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Le Matinal N° 4261 du 3/1/2014

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A l’occasion de la célébration de ses 45 ans de vie sacerdotale : Mgr Ganyè donne des leçons à Yayi
Publié le lundi 6 janvier 2014   |  Le Matinal


Monseigneur
© Autre presse par DR
Monseigneur Antoine Ganyé, Archevêque de Cotonou


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A l’occasion de la célébration de son 45ème anniversaire d’ordination épiscopale et de vie sacerdotale, Monseigneur Antoine Ganyè, Archevêque de Cotonou n’est pas allé du dos de la cuillère pour donner une belle leçon de gestion d’un Etat démocratique à Yayi Boni. Religieusement, ce dernier est resté tout ouïe pour suivre les conseils du prélat.

« …Députés, Assemblée, gouvernement…Vous voyez, je vous dis toujours la même chose. Ecoutez cela, il y a deux choses importantes : il y a l’écoute, écoutez-vous. L’Assemblée nationale écoute le gouvernement, le gouvernement écoute l’Assemblée nationale pour le bien du pays. Je ne cesserai jamais de vous dire ça. Dans ce cadre intime, c’est très bien que nous revenions là-dessus. Voyez, le peuple que nous avons, c’est un peuple enthousiaste, qui n’est pas exigeant du tout, qui se contente du peu. Alors, quand on a un peuple comme ça, on peut se dire qu’on a une grande richesse. Et si on a une grande richesse, il ne faut pas la gaspiller. Alors nous sommes entre les mains du gouvernement, l’Exécutif et entre les mains de l’Assemblée nationale, les deux instances importantes de chaque pays, et donc de notre pays. Alors, l’écoute, que l’écoute demeure entre vous les deux instances. Tendez l’oreille, et puis organisez le dialogue social où chaque problème sera débattu. Mettez peut-être en place une équipe qui va penser à l’organisation d’un dialogue social. Le dialogue social n’est pas autre chose, n’a pas une autre organisation que ce qui y a été fait à l’occasion de la Conférence nationale. Alors, la Conférence nationale nous a laissé des problèmes, nous a laissé tout un processus de thèmes à étudier. Et c’est bon qu’une équipe organise le dialogue social pour que la Société s’asseye autour de chaque thème. C’est le thème Economie, c’est le thème Politique. Vous voyez, la politique est une bonne chose. Elle est nécessaire. Il y en a qui disent que c’est un mal nécessaire. Ce n’est même pas du tout un mal puisque la politique est une science... Je vous convie à ce dialogue, à cette écoute et que les grands aident les petits à grandir, et que cesse le mythe nord-sud. Ce n’est pas un beau mythe, c’est un mythe qu’il faut massacrer, qu’il faut tuer, briser. Ce mythe là, faites-le disparaître… »
C’est en ces termes que Monseigneur Antoine Ganyè a choisi de remonter les bretelles au Chef de l’Etat Yayi Boni venu honorer la messe anniversaire de ses 45 ans de vie sacerdotale.
Et tel un catéchumène attentif aux enseignements du maître catéchiste, Yayi Boni est resté figé sur son siège pour « boire » religieusement les leçons que lui enseignait l’Archevêque de Cotonou dans un style de fair-play sourire aux lèvres. Comme à son habitude, le Chef de l’Etat avait gardé la bouche bien « B » pour écouter les « cours de sciences politiques » que l’universitaire d’un dimanche lui a enseignés afin de l’aider à mieux conduire le bateau Bénin que « Dieu » lui a confié depuis, le 06 avril 2006. Mais qui, malheureusement tangue aujourd’hui telle la barque de Noé.
Yayi Boni est resté plaqué sur son siège à hocher de la tête à chaque mot prononcé par son professeur de la journée dominicale du 05 janvier 2014.
Apparemment, Mgr Ganyè a bien réussi sa mission de professer les enseignements vertueux à Yayi Boni. La preuve, ce dernier un peu comme sonné par les mots durs et sans fioritures du prélat n’a pas pu prendre la parole comme il aime ne pas rater des occasions pareilles pour bavarder de long en large. Il était groggy, scotché à son fauteuil. Car, la dose épiscopale a bien fait son œuvre de remuer les méninges à qui de droit pour la rectification qui s’impose dans le gouvernail du Bénin.

Médaille et pactole pour un pardon

Comme toute réponse aux enseignements du prélat, Yayi Boni a laissé le crachoir à sa Directrice de cabinet civil, Mme Eléonore Brun Hachémé pour présenter ses remerciements à Monseigneur dont on se rappelle n’a pas fait dans la dentelle, il y a quelques mois de cela dans des échanges épistolaires à la limite de sermon entre lui et Yayi Boni.
En effet, dans les dossiers dits de tentative d’empoisonnement et de coup d’Etat qui ont fait flop dans les juridictions de 1er et 2nd degré au Bénin comme en France (Paris), la Conférence épiscopale du Bénin, présidée par Mgr Antoine Ganyè avait mis en doute la véracité de ces affaires. Ce qui n’a pas plu à Yayi Boni qui s’est rué dans les soutanes des prélats du Bénin en leur enjoignant presque de lui donner la preuve du doute qu’ils avaient sur lesdites affaires. Puis, en Séminariste bien formé dans une belle correspondance, Mgr Ganyè lui a remonté les bretelles pour le mettre sur le droit chemin comme ce fut le cas ce dimanche dans la localité de Sèdjè-Dénou dans la Commune de Zè. Ce fut un combat épistolaire dans lequel Yayi Boni a laissé beaucoup de plumes et de sueurs froides confirmées par les arrêts de la Cour d’Appel de Cotonou et celle de Paris qui pour corroborer le non-lieu du juge Angelo Houssou, qui pour dire non à l’extradition vers le Bénin de l’homme d’affaires Patrice Talon que Yayi Boni accuse à tort d’être le cerveau du complot visant sa mort. Depuis lors, c’était comme un froid qui s’est instauré entre le Chef de l’Etat et la Conférence épiscopale du Bénin. Des mauvaises langues avaient même en son temps fait circuler l’information selon laquelle, le passage de l’autre illuminée de Gbanamè sur les petits écrans de la Télévision nationale, était la réaction du Chef de l’Etat face à « l’affront » à lui fait par la Conférence épiscopale du Bénin. Mais très tôt, les choses sont remises en ordre du côté de la Télévision du service public. On n’affronte pas l’Eglise catholique et Yayi Boni le sait pour être un évangéliste tel qu’il le proclame souvent, à hue et à dia.
Ainsi, aujourd’hui, un peu comme pour ramener la balle à terre ; Yayi Boni s’est présenté en personne à la messe anniversaire de Mgr Antoine Ganyè pour, selon quelques indiscrétions, pour présenter des excuses au prélat. Pour se faire pardonner, Yayi Boni décide sur les lieux d’élever Mgr Antoine Ganyè dans l’Ordre national du Bénin puis, il offre également un pactole de 10 millions de F.cfa à Monseigneur pour sa contribution à la finition de la construction de la Paroisse catholique de Sèdjè-Dénou à Zè au nord de Cotonou.

Emérico Adjovi

Désormais, plus de « petits » et de « miens » !

Dans son exhortation à l’occasion de la célébration de ses 45 ans de vie sacerdotale, Monseigneur Antoine Ganyè a touché un point sensible. Surtout quand on se réfère à l’actualité et à ce fameux entretien télévisé du chef de l’Etat Yayi Boni, le 1er août 2012.
En effet, dans son intervention, le président de la République n’a pas hésité à traiter certains de ses compatriotes de « petits ». L’Archevêque de Cotonou a profité de sa présence et du parterre de personnalités et autres fidèles pour demander « que les grands aident les petits à grandir, et que cesse le mythe nord-sud ». Pour le président de la Conférence épiscopale, le « mythe nord-sud n’est pas un beau mythe. C’est un mythe qu’il faut massacrer, tuer, briser…qu’il faut faire disparaître ». C’est donc clair. Antoine Ganyè appelle les uns et les autres à éviter les débats et autres actes régionalistes ou sectaristes qui vont remettre en cause les acquis de la Conférence des forces vives de la nation de février 1990. Ces propos de l’ancien Evêque de Dassa-Zoumè interviennent à un moment où le régionalisme est à son pic au Bénin. Pendant que syndicalistes et autres lésés ou victimes le dénoncent, acteurs politiques de différents bords se jettent le tort. L’on a encore en mémoire cet entretien de Yayi Boni, condamné par la Cour constitutionnelle, au cours duquel il a déclaré urbi et orbi : « je vais faire venir les miens et ils vont s’affronter ».
Est-il besoin de rappeler le concours de recrutement querellé du ministère de l’Economie et des finances ? Les propos du député Djibril Mama Débourou, il y a deux semaines sur l’émission ‘’Cartes sur tables’’ de la Radio Océan Fm en disent également long. Ce dernier, pour un concours récent de recrutement de Magistrats, a déploré la faible représentativité de postulants du nord-Bénin parmi les méritants. Il est allé même plus loin en affirmant que le Bénin est désormais divisé en deux parties à savoir le nord et le sud.
Ces faits rappelés ne sont certainement pas exhaustifs. Aujourd’hui, il est important de décrisper le climat sociopolitique national. Et pour y parvenir, l’on ne doit pas prendre par quatre chemins. La solution selon le prélat, c’est le dialogue, l’écoute mutuelle et attentive. Une thérapie que des partis politiques comme le Prd avaient déjà proposée au chef de l’Etat après la ‘’dissolution’’ de toute l’équipe gouvernementale en août 2013. Si les « grands » pourraient s’asseoir autour de la même table que les « petits », s’ils pourraient les tenir par la main en les aidant à atteindre ne serait-ce que la lisière de leur épaule, c’est sûr qu’on assisterait à moins de tensions. Espérons que cette exhortation de Mgr Antoine Ganyè, ce week-end, n’est pas tombée dans les oreilles de sourds et que les sourires observés après le message, et largement relayés, ne seront pas des sourires jaunes ou de façade. L’avenir du pays en dépend.

Jacques Boco

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