Dans le cadre de la présentation des vœux à l’orée du nouvel an, le président de la République, Dr Boni Yayi, a dans son message à la Nation béninoise, souhaité la paix, la concorde… Mais sont-ce des vœux pieux ou sincères ?
Les nombreuses crises qui ont émaillé l’année 2013 sont éprouvantes pour tous les citoyens béninois. Elles s’énumèrent à travers des difficultés avec certaines couches sociales.
Avec certains opérateurs économiques
Le premier de ces hommes d’affaires mis en difficultés par le gouvernement du changement est Patrice Talon dont on dit un vieil ami du chef de l’Etat.
En effet, l’activité en vue qui a reçu le coup de grâce du pouvoir Yayi est le Programme de vérification informatisée de la nouvelle génération (PVI-NG). Ce programme inscrit en droite ligne avec les réformes contenues dans le projet de société qui a reçu la caution du peuple et à travers lequel Yayi a pu avoir la large majorité des suffrages de ce peuple a été dénoncé quelques mois seulement après sa mise en application au port de Cotonou en pleine rénovation. Le souci était de rendre cet instrument portuaire très compétitif dans le concert des échanges commerciaux.
Le PVI-NG était vu comme une bouée de sauvetage qui garantisse cette vision. Mais sa mise en œuvre aurait créé plus de problèmes qu’attendus. Sa gestion aurait profité non la nation mais un seul individu. Le contrat qui le régissait fut remis en cause et le porteur de ce grand projet contraint à l’exil.
Comme cela ne suffisait pas, une autre filière économique dans laquelle intervient le même opérateur a reçu une « cure d’assainissement » avec à la clé, le relèvement de ses missions et attributions du dispositif de contrôle et l’implication de l’Etat dans la gestion de cette filière : le coton. Cette crise qui n’est pas totalement jugulée envahit les usines d’égrenage du coton où évoluent aussi des privés dont l’homme d’affaires, Patrice Talon.
Comme un malheur ne vient jamais seul, Patrice Talon est accusé par Yayi de « tentative d’empoisonnement » sur sa personne même. Cette affaire a beaucoup voyagé et nourrit la presse nationale et internationale en informations d’éclat. La demande d’extradition formulée par le Bénin est finalement refusée par la Cour de Paris.
Le juge béninois Angelo D. Houssou qui avait, bien avant cette décision prononcé un non-lieu total des deux affaires d’empoisonnement et de coup d’Etat, a reçu des pressions qui l’ont obligé, lui aussi, à s’exiler aux Etats-Unis qui a refusé le deuxième Compact de MCC au Bénin, au motif de l’existence de la corruption.
Le deuxième opérateur économique à avoir maille à partir avec le pouvoir de la refondation est Sébastien Ajavon.
Ce qui oppose ce richissime homme d’affaires à l’Etat béninois est le non versement à son compte de la TVA (Taxe sur valeur ajoutée) déductible évaluée à plus d’une dizaine de milliards de nos Francs. Comme pour se refuser à s’exécuter, l’Etat, curieusement et à travers ses services des impôts, a trouvé le subterfuge du redressement fiscal à hauteur de l’équivalent du montant dû. Ce qui ne favorisa pas le climat entre beaucoup d’acteurs du secteur privé et le pouvoir en place, malgré une table ronde tenue à Cotonou, pour rapprocher les deux secteurs Public-Privé et fluidifier le dialogue entre eux.
Les recommandations issues des assises qui engagent la responsabilité des acteurs des deux secteurs et allègent le climat des affaires au Bénin sont restées lettres mortes si ce n’est qu’à la faveur de ce fameux discours adressé aux institutions de la République, discours appelant à la mise en œuvre des conclusions de la table ronde économique qui avait pourtant soulevé des espoirs. Et la liste est longue.
Climat social délétère
Les partenaires sociaux ne sont pas en reste de la crise qui secoue le pays depuis des mois. Plusieurs fois déjà, les magistrats ont donné de la voix, pour réclamer le respect du statut qui les régit, statut violé par le pouvoir mu par la volonté de promouvoir certains du corps. Cette crise a même un peu émietté la classe des magistrats aujourd’hui contrôlée par deux syndicats : UNAMAB (Union nationale des Magistrats du Bénin) et AMAB (Association des Magistrats du Bénin).
Outre les magistrats, les hospitaliers ont aussi élevé des protestations qui restent à aplanir.
Le clou de la dégénérescence du climat est certainement le malheureux événement de ce 27 décembre à la bourse du travail où nombre de syndicalistes ont été blessés parce que voulant exécuter une marche pacifique qui ne serait pas autorisée par l’autorité préfectorale. Des échauffourées, il ressort des blessés graves et des militants suffisamment gazés. Ceci déboucha sur une grève qui a démarré depuis hier.
La volte-face de supporters
A l’Assemblée nationale, les choses n’en vont pas pour le mieux. La majorité parlementaire a basculé de camp, lors du vote de la loi de finances, exercice 2014. Sévèrement critiqué, ce Budget de l’Etat n’a pu recueillir l’adhésion de cette majorité au complet ; certains ont fait défection, abandonnant le navire FCBE embourbé au milieu du gué. Le président Yayi dut utiliser l’autre prérogative constitutionnelle de l’ordonnance pour « régler » l’équation en passe de devenir un os à la gorge du gouvernement.
Face à tout ce qui précède, il urge que le Chef de l’Etat identifie tous les goulots et appelle les brebis insoumises à la bergerie. Le retour de l’enfant prodigue est vivement souhaité. Il doit faire table rase du passé et appeler tout le monde à « venir boucher de leurs doigts la jarre trouée », ce symbole qu’ont laissé nos ancêtres pour nous appeler notre souvenir commun à l’unité nationale, à la cohésion. Cet appel est déjà lancé par l’Archevêque de Cotonou, Antoine Ganyé, lors de la célébration des 45 ans de son sacerdoce.
Dans une Nation, il est difficile de soustraire certains à l’œuvre de construction nationale. « Le Bénin nous appartient à nous tous », lit-on souvent dans les propos du Président Yayi. Ce qui veut dire logiquement que le développement de ce pays incombe à tous, sans exclusive aucune. Yayi doit donc faire la paix avec tout le monde !!!