Dans son discours à la cérémonie de présentation de vœux au chef de l’Etat, lundi dernier, le président de Cour constitutionnelle Théodore Holo a tout dit mais n’a pas daigné abordé la question des élections locales, communales et municipales en suspend depuis près d’un an.
A l’instar de certains de ses collègues, présidents d’institution, Théodore Holo de la Cour constitutionnelle n’a pas manqué, dans son intervention, de faire le bilan des activités menées au cours de l’année écoulée. D’entrée, il s’est réjoui du renouvellement des membres de l’actuelle Cour « qui est intervenue à bonne date ». Pour le professeur Holo, la prestation de serment le 7 juin 2013 des 7 sages de la Cour constitutionnelle est un « événement saillant qui témoigne de la vitalité de notre processus démocratique et de notre volonté commune de respecter les constituants de notre Constitution ».
Qui dit mieux ? Oui, lorsque les institutions fonctionnent normalement, c’est un bon signe pour la démocratie et l’ordre constitutionnel. Mais ce que Théodore Holo a oublié de souligner et qui paraît capital, c’est l’organisation à bonne date des élections. Or, le constat est que nulle part et pendant les 17 minutes qu’a duré son discours de vœux au chef de l’Etat, le président de la Cour constitutionnelle n’a déploré la non organisation jusque-là des élections locales, communales et municipales.
Des élections qui devraient être organisées depuis mars ou avril 2013. Même si ce n’est pas la Cour constitutionnelle qui est sensée connaître desdites élections, cela relève néanmoins de son devoir de veiller au respect de la volonté des Béninois d’aller aux urnes pour renouveler le mandat de leurs dirigeants. A l’image du président de la Cour suprême Ousmane Batoko, qui s’est inquiété des « conséquences juridiques de cette situation inédite » qu’est la prorogation du mandat des élus locaux, communaux et municipaux, le professeur Holo pouvait aussi attiré l’attention du chef de l’Etat et des autres acteurs politiques sur cet état de chose qui ne rime pas avec la gouvernance démocratique. Est-ce un oubli ou bien le président de la Cour constitutionnelle voulait fait plaisir à Yayi Boni en l’épargnant de ce point.
La banalisation de la question a été plus perceptible quand le professeur Holo s’est mis à remercier « chaleureusement » le président de la République qui a contribué à l’amélioration des conditions de travail des conseillers et des membres de l’administration de la Cour. Aussi, le chef de l’Etat qui a mis à leur disposition un domaine pour abriter le siège de la l’institution. Et d’ajouter que leur espoir, c’est qu’en revenant au Palais l’année prochaine pour sacrifier à cette tradition de présentation de vœux, qu’il puisse dire merci au président Yayi Boni pour le démarrage effectif des travaux de construction du siège. Ne serait-il pas intéressant de voir Théodore Holo se réjouir plutôt de l’organisation cette année et sans anicroche des élections locales repoussée sans limite ? Autrement, entre les élections locales et la construction du siège de la Cour, laquelle des deux actions paraît urgente ou prioritaire ? Le professeur Holo a fait son choix.
L’autre oubli
Toujours dans son discours, le président de la Cour constitutionnelle a insisté sur les nombreuses décisions rendues en 2013 par l’institution qu’il préside. A cet effet, il a mis l’accent sur les trois qui l’ont marqué. Des décisions qui, selon ses propos, feront date dans le dispositif jurisprudentiel de la Cour. Et il cite en première loge, la décision Dcc 13-060 du 24 juin 2013 sur les critères d’ancienneté que doivent remplir les Magistrats pour siéger à la Cour conformément à l’article 115 de la Constitution.
Deuxième décision majeure, selon lui, la Dcc 13-096 du 29 août 2013 relative à la laïcité de l’Etat, décision dans laquelle la Cour a reprécisé ce qu’il faut entendre par laïcité. Et sa dernière décision phare, est la Dcc 13-24 du 12 septembre 2013 sur la révision de la Constitution. Certes les trois décisions choisies par les conseillers de la Cour paraissent majeures.
Mais n’y avait-il pas une qui est importante voire historique pour être aussi rapidement rangée aux oubliettes ? Cette décision longtemps attendue par les Béninois est qui est finalement intervenue pour les départager sur une question de régionalisme, c’est bien la décision Dcc 13-071 du 11 juillet 2013. En effet, c’est par ladite décision que l’actuelle Cour a condamné les propos tenus par le chef de l’Etat le 1er août 2012. Le collège des Conseillers n’a pas eu froid aux yeux en signifiant à Yayi Boni qu’il a méconnu l’Article 36 de la Constitution quand il affirmait dans l’entretien télévisé « je vais faire venir les miens et ils vont s’affronter ». Cette décision, en son temps, a été saluée par la plupart des citoyens béninois qui n’ont d’ailleurs pas manqué de tirer un coup de chapeau à la Cour. Mais ce qui a étonné plus d’un est que lundi dernier, devant le chef de l’Etat le président Holo n’a pas pu rappeler cette décision.
L’a-t-il fait à dessein de peur de choquer le président Yayi Boni ? De toutes les façons, cette décision est très importante pour être passée sous silence. D’ailleurs, le chef de l’Etat lui-même l’a compris et est même revenu là-dessus, dans son adresse aux différents présidents d’institutions, notamment au président Mathurin Coffi Nago de l’Assemblée nationale qui a préalablement déploré la manière dont le Droit se dit au Bénin. A en croire Yayi Boni, le Droit reste le Droit et s’impose à tous surtout lorsqu’il est dit par la Cour dont les décisions sont sans recours. C’est là que le président de la République a fait allusion à ses propos condamnés par la Haute juridiction. Théodore Holo aurait donc pu devancer Yayi Boni.