Un contrat type de bail à usage d’habitation domestique est désormais institué au Bénin par le ministère du Cadre de vie et du Développement durable. Le magistrat Yadèlin Justin Sèglé, juge au tribunal de première instance d’Abomey-Calavi démontre l’importance d’un tel document. L’auteur de l’ouvrage « La réglementation du bail à usage d’habitation domestique en 70 questions-réponses », met l’accent aussi sur des réflexes à avoir.
Propos recueillis par Anselme Pascal AGUEHOUNDE &
Fulbert ADJIMEHOSSOU
La Nation : Quels sont les premiers réflexes que les locataires doivent avoir quand on leur soumet un contrat de bail à usage d’habitation domestique ?
Yadèlin Justin Sèglé : Le contrat est un accord de volontés. Dès lors, vous vous entendez sur les clauses. Pour cela, vous devez lire article par article et faire attention à chaque détail sur les caractéristiques de l’appartement en location, les accessoires du loyer, vos obligations particulières, etc. Vous faites attention à tout, avant d’apposer votre signature. Après, vous ne pourriez pas dire que vous ne saviez pas. Si vous ne savez pas lire, il faut chercher quelqu’un pour vous traduire le contenu. Ainsi, vous vous engagez en toute connaissance de cause.
Désormais, tout contrat de location d’habitation domestique doit être conclu sur la base du formulaire du contrat type de bail institué par arrêté ministériel !
La loi n° 2018-12 du 2 juillet 2018 portant régime juridique du bail à usage d’habitation domestique en République du Bénin, modifiée et complétée par la loi n° 2021-02 du 1er février 2021 a prévu que le contrat de bail soit écrit. En effet, quand on parle de contrat en général, il peut être écrit, verbal ou même tacite. Mais ici, le législateur béninois a fait l’option d’un contrat écrit. Pour faciliter la tâche aux citoyens, il a jugé utile de mettre à la charge du ministère en charge de l’Habitat, l’obligation de proposer un modèle de contrat type. Et quand on parle de modèle de contrat type, cela suppose que c’est le point de départ. Les parties essaient de l’adapter à leurs situations particulières. Mais elles ne peuvent pas prévoir des dispositions qui vont à l’encontre de celles du contrat type qui, elles-mêmes, doivent être conformes à la loi.
En quoi le contrat écrit protège toutes les parties ?
Le contrat écrit protège toutes les parties en ce qu’il permet de fixer les droits et obligations particuliers de chacune d’elles et facilite l’administration de la preuve.
L’écrit est utile aussi bien pour le bailleur que pour le locataire. Par exemple, dans la loi sur le bail, il est prévu la possibilité de résiliation de plein droit. Une telle possibilité n’est envisageable qu’en présence d’un contrat écrit. La résiliation de plein droit interviendra s’il est prévu au contrat ce qu’on appelle une clause de résiliation de plein droit, c’est-à-dire une disposition qui va indiquer que le contrat de bail sera rompu de droit en cas de survenance d’une situation donnée. Cela peut être, par exemple, un défaut de payement de loyers sur un certain nombre de mois. Quand une telle clause est prévue au contrat et que le locataire en arrive à accumuler effectivement des loyers sur le nombre de mois indiqué, le contrat est résilié de plein droit. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut aller le sortir soi-même. Il faut recourir à un huissier qui va lui laisser une mise en demeure pour l’obliger à faire le payement de ce qu’il doit dans le délai d’un mois. S’il ne paye pas dans ce délai, on dira que la clause de résiliation de plein droit est accomplie à son égard. Le juge des référés va constater que ce contrat est déjà résilié et va ordonner l’expulsion du locataire, puisqu’il n’a plus de titre d’occupation. Ce scénario que je viens de décrire n’est valable qu’en présence d’un contrat écrit. Au-delà du fait que le législateur rend obligatoire l’écrit, le contrat écrit offre suffisamment d’avantages. En voilà un qui permet au propriétaire d’avoir une expulsion rapide des locataires qui ne veulent pas honorer leurs engagements. Il y a d’autres avantages dont je fais cas dans mon ouvrage.
Aussi bien dans la loi que dans ce contrat type institué, la caution exigée est de trois mois. Mais certains propriétaires continuent d’en réclamer plus. Les locataires finissent par payer suivant une formule donnée, étant dans le besoin. N’est-ce pas là une infraction ?
En principe, les propriétaires ne doivent pas exiger plus. La loi est peut-être dure, mais elle reste la loi. Évidemment, en l’état, on peut dire non qu’il ne s’agit pas d’une infraction. La loi sur le bail n’a pas assorti cette obligation d’une sanction pénale. Le législateur aurait pu prévoir que le bailleur qui perçoit un dépôt de garantie supérieur au quantum légal, est passible d’une amende de tel montant ou d’une peine d’emprisonnement donnée. Toutefois, si un propriétaire impose plus qu’il n’en faut à un locataire, celui-ci peut saisir la justice pour se faire entendre. Parce qu’en tout état de cause, jusqu’à nouvel ordre, vous ne devez pas, en tant que propriétaire/bailleur, exiger un dépôt de garantie de plus de trois mois de loyer. Si quelqu’un perçoit au-delà, il peut être contraint par voie de justice à restituer le supplément. Il est vrai que construire une maison pour la mettre en location a un coût. Mais dans le même temps, il faut comprendre que l’État a un devoir de régulation. C’est dans ce rôle que le législateur a estimé qu’il fallait cantonner le dépôt de garantie pour permettre aux gens qui n’ont pas un revenu consistant d’avoir un local à habiter. Parce qu’il fut un temps où pour louer, on vous demande une garantie de six mois, voire d’un an. Ce n’est pas à la portée de tous. Le droit au logement est un droit capital, un besoin fondamental pour toute personne. Et l’État a l’obligation de le garantir. C’est pour cela qu’il y a cette régulation qui s’inscrit dans le cadre de l’établissement d’un équilibre social. Il faut que les gens le comprennent et l’acceptent.
L’autre problème qui revient souvent, c’est la difficulté pour les locataires d’entrer en possession de leur caution à la fin. Quelles précautions faut-il prendre en amont, avant de signer le contrat ?
Si pour certaines situations vous ne prenez pas les précautions idoines, vous aurez du mal à vous faire entendre après. C’est justement partant de ces constats que j’ai eu l’idée de proposer cet ouvrage. Je propose aux gens de se le procurer et de s’en approprier le contenu, pour savoir quoi faire et éviter un certain nombre de situations désagréables. En réalité, si vous ne faites pas l’état des lieux à l’entrée, c’est clair qu’à la fin du bail, la restitution du dépôt de garantie va poser problème. Le propriétaire pourrait mettre des réparations ou remises en état à votre charge, pour lesquelles vous ne serez pas d’accord. S’il y a conflit, vous irez en justice. Mais là, c’est une question de preuves. Il faut pouvoir justifier que ces charges vous sont indument imputées. Vous allez le prouver comment s’il n’y avait pas eu au départ un état des lieux? C’est pour cela qu’il faut déjà en prendre la mesure et savoir que l’état des lieux d’entrée est nécessaire. Et il faut le faire avec beaucoup de soins. Il faut décrire avec le plus de précision possible l’état des différents équipements ou compartiments de l’appartement : l’éclat de la peinture, l’état des carreaux, des fenêtres à lames, le nombre d’ampoules, de robinets… Et si possible, il faut prendre des photographies. Parce qu’en son temps, il faudra justifier par exemple que la peinture était déjà détériorée. Si vous ne faites pas l’état des lieux à l’entrée, à la sortie, ça va poser problème. Quand vous prenez ces précautions, s’il y a des détériorations éventuelles, le dépôt de garantie communément appelé caution va servir aux réparations imputables au locataire. Mais si à l’entame, il n’y avait pas un état des lieux d’entrée et que le bailleur veut garder la caution, ça devient un conflit. Et il n’y a que la justice pour trancher. Mais il faut savoir dans le même temps qu’en justice, il faut prouver ses allégations?