Les prochaines échéances électorales et surtout la présidentielle de 2016 constitueront une épreuve pour la démocratie béninoise. Ce passage obligé vers la maturité, serait un défi relevé, si la Cour constitutionnelle dont l’image s’est brouillée, arrivait à corriger le tir pour se mettre au-dessus de la mêlée.
L’un des principes de base sur lesquels reposent toute démocratie, c’est la disposition de Montesquieu. Il faut que le pouvoir arrête le pouvoir. Ceci pas simplement dans le but de créer une harmonie dans le fonctionnement des institutions d’une République. Cette disposition, principe primordial, a aussi pour objectif d’arrondir les angles, et d’éviter en quelque sorte les couacs et dysfonctionnements. Il s’agit ici de circonscrire l’hégémonie de certaines institutions qui en viennent à empiéter sur les autres.
En l’occurrence, dans le contexte béninois actuel, le respect d’une telle disposition éviterait la trop forte tendance de l’Exécutif à empiéter sur les institutions de contre-pouvoir. Beaucoup d’observateurs concèdent d’ailleurs que depuis 2006, l’exercice du pouvoir d’Etat, ses différentes déclinaisons, et le style imprimé ont fini par rendre complètement atones les autres institutions. La Cour constitutionnelle, institution de régulation par excellence, est l’une des plus concernées. Depuis la fin de la mandature Dossou en effet, les craintes, suspicions et déceptions qui se profilaient, ont fini par devenir une banalité.
La figure respectée du Professeur Holo, président de l’institution en a logiquement pris un coup. Pour preuve, les critiques acerbes et diatribes relayées par presses interposées, et qui pleuvent sur la Cour et son président. Si la virulence des critiques à l’encontre du Professeur titulaire de Droit public est l’expression de l’insatisfaction de certains de ses concitoyens, cela n’est pas de nature, si cela arrivait à perdurer, à restaurer et consolider la respectabilité « fragilisée » de la Cour.
Les sept sages sont certes des gardiens du temple. Mais personne d’autre ne rétablira leur honorabilité qu’eux-mêmes. Ou plutôt les décisions prises et actes posés. Pour ce faire, ces décisions doivent être impartiales, et dénoter un sentiment de bon sens, plutôt que l’amer sentiment d’un parti-pris qui entache chaque décision depuis le suspect K.O de 2011. L’épisode du vote de la Loi des finances 2014, est illustratif à ce propos. Il a fini par cristalliser des passions et exacerber des frustrations dont on aurait pu faire économie en fin d’année déjà trop éprouvante. Le tout dans un contexte politique confus et autrement compliqué.
Rassembler au-delà des lignes de fractures
Par ailleurs, au-delà de son injonction malvenue, la Cour a semblé ne pas prendre en compte les exigences du contexte politique actuel. Notamment, une certaine volonté affichée par une partie de la classe politique de circonscrire les dérives d’un régime politique apparemment aux abois. Les fins de règne se déroulant souvent dans un climat délétère, et une ambiance de déliquescence, il faut comprendre la démarche des parlementaires à travers le rejet du budget. La misère qui a infiltré toutes les couches sociales, est une donne capitale. Les parlementaires plutôt proches des populations, ont fait leurs les aspirations enfouies et longtemps contenues de leurs mandants. Plutôt que d’être complices d’une tragique et fatale conspiration, les députés toutes tendances confondues, ont pris la mesure de la situation. Ils ont dégainé. Obligés de ne pas être comptables devant l’Histoire, ils ont pris leur responsabilité. Les gardiens du temple doivent entendre ce message.
Ceci est d’autant plus urgent que de notoriété publique, le pouvoir « Yayi » est réfractaire à la critique et à la contradiction. Donc, d’ici 2016, il n’infléchira pas fondamentalement son orientation. Il faut plutôt être réaliste et colmater les brèches. Et avec une patience résolue attendre les jours meilleurs. Les gardiens du temple doivent accompagner souvent le Parlement, en rendant des décisions froides, distancées, et désintéressées. Histoire de laisser survivre l’espoir né de la Conférence nationale de 1990.