Au Sénégal, le procès en flagrant délit de deux députés de l’opposition arrêtés vendredi 17 juin, lors de la manifestation de l’opposition interdite, a été reporté : Déthié Fall et Mame Diarra Fam seront jugés le 27 juin. La coalition d’opposition Yewwi Askan Wi avait appelé à une mobilisation pour protester contre l’invalidation de sa liste nationale pour les législative du 31 juillet, pendant laquelle trois personnes sont mortes à Dakar, Bignona et Ziguinchor après des heurts.
Déthié Fall, mandataire national de la coalition Yewwi Askan Wi, et Mame Diarra Fam, députée de la coalition Wallu Sénégal, restent donc en prison en attendant le rendez-vous lundi 27 juin, en audience spéciale : seule cette affaire sera à l’ordre du jour. Ce report s’explique par « le grand nombre de manifestants qui doivent être jugés, plus de 80 », affirme l’un de leurs avocats.
Les deux députés ont été placés sous mandat de dépôt lundi 20 juin, pour « attroupement non armé, rassemblement illicite et dégradation de biens d’autrui », précise maître Abdy Nar Ndiaye.
Autre responsable arrêté le 17 juin : Ahmed Aïdara, maire de la ville de Guédiawaye, en banlieue de Dakar, qui devrait être jugé vendredi 24 juin. Tout comme Guy Marius Sagna, également tête de liste départementale de Yewwi Askan Wi, qui a été placé sous mandat de dépôt mardi 21 juin à Ziguinchor.
La coalition d’opposition exige la libération de ceux qu’elle qualifie « d’otages politiques ». « Quand on viole la loi, on doit en subir les conséquences », avait de son côté affirmé le ministre de la Justice après les arrestations.
« Concerts de casseroles » quotidiens pour maintenir la pression sur le pouvoir
L’opposition Yewwi Askan Wi a promis de poursuivre sa mobilisation, en appelant notamment à des « concerts de casseroles et de klaxons » à partir de mercredi à 20h TU (et heure locale).Avec cette forme de mobilisation chaque soir, pendant 10 minutes, la coalition entend maintenir la pression pour protester contre l’invalidation de sa liste nationale. Une nouvelle forme de protestation populaire.
Au premier soir, à 20h piles, le tintamarre commencé à Sicap Baobab, le quartier de l’opposant et maire de Dakar Barthélémy Dias. Casseroles, poêles, marmites : des riverains de tous âges font de bruit pour « envoyer un message de mécontentement à Macky Sall ».
Une forme de protestation pacifique qui pourrait porter ses fruits si elle perdure, notamment avec les réseaux sociaux, selon Jean-Charles Biagui, enseignant chercheur en sciences politiques : « Le fait de rester chez soi et de protester de cette manière-là offre beaucoup plus de possibilité aux gens de se prononcer et participer. Du point de vue de l’image, cela pourrait avoir un impact considérable. »
Une stratégie de contestation notamment expérimentée en Amérique du Sud. Au Sénégal, les concerts de casseroles ne sont pas inédits, souligne Ibou Sané, professeur en sociologie politique, mais ils ont été spontanés et très localisés dans le passé :
Ce concert a déjà été employé, pour attirer l’attention des communautés nationale et internationale sur les dérives du pouvoir à l’époque. Mais ce n’est pas une culture africaine à proprement parler. Est-ce qu’en réalité cela peut retourner la situation ? Je ne pense pas.
Face à ce qu’il qualifie « d’infantilisation » de la démocratie sénégalaise, ministre en charge du Plan Sénégal-émergent Abdou Karim Fofana avait appelé de son côté sur Twitter à un « concert de sifflets et de vuvuzelas ».
Dans le communiqué du conseil des ministres mercredi 22 juin au soir, le président sénégalais a « réitéré son attachement particulier au déroulement, dans les meilleures conditions, des élections législatives du 31 juillet, avec une forte mobilisation des électeurs ».