Le Tribunal de première instance de Cotonou a connu, vendredi 12 août dernier de l’ultime dossier au rôle de sa première session criminelle au titre de l’année 2022. Des dossiers ont été vidés, d’autres ont été renvoyés. Certains prévenus ont été condamnés à de lourdes peines ; d’aucuns à des peines moins sévères ; mais d’autres ont été acquittés ou relaxés au bénéfice du doute après avoir passé un temps considérable en détention.
Ouverte avec un dossier de parricide et de tentative d’assassinat pour lequel le prévenu Eric Avognon en détention depuis le 2 juin 2005 semble avoir disparu de la maison d’arrêt, la première session criminelle du Tribunal de première instance de Cotonou au titre de l’année 2022 a pris fin vendredi dernier. Cinquante-et-un dossiers étaient inscrits au rôle de cette session criminelle. Les inculpations portent sur des faits de parricide, d’infanticide, d’assassinat, de meurtre et homicide involontaire, d’empoisonnement et de trafic d’ossements humains, de viol, d’association de malfaiteurs, d’escroquerie, de faux en écriture publique, d’avortement suivi de mort et exercice illégal en médecine, de coups mortels, de vols qualifiés, de recel, de violences sexuelles, coups et blessures volontaires, de pratique de sorcellerie, magie ou charlatanisme, d’abus de confiance aggravé, de non dénonciation de crime, d’exposition d’enfant en un lieu solitaire… Face au tribunal siégeant en matière criminelle, les prévenus ont répondu des faits à leur charge et sont désormais situés sur leur sort. Certains dossiers ont tout de même été renvoyés devant une autre juridiction notamment la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme pour les crimes économiques et les infractions commises à raison du genre. C’est le cas des agents d’une société de convoyage de fonds qui sont accusés d’avoir braqué le véhicule de convoi emportant la bagatelle de 1 milliard 274 millions cinq cents mille (1 274 500 000) F Cfa. D’autres dossiers n’ont pas pu aller au bout de la procédure du fait de défaillances ou vices liés au fonctionnement, à la présentation des prévenus ou aux pièces jointes aux dossiers. Mais la plupart des dossiers ont été vidés en premier ressort. Parmi les dossiers vidés, quelques-uns retiennent l’attention.
Sidérant
Comment ne pas évoquer à ce titre, le dossier de parricide impliquant le nommé Adélin Gandji, âgé de 25 ans au moment des faits, qui a froidement abattu son géniteur septuagénaire parce que celui-ci aurait refusé de lui rendre son économie de cinquante mille (50 000) F Cfa. C’est avec aisance que l’accusé narre les faits. A l’en croire, son géniteur a refusé de lui restituer les sous parce qu’il craignait que son garçon (l’accusé) déjà toxicomane, n’aille dilapider l’argent dans les ghettos. Adélin Gandji dit n’avoir le moindre regret et trouve que cette situation aurait pu être évité si son père lui avait simplement rendu les sous. Le ministère public a requis la perpétuité mais la défense a exhorté le tribunal à considérer le rapport psychologique qui révèle que l’accusé souffrait d’hallucination et d’instabilité émotionnelle au moment des faits. Le tribunal a alors condamné Adélin Gandji à trente ans de réclusion criminelle et a ordonné son internement au Centre psychiatrique Jacquot. C’est sans occulter la curieuse bagarre entre rivaux autour d’une élève de 14 ans qui a débouché sur la mort d’un des prétendants Apollinaire Chidi. Le prétendant auteur du crime a pris 12 ans. L’auditoire a également été attentif au dossier de l’infirmier militaire de 73 ans Basile Toumatou, condamné à dix ans de réclusion criminelle pour les faits d’avortement suivi de mort et d’exercice illégal en médecine. Mais c’est l’accusé Yves Adda qui aura reçu la plus grande peine. Il a été condamné à 30 ans de réclusion criminelle pour coups mortels. Heureux sort par contre pour les sieurs Ganiou Obatoussi et Sébastien Soyidode qui, après cinq ans de détention, ont été acquittés pour les faits de vol qualifié mis à leur charge suite à la plainte de leur employeur qui aurait organisé une grosse machination et se serait servi de la justice pour un règlement de comptes. L’employeur n’a pas daigné se présenter à l’audience. Il en est de même pour Armel Zibo qui a été relaxé au bénéfice du doute après huit ans de détention pour des faits de pratique de charlatanisme dont la mystérieuse plaignante est une conquête infidèle que le prévenu avait rencontré dans un bar et qui s’oppose à la rupture du couple informel.
Des irrégularités !
Avec le concours de tous les acteurs judiciaires notamment les magistrats du siège, le parquet, le barreau, les greffiers et officiers de police judiciaire, la présente session criminelle s’est plutôt bien déroulée. Toutefois, quelques dysfonctionnements ont été relevés et ont conduit à des renvois. Sur certains dossiers, le tribunal de première instance de Cotonou siégeant en matière criminelle a constaté l’absence des accusés. Il ressort que certains prévenus mis en liberté provisoire ont changé de domicile sans en informer les autorités ; d’autres, bien qu’ayant reçu la convocation, ne se sont pas présentés. Pour ces cas de défection, le tribunal, conformément à la loi, a prononcé des sentences par contumace ou renvoyé les dossiers. Le cas le plus surprenant est celui de l’accusé qui n’a ni été libéré, ni déclaré comme un évadé mais qui est porté disparu. Le ministère public s’est engagé à retrouver le mystérieux disparu. D’autres constats préjudiciables aux justiciables ont été relevés par les avocats notamment des irrégularités dans l’enquête préliminaire, l’inexistence de rapports psychologiques dans certains dossiers ou la qualité même desdits rapports. Toutes choses sur lesquelles les avocats n’ont pas manqué d’attirer l’attention du parquet.