Les actionnaires de la Société de développement du coton (Sodéco) n’ont pu tenir leur Assemblée générale, le jeudi 09 janvier 2014 à Cotonou. Le gouvernement représentant l’Etat béninois au sein du Conseil d’Administration de ladite Société, s’est érigé en violateur des textes en vigueur.
L’Assemblée générale ordinaire de la Sodéco annoncée pour le jeudi 09 janvier 2014 a été reportée. Réunis au Novotel de Cotonou, les actionnaires n’ont pu s’accorder sur la composition des membres du Conseil d’administration de ladite société, seule question inscrite à l’ordre du jour. Selon le président du Conseil d’administration, le refus du gouvernement de respecter les textes régissant la Sodéco est à l’origine de ce blocage. Or les actionnaires étaient tous présents. La Scp, l’Ons, l’Etat béninois représenté par cinq membres du gouvernement (ministres en charge de la Justice, de l’Agriculture, des Finances, du Développement et des politiques publiques) au lieu de deux ministres. Ils étaient flanqués de l’Agent judiciaire du Trésor (Ajt) Sévérine Lawson et de certains hommes du palais de la Marina dont le Conseiller du Chef de l’Etat, Joseph Tamègnon. L’actionnaire Patrice Talon était, lui, absent mais représenté par dame Eulalie Adjovi. Plusieurs observateurs affirment que la stratégie adoptée par le gouvernement a été planifiée en prévision de la réquisition des usines de la Sodéco.
Divergences…
Jeudi dernier, les cinq ministres envoyés par le gouvernement au Novotel étaient les derniers à montrer le bout de leur nez. Avec les conciliabules de dernière heure et les coups de téléphone à n’en plus finir, ils avaient fait retarder la réunion de plus d’une demi-heure. La stratégie trouvée, était sans doute d’irriter les nerfs de leurs partenaires. Mais les actionnaires représentant le secteur privé étaient restés tous sereins.
Une fois tous les actionnaires réunis ce jeudi, le président du Conseil d’administration, Eustache Kotingan a évoqué un point crucial. Pour lui, l’Assemblée générale doit se tenir sur la base de l’actionnariat toujours en vigueur. Il a soutenu qu’il fallait « partir des 51% que possède le secteur privé et 49% détenus par l’Etat »>
Ce à quoi les représentants de l’Etat se sont opposés. A la tête de la délégation gouvernementale, le ministre du Développement Marcel de Souza a fait savoir que l’Assemblée générale doit travailler suivant la décision unilatérale du gouvernement redistribuant les actions de ladite société. Les deux parties s’engageaient alors dans de chaudes discussions. Mais craignant d’étaler face au public toutes les divergences qui secouaient le Conseil d’administration, le gouvernement a demandé et obtenu le retrait de la presse de la salle où se tenait la rencontre. La presse s’est repliée. Mais après quelques minutes d’échanges, les actionnaires se sont eux aussi retirés de la salle pour aller s’enfermer dans une autre afin de trouver, a-t-on laissé entendre, un point d’accord. Mais en vain. Les 3 heures de discussions n’ont pu permettre aux actionnaires de surmonter les divergences. Le secteur privé s’accroche aux textes et fait barrage à la validation de l’illégalité. De son côté, le gouvernement n’arrive pas à convaincre. Même l’armée de juristes dont il s’était entouré à l’occasion n’a pu trouver les éléments justes pour le sortir du « méli-mélo juridique » dans lequel il s’embourbe, a confié un actionnaire. A la sortie, les ministres ont été très laconiques. « Il n’y a rien à dire. On n’a pas pu faire l’Assemblée. On devrait faire l’Assemblée générale ordinaire ce jour et prendre des décisions. Mais nous n’avons pas pu tenir l’Assemblée générale », a laissé entendre Marcel de Souza. « Nous avons fait un dialogue de sourds », a déclaré pour sa part le Pca, Eustache Kotingan. Il a ajouté : « Il s’est révélé que les conditions de cession des 17, 5% (décision du gouvernement) ne pouvant être validée légalement, l’Assemblée n’a pas pu se tenir puisque les feuilles de présence, la première condition de la tenue d’une Assemblée n’ont pas été signées par les différents actionnaires. En réalité, ce n’est qu’après ça qu’il faut observer les documents qui sont valables et qui signifieraient que réellement il y a une cession. Aujourd’hui, où je vous parle tout au moins légalement le secteur privé a toujours 51% et l’Etat a 49% ».
La décision du gouvernement frappée d’illégalité…
Eustache Kotingan déplorera également les décisions précipitées prises par le gouvernement. « L’Etat béninois après les décisions prises en Conseil des ministres, a immédiatement mis en pratique ces décisions et a affecté une part des actions à des tiers, tous ceux qui ne sont pas dans le capital en ce moment. Je veux parler des producteurs, des maires… En fait, les décisions du Conseil des ministres ne sont que la manifestation de la volonté de l’Etat de voir changer peut-être les répartitions dans le capital. Mais pour faire une cession d’actions, il faut soit qu’il y ait une concession entre vendeur et acheteur étant donné que la Scp reste largement propriétaire de ses 17,5% soit qu’il y ait une décision du Tribunal qui puisse permettre une cession. C’est ce à quoi nous nous sommes heurtés pour cette assemblée, on ne pouvait pas valider la décision du Conseil des ministres qui pour l’Ohada n’est rien du tout. C’est juste une manifestation de volonté », a relevé Eustache Kotingan. L’Ag ordinaire qui devrait être selon les mots du Pca, exceptionnelle n’a pu se réunir. Mais aucune date n’a été retenue jeudi dernier par les actionnaires pour une nouvelle rencontre. « Les points de divergence sont énormes », a commenté un observateur.