l’impression d’être défendue, cela devient des raisons pour les militaires de prendre le pouvoir. C’est le cas au Mali et au Burkina-Faso. La donnée sécuritaire est la nouveauté essentielle dans les coups d’Etat actuels. L’armée prend le pouvoir car, elle se sent directement concernée par les défaillances de l’Etat. Les militaires qui prennent le pouvoir contestent les stratégies militaires mises en place. La donnée terroriste met en contact direct les militaires et les défaillances du pouvoir civil. Ce sont les stratégies militaires de l’Etat qui sont contestées par les professionnels de la sécurité.
Que nous apprend ce phénomène des élections ?
Les élections des années 1990 étaient des mirages. On met en place des CENI, des CENA après avoir mis en place des conférences nationales. C’est très original d’ailleurs. Des conférences nationales produisent des consensus que l’on ressort 30 ans plus tard pour faire échec aux révisions constitutionnelles. Les CENI et CENA sont des modes très originaux de productions du droit électoral. On investit de l’espoir dans ces nouvelles institutions électorales parce qu’on croit que la démilitarisation du pouvoir politique s’accompagne nécessairement d’une promotion de l’élection ou mode d’accession au pouvoir…
Qu’apprend-on de nouveau ?
Ce que nous apprenons de nouveau depuis les années 2020, c’est la limite de nos processus électoraux. Le Président qui a été renversé au Mail avait été réélu et il n’y avait pas tellement de troubles postes-électoraux. Même chose au Burkina-Faso, tout le monde était d’accord sur le résultat de l’élection qui reconduisait le Président dans ses fonctions. Même l’opposition faisait partie du gouvernement. Mais quelques temps plus tard, ces présidents ont été démis de leurs fonctions par la déferlante des coups d’Etat. Cela montre les limites de l’élection dans ce contexte. Ça montre aussi les limites d’une idéologie ou d’une doctrine comme celle de la CEDEAO. Pourquoi la CEDEAO a été fortement contestée pour la Guinée et pour le Mali ? C’est parce qu’effectivement, les populations, les opinions publiques sentaient plus ou moins confusément qu’au fond, ce n’est pas très juste de condamner ces gens-là. Est-ce que c’est juste de condamner les militaires qui prennent le pouvoir pour mettre fin aux errements de la politique sécuritaire d’un Etat dont tous, on a été témoin de la faiblesse ? C’est une réflexion. La CEDEAO a atteint des limites dans sa doctrine qui consiste à charger tout le temps les changements anticonstitutionnels du gouvernement, à les stigmatiser. Ce qui est en soi raisonnable, car dans un Etat de droit, le pouvoir ne peut pas être acquis par la force. Mais est-ce que cela suffit ? C’est la question qu’on se pose désormais. Est-ce qu’il ne faut pas aller plus loin ? Est-ce qu’il faut éternellement rester dans cette posture qui ne reconnaît que des élections et tout ce qui n’est pas élection n’est pas bien ? Il faut donc aller plus loin en jugeant aussi la gouvernance de ces Etat, car c’est ça le vrai problème. Les coups d’Etat que l’on enregistre sont les manières de contester la gouvernance dans certains pays. Est-ce que le temps n’est pas venu de dépasser les approches formalistes et électoralistes qui consistent à faire seulement le focus sur les élections ? Je pense que le moment est venu d’aller plus loin parce que les approches formalistes et électoralistes ont leurs limites. L’approche formaliste de la démocratie a ses limites parce que c’est ça le fond de la réflexion. Chaque fois que dans une réflexion, on veut faire un progrès, on passe d’une conception formaliste à quelque chose de plus ambitieux. Aujourd’hui, on a une conception plus ambitieuse de l’Etat de droit. Je pense que le temps est venu pour que la CEDEAO puisse être à l’unisson des opinions publiques nationales. Il faut qu’elle se mette en cause. Elle ne peut pas être une organisation internationale dogmatique, faire de l’élection une sorte de l’imaginaire qu’elle ne dépasse pas, l’alpha et l’oméga de la démocratie. Je pense que la réflexion se pose à ce niveau-là. Dans tous les cas, il faut réfléchir sur la place de l’élection et sur la place des changements anticonstitutionnels du gouvernement dans la doctrine de la CEDEAO. Je sais bien que ce n’est pas facile. S’intéresser à la gouvernance, c’est faire des pas de plus dans "l’ingérence" dans les affaires intérieures d’un pays. S’agissant de la CEDEAO ou de l’Union africaine, les éléments de cette intrusion existent. Le protocole sur la bonne gouvernance et la démocratie contiennent les germes d’une appréciation communautaire de la gouvernance nationale. Plus qu’une potentialité, c’est une réalité constitutionnelle. Ce que je veux juste souligner, c’est la limite de l’approche de la démocratie par les élections.
Qu’est-ce que les coups d’Etat nous apprennent sur l’Etat ?
Les coups d’Etat nous révèlent tout simplement la fragilité de nos Etats. En principe, quand un pouvoir est fraichement élu, normalement dans un Etat aux structures solides, il ne devrait pas y avoir de coup d’Etat. S’il y a eu coup d’Etat avec une certaine facilité, cela renvoie à la fragilité de nos institutions étatiques. Les crises du pouvoir, ne sont pas les crises de la lutte pour le pouvoir nécessairement. C’est la crise de la faiblesse des Etats. Le grand problème aujourd’hui, c’est la faiblesse de nos Etat. Une démocratie sans des institutions solides est une démocratie fragile quand vous accédez au pouvoir dans un Etat fragile, vous êtes assis sur quelque chose de très friable c’est très important de le comprendre. Tous les débats sur la démocratie ou d’accession au pouvoir doivent reposer sur des infrastructures démocratiques solides. Si l’Etat n’est pas solide, les institutions démocratiques ne sont pas solides, le débat sur la démocratie serait une illusion.
Pour sortir de cette situation, l’amélioration des conditions de vie et de travail de l’armée est très importante. Il faut que dans l’armée, les salaires soient convenables et que les militaires soient bien traités. Pour des gens qui défendent le pays, on leur doit un minimum de décence dans les conditions de vie. Il faut donc la professionnalisation de nos armées. Je pense qu’une institution militaire qui ne fait que de la sécurité sera moins tentée de faire de la politique. La montée du terrorisme met à nu l’absence des moyens de l’armée et l’absence de formation du personnel militaire. Nos armées, comme elles ne font souvent pas de guerres, elles sont longtemps restées des objets décoratifs. On les sort pour le défiler lors de la fête de l’indépendance. Mais au fond, ce sont des institutions végétatives qui ne suivent pas l’évolution des choses. Si en réalité, nos armées sont plus concentrées sur leur travail, elles seront moins tentées d’aller faire de la politique. Les sociétés les plus développées ne sont pas celles qui sont politisées. Si on ramène la culture du travail dans nos sociétés, on ramène les gens à la nécessité de bien faire leur métier, je crois que la politique occuperait moins de place, du coup, l’armée ne serait plus tentée d’aller à la politique. L’armée qui prend le pouvoir est à l’image de la société car, elle ne vit que de la politique. Tous les intellectuels se voient obligés d’aller faire de la politique. Alors que la vocation des intellectuels n’est pas forcément de faire de la politique. Donnez-moi un seul exemple dans le monde où le pouvoir politique a été pris par un parti d’intellectuels. Il n’y en a pas.
Propos recueillis par Isac A. YAI