“Ceci reviendra à juste déplacer le problème“, soutient un autre aspirant
Anselme Amoussou, Sg Csa-Bénin : “J’ai trouvé cela un peu ridicule“
Moudachirou Bachabi, Sg/Cgtb : “ (…) qu’on ait des solutions pérennes à la situation des intéressés“
Noel Chadaré, Sg de la Cosi Bénin : « Le gouvernement a vu juste mais il pouvait faire mieux »
Les activités académiques au titre de l’année scolaire 2022-2023 reprennent dans quelques jours. Entre autres mesures prises par le gouvernement béninois pour accompagner les aspirants au métier d’enseignant, le paiement d’un mois d’avance sur salaire. Une avance sur salaire qui sera remboursée à partir du mois de janvier 2023. Une mesure visiblement loin d’être saluée dans l’opinion notamment dans le rang des enseignants aspirants et les secrétaires généraux des centrales syndicales, la Confédération des syndicats autonomes (Csa-Bénin) et la Confédération générale des travailleurs du Bénin (Cgtb). Lire leurs impressions !
1. Narcisse, Aspirant
“C’est un mépris…“
Cette décision du gouvernement est un mépris envers cette catégorie. Au lieu de penser à faire l’avance sur salaire, il aurait pu opter à payer les primes de rentrée à ceux-là comme les autres pour les aider à préparer la rentrée ou bien octroyer un mois de rémunération. Ce serait bien comme aide, mais avance sur salaire ne change rien.
1. Josué, Aspirant
“Ceci reviendra à juste déplacer le problème“
Bien sûr que cette mesure soulagera plus d’un après trois mois de traversée de désert. Mais personnellement, une avance sur salaire ne me fait ni chaud ni froid. Ce n’est pas une prime; ce qui serait accordé maintenant (au cas où ça l’est effectivement) sera retranché en fin d’année. Ça fera alors quatre longs mois de vacances sans salaire. Ce qui reviendra à juste déplacer le problème.
Gérard S.T, Aspirant
“C’est de l’insulte vis-à-vis des enseignants“
Accompagner quelqu’un ou porter assistance qui plus est financière, à une tierce personne est un acte louable. Mais vu le contexte, je pense que c’est un aveu d’échec vis-à-vis du système d’aspiranat instauré par l’État. Combien de fois l’Etat a-t-il fait des prêts à ses fonctionnaires à l’approche de la rentrée ? Un système qui affame plus de 80% de son personnel sur 4 mois et au lieu de penser à une amélioration conséquente, on parle de payement d’un mois d’avance. C’est de l’insulte vis-à-vis des enseignants. L’Etat ne pense qu’à lui-même en ignorant les hommes qui animent le système éducatif, base de tout développement durable. Personnellement, je pense que ce geste n’a rien de louable car le gouvernement peut assumer les 12 mois sur 12 aux enseignants. Même s’il pense que les moyens sont aujourd’hui limités, pourquoi ne pas faire des promesses à tenir au moment opportun?
Anselme Amousssou, Sg Csa-Bénin
“J’ai trouvé cela un peu ridicule“
Le gouvernement a choisi la solution de la fuite en avant. C’est une fuite en avant. C’est une très mauvaise décision. J’ai trouvé cela un peu ridicule parce qu’il faut passer le temps à expliquer aux camarades. Des gens que vous n’avez pas nourris depuis plus de six mois, disons depuis le mois de juin. Depuis le mois de juin, vous ne leur avez donné aucun salaire, aucun revenu. Ils se sont endettés…Et vous annoncez aujourd’hui que vous allez leur faire un prêt d’un mois de salaire que vous allez récupérer à partir du mois de janvier. D’abord, ils n’étaient pas bien payés comparativement à ceux qui ont le même profil qu’eux et qui sont dans d’autres secteurs d’activités, recrutés par le même Etat. Les enseignants sont lésés, les aspirants au métier d’enseignant sont lésés. C’est sur ce salaire déjà insuffisant que le gouvernement décide à partir du mois de janvier de prélever une soi-disant dette qu’il va consentir pour les mêmes camarades. Voyez-vous là où c’est complètement confus et flou. Les enseignants reprendront les classes effectivement à partir du 19 septembre. Et ils ont déjà fait la pré-rentrée à partir du lundi, 12 septembre. Donc logiquement, le mois de septembre leur est dû déjà par l’employeur. Vous leur devez le mois de septembre et c’est dans ce mois de septembre que vous décidez de leur faire une avance sur salaire. L’avance est sur quel salaire ? . Le salaire du mois de septembre ou d’octobre ? il suffisait simplement, à défaut même de leur payer les primes de rentrée, de leur faire le complément de contrat que nous leur demandons depuis des mois c’est-à-dire leur faire un contrat de 12 mois sur 12. Le gouvernement aurait simplement dû dire : je leur paie le salaire du mois de septembre. Un salaire plein pour le mois de septembre plutôt que de proposer ce qui a été proposé. Ce que je trouve préoccupant, c’est toute cette acrobatie, cette gymnastique pour se refuser à accorder les 12 mois sur 12 à des travailleurs dont on sait qu’ils sont dans la précarité, dont tout le monde comprend que la situation est difficile. Et c’est ce qu’un gouvernement reconnu comme un gouvernement ayant réalisé des performances économiques et qui fait les choses très intelligemment, c’est ce choix que ce gouvernement fait face à la détresse de cette couche importante, de ce personnel important pour l’école béninoise. Moi, je suis un peu perdu. Cela veut dire que l’embellie économique dont on nous parle, si c’est un leurre, quel est le problème qui se pose réellement et qui fait que si le gouvernement du Bénin accorde trois mois supplémentaires aux aspirants, le pays va tomber économiquement, le pays va sombrer, tous les clignotants seront au rouge. Est-ce que véritablement le gouvernement n’a pas les moyens de faire ce minimum pour eux. Ou bien le gouvernement a les moyens et se refuse d’avoir cette compassion pour des gens qui en ont vraiment besoin. C’est un problème et je crois que c’est un drame. Cette forme de gouvernance qui ne veut pas expliquer les choses, qui ne veut pas dire ce qui se passe réellement et qui se refuse à agir pour justifier le mandat social qu’on nous a annoncé, je trouve que c’est un problème. C’est une préoccupation, c’est un souci pour moi en tant qu’acteur social.
Moudachirou Bachabi, Sg/Cgtb
“ (…) qu’on ait des solutions pérennes à la situation des intéressés“
Du point de vue stratégique, cela règle de façon ponctuelle un problème mais comme vous le savez, une avance reste toujours une dette. Donc c’est un endettement des intéressés par rapport aux problèmes qu’ils ont en face d’eux…La position de la Confédération générale des travailleurs du Bénin (Ctgb) sur ces genres de question, c’est qu’il ne faut pas chercher des solutions conjoncturelles. Il faut trouver une formule pour qu’on ait des solutions pérennes à la situation des intéressés. Parce que vous comprenez, après avoir passé deux à trois mois de vacances sans salaire, ils sont donc totalement endettés avec des loyers impayés. Un mois d’avance, c’est quelque chose mais je pense que le problème que les intéressés ont aujourd’hui, il faut qu’on aille au-delà. Même si c’est une mesure à saluer, je crois qu’il faut réfléchir sérieusement à la façon de gérer tout le système éducatif en général. Parce que, lorsque nous faisons le point aujourd’hui, ils représentent une proportion assez importante de ceux qui permettent de tenir le système éducatif que ce soit la maternelle, le primaire ou le secondaire.
Noel Chadaré, Sg de la Cosi Bénin :
« Le gouvernement a vu juste mais il pouvait faire mieux »
« En décidant de donner une avance d’1 mois de salaire aux AME, le gouvernement a compris qu’ils sont des parents d’élèves. En tant qu’enseignants, ils sont père de famille, ils doivent assurer la rentrée de leurs enfants, ils ont besoin d’argent. Et donc le gouvernement a vu juste de leur donner quelque chose. Mais c’est peut-être l’offre qui n’est pas à la hauteur de l’espérance, de l’attente des centrales syndicales même si on peut dire que c’est une petite bouffée d’oxygène parce que dèjà les AME sont cousu de dettes ; ils ont fait des mois à la maison, les trois mois de vacances ils sont restés sans salaire ; ils doivent le loyer, ils ont sûrement passer de l’argent chez des gens qui leur donnent une certaine crédibilité, ils doivent rembourser : ils doivent effectuer la rentrée de leur enfants : acheter cahiers, les fournitures scolaires ensuite la tenue et peut-être l’inscription aussi. Donc ça va faire beaucoup d’argent, c’est pourquoi je dis, le gouvernement a compris que, eux aussi, tout comme les autres travailleurs, les autres enseignants doivent faire la rentrée de leurs enfants ; donc il a vu juste mais la proposition est encore en deçà des attentes. Le gouvernement a vu juste mais il pouvait faire mieux, et doit même faire mieux parce que si on leur donnait trois mois d’avance, ce serait mieux. Comme ça il leur restera à payer 9 mois et on aura les douze mois sur douze. Nous, c’est ce qu’on aurait souhaité mais bon, bon gré contre mauvaise fortune. On acceptera comme ça même si c’est insuffisant. Tout est-il mis en œuvre pour qu’il y ait une bonne rentrée ? Il faut d’abord attendre parce que nous sommes dans une saison pluvieuse et il y a les inondations par ci par là. Il y a des zones où je crains qu’il n’y ait pas une bonne rentrée, vu qu’il y a des zones inondées, donc on pourra dire que la rentrée sera bonne à certains endroits mais risque de poser problème à d’autres endroits. Maintenant les urgences accomplies qu’on nous a annoncé participent un tant soit peu d’une bonne rentrée mais… dire que la rentrée sera très bonne, attendons de voir. Vu que nous sommes en saison de pluies, ce n’est pas évident qu’avec cette inondation on ait une très bonne rentrée. Mais a priori on devait avoir une très bonne rentrée mais dans les faits quand on voit tel qu’il pleut, tel que ça se passe, les inondations annoncées çà et là vont sûrement avoir de répercussions sur une rentrée effective et une bonne rentrée dans certaines parties de notre pays. »