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Rapports Cours constitutionnelles et juriditions communautaires: les droits humains pour sortir de l’impasse

Publié le mardi 14 juin 2022  |  La Nation
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© Autre presse par dr
Cour constitutionnelle, le nouveau siège rénové
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Par Anselme Pascal AGUEHOUNDE,

Comment résoudre le délicat mais récurrent rapport de force entre les juridictions communautaires et les hautes juridictions constitutionnelles si toutes deux se prévalent d’une légitime suprématie? Sur la question, les droits humains apparaissent comme la boussole qui permet d’éluder cette rivalité et de faire focus sur l’essentiel. Mais là encore, il faut savoir raison garder !
La primauté des Cours communautaires doit-elle s’imposer aux hautes juridictions constitutionnelles dont les décisions sont pourtant sans recours ? La Cour africaine des droits de l’Homme peut-elle remettre en cause une décision pourtant sans recours du Conseil constitutionnel de la Côte d’Ivoire ? Pourquoi la Cour constitutionnelle du Bénin ne se soumet-elle pas aux arrêts de la Cour de justice de la Cedeao qui a une compétence supranationale ? Le sujet est de plus en plus prégnant au regard de sa récurrence, en l’occurrence en Afrique de l’Ouest. Ces dernières années, le rapport de force entre les cours communautaires et les hautes juridictions constitutionnelles s’est en effet illustré à maintes reprises dans la sous-région. L’on a pu assister à des décisions motivées des Cours constitutionnelles du Bénin ou du Togo sur des questions tranchées par la Cour de justice de la Cedeao d’une part et à l’indifférence du Conseil constitutionnel de la Côte d’Ivoire et d’autres hautes juridictions constitutionnelles de la sous-région sur des injonctions ou arrêts de la Cour africaine des droits de l’homme d’autre part.
Juridiquement, la question est difficile à résoudre tant chaque partie peut se prévaloir d’une absolue prééminence. La classique et traditionnelle hiérarchie des normes ne suffit plus à résoudre cette dualité. Dans sa présentation inaugurale sur le thème «Les rapports entre les Cours constitutionnelles et les juridictions communautaires » lors de la table ronde organisée dans le cadre de la célébration des 30 ans de la justice constitutionnelle du Bénin, la professeure Dandi Gnanmou dépeint un rapport presque viril entre les Cours constitutionnelles et les juridictions communautaires. Un rapport de force qui se fonde d’une part sur la suprématie reconnue à la Constitution sur l’ordre juridique interne ; et d’autre part la primauté inconditionnelle du droit communautaire sur l’ordre juridique des Etats membres. L’agrégée de droit public fait remarquer qu’aussi longtemps que la souveraineté des Etats sera inaliénable, la Constitution restera la plus haute norme ; la loi fondamentale en qui toutes les autres lois trouvent leurs sources. Aucun pays dans le monde, malgré les conventions et traités dont il est partie ne renonce à sa Constitution.
Lors de la même table ronde, Théodore Holo, ancien président de la Cour constitutionnelle du Bénin, précise que le droit communautaire se distingue du droit international, car le premier résulte du processus d’intégration qui impose aux Etats qui y adhèrent, de sacrifier une partie de leurs compétences au profit de la communauté. Et par là-même, l’Etat qui adhère à une communauté devrait obéir aux règles qui régissent la communauté dans la matière objet de l’intégration.


Un fil d’Ariane

Au cœur de cette délicate opposition, il y a des alternatives qui permettent aux hautes juridictions constitutionnelles et communautaires de coexister dans une certaine complémentarité. Selon Dandi Gnanmou, cette opposition de force, peut trouver des solutions dans le dialogue entre les cours constitutionnelles et les juridictions communautaires à travers les recours préjudiciels et en interprétation, dans la recherche du meilleur standard qui offre le plus de droits et dans la conscience du juge qu’il soit constitutionnel ou communautaire. Mais pour Me Robert Dossou, ancien président de la Cour constitutionnelle du Bénin, il n’y a pas de rapport de force à trancher, il y a plutôt à tenir compte de trois données que sont : le citoyen, le politique et les droits humains. L’ancien bâtonnier soutient que le juge, qu’il soit communautaire ou constitutionnel, ne devrait pas laisser ni le politique ni le citoyen l’influencer ou le manipuler mais devrait plutôt rendre son jugement en tenant compte de la nécessaire protection des droits de l’homme. Pour Théodore Holo, le juge constitutionnel a un mandat et devrait rester attaché à la préservation des droits de l’homme et des libertés fondamentales.


Droits de l’homme ou intérêt général ?

Jusqu’où s’attacher aux droits de l’homme ? Est-ce au mépris de l’intérêt général et du bon fonctionnement des institutions? Ancien président de la Cour suprême du Bénin, Abraham Zinzindohoué, fait observer que le respect des droits d’un seul homme ne devrait pas amener à sacrifier l’intérêt général et paralyser le bon fonctionnement des institutions. Ce n’est pas parce qu’un potentiel candidat à une élection a déposé un recours devant la Cour africaine des droits de l’homme qui a fait injonction de surseoir au processus électoral, qu’il faut indéfiniment faire entorse à la démocratie et attendre la décision de ladite Cour. Le président du Conseil constitutionnel de la Côte d’Ivoire est tout aussi préoccupé par cette pratique qui pourrait amener les hautes juridictions constitutionnelles à ne pas respecter les délais constitutionnels du fait d’un sursois dont l’échéance est indéfinie. Mais il relève une autre question, celle du mode de publication des décisions des Cours communautaires. La Cour constitutionnelle répond à une préoccupation soit en étant saisie, soit en s’autosaisissant. Mais quand la Cour africaine rend une décision et ne la notifie pas à la haute juridiction constitutionnelle du pays concerné, l’on ne devrait pas s’attendre à ce que les hautes juridictions constitutionnelles réagissent sur la base de décisions qui circulent sur les réseaux sociaux. Sur la question, l’ancien président de la Cour constitutionnelle du Bénin est clair: « Qui est le garant de l’exécution des conventions et traités ? Pour le cas du Bénin, c’est le chef de l’Etat. Si la Cour constitutionnelle n’est pas saisie, elle n’est pas concernée! ». Il apparait la nécessaire mise en place d’un mécanisme de coopération liant les juridictions communautaires aux hautes juridictions constitutionnelles.
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