Des projets d’envergure destinés à relancer, à Grand-Popo, le développement socioéconomique des communautés Xwlà et Wxélà sont en phase de concrétisation. La lutte contre l’érosion maritime ainsi que la protection de la côte lagunaire, la transformation de la route Ouidah-Hillacondji en une double voie, l’industrialisation de la production du sel à Avlo et l’érection d’un Port de pêche à Ayiguinnou sont quelques-uns de ces projets. Ce qui se fait sur le terrain est détaillé dans cette interview par le maire Jocelyn Ayicoué Ahyi.
La Nation : Au-delà du ballet des chefs de projets et représentants d’entreprises qu’enregistre la mairie de Grand-Popo, depuis quelques mois, qu’est-ce qui autorise à croire que les lignes bougent désormais par rapport à l’exécution physique des chantiers longtemps attendus par vos administrés ?
Jocelyn Ayicoué Ahyi : Les lignes ont commencé par bouger notamment sur le plan de la lutte contre l’érosion côtière. Ceci, après la phase des études qui a pris suffisamment de temps et de ressources financières. Mais il vaut mieux prendre du temps pour obtenir des infrastructures durables, vu que l’ampleur de l’érosion maritime, par exemple, n’est plus à circonscrire au niveau de la commune de Grand-Popo seule. C’est devenu un sinistre sous-régional parce que dans le golfe, tous les pays côtiers, en partant d’Abidjan, traversant le Ghana puis le Togo pour atterrir au Bénin, ont commencé par souffrir de l’érosion. Chaque dirigeant aurait souhaité se lever et régler ce problème, mais cela n’est pas possible. Lorsqu’individuellement un pays décide de faire face à l’érosion de sa côte maritime, non seulement cela crée des dégâts aux pays voisins, mais également cela donne lieu à beaucoup d’insuffisances et de dysfonctionnements. Le Togo était le premier pays à s’engager dans cette lutte mais les dégâts se concentraient beaucoup plus au Bénin, au niveau de la commune de Grand-Popo, précisément à Hillacondji et à Agoué qui étaient véritablement atteints. Parce que, non seulement le débit de l’enroulement d’eau est devenu plus élevé mais le départ du sable s’est révélé plus dangereux. Sérieusement touché, l’arrondissement d’Agoué a perdu beaucoup d’habitations et évidemment tout ce que nous pouvons y avoir comme vestiges du temps colonial et que nous avons bien envie de restaurer pour en faire des espaces culturels et touristiques. Des villages entiers ont été engloutis et d’autres touchés à moitié. Vous voyez combien de fois cette érosion est dangereuse.
Grâce à la Banque mondiale, à laquelle je fais un clin d’œil, et compte tenu du bon partenariat que le gouvernement entretient avec elle, nous sommes en train de vivre le démarrage des travaux de lutte contre l’érosion. Ceci, à travers le Projet d’investissement de résilience des zones côtières en Afrique de l’Ouest (Waca-ResIP). Sous le contrôle du ministère du Cadre de vie et du Développement durable, l’entreprise devant exécuter les travaux a été choisie. Il s’agit de Boskalis international Bv, une entreprise spécialisée dans la protection des côtes, qui a la charge de conduire les travaux depuis Agbodranfo, une localité du Togo, jusqu’à Grand-Popo, le projet étant devenu sous-régional entre le Togo et le Bénin, deux pays frontaliers. Il faut saluer la volonté des deux Etats à pouvoir travailler ensemble pour trouver, de façon aussi magistrale, le consensus autour des travaux.
Où en êtes-vous sur le terrain ?
Sur le terrain, nous sommes arrivés à une phase qui n’est pas négligeable : la mise en place du chantier. C’est ce qui nous confirme le démarrage des travaux, au-delà de toutes les séances que nous avons tenues dans le cadre de la validation des rapports. Nous avons foi et nous sommes sereins que l’exécution des travaux ne va plus mettre du temps. Ceci, pour le bonheur de la population qui ne s’est pas fait prier.
Nous avons une bonne partie de la population qui s’était installée de façon anarchique sur la bande côtière y compris les bandes non autorisées. Il fallait travailler à convaincre la population de l’avantage que présentent les travaux pour que les personnes affectées puissent accepter de se déplacer dans un autre environnement. Vu l’envergue des travaux, nous avons constaté qu’une partie de la population doit complètement quitter les anciennes positions. Il y a une autre partie qui doit partir et revenir plus tard, une fois que les travaux seront terminés. Enfin, il y a une autre catégorie qui peut rester mais en perdant une bonne partie de ses superficies. Toutes les personnes concernées ont été recensées et l’Etat a accepté de les dédommager. Nous sommes très avancés dans ce processus de dédommagement. C’est d’ailleurs grâce à cela que l’installation du chantier a pu démarrer parce que les espaces ont été libérés.
Outre l’érosion maritime, le territoire de Grand-Popo se rétrécit du fait de l’avancée des eaux lagunaires avec un risque d’implantation d’une deuxième embouchure. Quelles sont les diligences en cours à ce niveau ?
Il y a de cela deux ans, nous avons constaté qu’il y avait un début d’embouchure qui s’implantait à Gbékon, au niveau de la Place du 10 janvier. Si je parle de début d’embouchure, ceci voudra dire que nous avancions vers une deuxième embouchure à Grand-Popo. Si cette embouchure s’implantait, l’arrondissement d’Avlo qui compte neuf villages se verrait isolé complètement de Grand-Popo centre. Mais tout de suite, nous avons constaté la diligence du gouvernement à travers le ministère du Cadre de vie et du Développement durable qui a mis en place tout ce qu’il faut pour sauver les populations de ce scénario. Il y a eu des travaux de rechargement et de restauration de la berge lagunaire. Les travaux ont permis de sauver la voie de circulation et d’empêcher l’implantation de la ligne d’eau devant créer la deuxième embouchure entre la lagune et l’océan au niveau de la Place du 10 janvier. Mais l’investissement qui a été fait est prévu pour durer trois ans, selon les experts. C’est pourquoi, le gouvernement a déjà pensé à un aménagement durable de plus de 50 ans qui va prendre en compte tout l’espace, y compris la tribune qui sert à la célébration, chaque 10 janvier, de la fête des religions endogènes.
Pour ce qui est prévu, il sera question de recharger et de mettre en place des digues pour amortir l’avancée de l’érosion. Également, il sera question de créer un espace avec des commodités pour que des visiteurs locaux, nationaux et internationaux puissent venir s’épanouir, vivre tout le plaisir que cet espace pourrait offrir. D’un budget avoisinant 11,5 millions d’euros, ce que prévoit l’architecture de modernisation de cet espace est important. Pour son financement, le gouvernement s’est orienté vers le partenaire traditionnel qu’est la Banque mondiale. L’avantage de réaliser ce projet, c’est qu’il va prendre corps non loin de l’estuaire de l’embouchure dénommée la Bouche du Roy et non loin d’Avlékété qui ferait le pont entre Ouidah et Grand-Popo. Alors, de Ouidah, avec le projet touristique qui est en cours dans cette ville, un visiteur peut prendre un billet pour traverser Avlékété, puis Grand-Popo et descendre à Aného (Togo) pour vivre tous les attraits qui jalonnent ce circuit touristique en un temps record. Parce qu’en moins de 30 min, il va se retrouver à Grand-Popo et atteindre en moins de 15 min Aného. Ça fait plaisir à tout visiteur de moins dépenser, de découvrir plus qu’il n’a payé. Pour cela, je crois qu’il est nécessaire de faire du lobbying autour de ce projet rentable sur les plans économique et social. Je plaide pour l’architecture initiale de l’espace du 10 Janvier que nous voulons à la fois cultuel et culturel.
Des signes tangibles pointent également par rapport à la mise en œuvre de bien d’autres projets d’envergure tels que la modernisation de la route inter-Etats Ouidah-Lomé traversant Grand-Popo, annoncée aussi dans le Programme d’action du gouvernement (Pag) 2021-2026. Relativement à ces projets, qu’est-ce qui se fait sur le terrain ?
Je vous le confirme, nous avons reçu l’entreprise qui doit construire la double voie allant de Ouidah à Hillacondji. C’est un projet sous-régional conduit par l’Uemoa et qui vise à faciliter le passage des personnes et des biens sur le corridor Côte d’Ivoire-Nigeria. Cette voie permettra à Grand-Popo de s’ouvrir un peu plus au monde. Quand vous avez une voie bien construite, cela attire des structures, des créateurs de richesses qui s’installent. Mais c’est aussi vrai qu’il n’y a pas que ce projet de construction d’infrastructure routière.
En outre, nous attendons un joyau, l’érection d’un Port de pêche précisément à
Ayiguinnou. Sur ce coup, je voudrais saluer le dynamisme du Conseil communal parce que Grand-
Popo n’était pas la seule commune pressentie pour accueillir le projet. Il nous est attribué parce que nous avons su démontrer que le Port de pêche manquait à Grand-Popo où la pêche constitue l’activité dominante. Sur le même élan, le Conseil communal ne s’est pas fait prier par rapport à ce qu’il faut mettre en œuvre pour accompagner le projet. Nous nous sommes rapidement réunis pour accorder un domaine de 4 hectares. Dans ce cadre, nous avons pris une délibération et l’acte est remis au ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche (Maep), structure qui pilote le projet de Port de pêche.
Toutefois, le Conseil communal se tient encore prêt à jouer d’autres rôles, toujours pour accélérer la mise en place de l’infrastructure dont la maquette est déjà disponible. L’architecture dénote qu’on veut donner la chance à Grand-Popo de retrouver ses lettres de noblesse de première commune de pêche. J’en déduis une marque de reconnaissance à nos parents et arrière-grands-parents. Il faut qu’on saisisse cette chance. L’implantation devrait permettre de faire la pêche jusqu’en haute mer avec des équipements adéquats. Nous avons souhaité que ce soit un port qui puisse recevoir environ 1 000 barques. Entre autres dispositions, la maquette prévoit une chambre froide de conditionnement des produits ramenés de la pêche. Elle comporte aussi un dispositif de transformation sur place d’une partie des produits halieutiques. Aussi, l’architecture prévoit un magasin d’achat des pièces de rechange et du matériel de pêche. On y trouve également, un centre de réparation des moteurs de barques motorisées.
Sur un autre plan, le gouvernement a décidé, pour le compte de l’arrondissement d’Avlo, de porter la production de sel à un niveau industriel tout en préservant ce qui se fait de façon traditionnelle et qui constitue un attrait touristique, la qualité du sel d’Avlo étant prisée au niveau mondial. Pour l’industrialisation envisagée, les différentes phases préliminaires du projet sont en train d’être évacuées afin qu’il prenne corps. Ceci, en plus de ce que, sur le plan touristique, Avlo est une mine d’or. Nous tenons à remercier le chef de l’Etat pour toute sa clairvoyance de faire de Grand-Popo un pôle touristique à l’horizon 2030 en lui permettant de transformer les menaces de l’eau en une opportunité.
Outre l’île de sel, les potentialités touristiques dont regorge Avlo recouvrent, entre autres, la réserve aviaire, la réserve de biosphère qui reçoit un important nombre d’espèces aviaires. L’arrondissement dispose aussi des mangroves qui constituent des lieux d’épanouissement où vous pouvez vous promener sur au moins 4 km à travers les mangroves?