La décision Dcc 13-171 du 30 décembre 2013 de la Cour constitutionnelle, la répression de la marche des syndicats le 27 décembre 2013. Voilà les deux sujets de l’actualité nationale que le bureau politique de l’Union fait la Nation (Un) a passé au peigne fin, vendredi dernier à l’Infosec de Cotonou.
D’abord, c’est le passage à tabac des syndicalistes par les forces de l’ordre le 27 décembre dernier qui a préoccupé Antoine Idji Kolawolé, le conférencier principal. Pour lui, il n’est pas banal de voir ce qui s’est passé ce jour-là devant la bourse du travail. Car, rappelle-t-il, les Béninois n’aiment pas le sang mais là, il a noté que le sang a coulé. « C’est inquiétant que des personnalités bien connues soient traitées comme des terroristes dangereux. Si le gouvernement ne dit rien, ça veut dire que c’est eux qui ont demandé ça.
Nous, nous sommes du côté des syndicalistes de jour comme de nuit et nous ne nous cacherons pas pour le faire. Nous sommes avec eux de façon ferme. Nous jouerons notre rôle pour le progrès de la démocratie, de la bonne gouvernance, comme il joue les leurs », a-t-il déclaré. Aussi, a-t-il eu une pensée pour l’acteur de la société civile, Martin Assogba victime d’une tentative d’assassinat, à qui il a souhaité un prompt rétablissement.
Une Cour des miracles ?
Ensuite, sans ambages, le porte-parole de l’Union fait la Nation (UN) s’est attaqué à la Cour constitutionnelle suite à sa décision du 30 décembre 2013. Pour Antoine Idji Kolawolé, les sept sages, après des développements talentueux et tortueux, en sont arrivés à dire que le vote de rejet du budget 2014 par les députés le 19 décembre 2013 est anticonstitutionnel. Après moult explications retracées dans une brochure mise à la disposition de la presse, Idji Kolawolé a signifié que la Cour constitutionnelle, en interdisant, en violation de la Constitution et du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, le vote secret au parlement, a révisé notre loi fondamentale et que cet acte ne peut être taxé que d’un coup de force.
Il ajoute : « Le simple bon sens permet de noter qu’il y a trop d’incohérences dans cette décision. La Cour a fait un coup de force qui nous conduit dans une zone dangereuse et comme la Constitution l’a prévu, nous allons avoir recours à la résistance et à la désobéissance. Car, la Constitution a dit qu’on n’obéit pas à un ordre illégal et anticonstitutionnel ».
Le Président de l’Un, Bruno Amoussou, tout en demandant un débat contradictoire pour éclairer la lanterne des populations sur les tenants et aboutissants de ladite décision, est revenu sur la corruption grandissante sous l’actuel régime. « Ils alimentent la peur. Ils veulent semer la terreur pour faire taire les gens. Le feu qu’ils veulent allumer là, il faut qu’ils sachent qu’il y a des accidents où il n’y a pas de survivants », a-t-il fait remarquer. Alors, pour réparer le tort créé au peuple et à la démocratie, Bruno Amoussou et l’Un exigent le rétablissement de la légalité constitutionnelle dans notre pays. Et ceci s’entend, à les en croire, par un retour par les sept sages sur leur décision à polémique.
Il n’est pas banal de voir ce que nous avons vu le 27 décembre 2013, où les personnalités reconnues de notre pays, les personnalités comme Todjinou, Lokossou, Issè Iko sont des gens bien connus. Personne ne peut nier leur apport, leur contribution à l’édification de ce pays. Et voilà que ceux-là, on les traite comme des terroristes.
Et lorsque nous aimons répéter à chaque fois « Dieu aime le Bénin, Dieu aime le Bénin », je crois que, cela est vrai. Mais il souhaite aussi que les Béninois aiment le Bénin, et qu’ils s’aiment. Ce que nous avons vu là n’est pas ce qu’on attend d’un peuple pacifique. On dit que les Béninois n’aiment pas le sang mais on a vu le sang couler. Pourquoi était-il nécessaire de charger, de gazer, de fusiller des personnalités connues ? Des responsables connus dans une manifestation pacifique où il n’y avait ni couteau ni gourdin.
Où allons-nous ? Cela est une chose particulièrement inacceptable. Et nous voudrions saisir cette occasion pour clarifier un point. Les responsables syndicaux et les militants syndicaux ne doivent à aucun moment douter de notre solidarité. Je sais que nos rapports n’ont pas toujours été très simples. Lorsque nous avons démarré un mouvement pour le renforcement de la démocratie dans notre pays, nous nous sommes retrouvés de manière très plurielle pour former un front pour la défense de la démocratie.
Cela n’a pas bien fonctionné, les syndicalistes avaient parfois des états d’âme et des choses à nous reprocher. Mais je voudrais leur dire, au nom du bureau politique, de manière ferme et déterminée, que nous sommes à leurs côtés de jour comme de nuit, et nous ne nous cacherons pas pour le faire, parce qu’il n’est pas normal que ceux qui font avancer le pays, qui créent la richesse dans le pays, qui amènent la prospérité dans le pays, avant, pendant et après la Conférence nationale. Il n’est pas responsable qu’on les traite ainsi. Et nous voulons leur dire que nous serons à leurs côtés de manière ferme et définitif. Ce faisant, évidemment, nous respectons la spécificité des syndicalistes et des syndicats.
Nous ne sommes pas là pour leur imposer quoi que ce soit. Ce n’est pas ce que nous voulons faire. Ils sont libres en tant que syndicalistes, de déterminer eux-mêmes telle ou telle conduite dans telle ou telle situation tel que cela leur paraitra approprié. Nous ne les empêcherons jamais de jouer leur rôle. Nous ne les contraindrons jamais. Dans notre rôle d’acteurs politiques, nous jouerons le nôtre et nous voulons que les syndicalistes jouent le leur. Il est naturel que lorsque nous nous rencontrons sur le même terrain de combat pour le progrès de notre pays, pour le progrès de la démocratie et simplement pour la bonne gouvernance, que nous nous soutenions les uns les autres.
Que les syndicats nous soutiennent lorsque nous défendons ces causes-là et que nous les soutenions lorsqu’ils défendent les mêmes causes que nous. D’ailleurs, ce n’est pas une spécificité béninoise.
Regardez le SPD en Allemagne. Au bureau politique de la SPD, on trouve des responsables syndicaux. En Afrique, vous avez la COSATU qui est dans l’ANC sans se cacher ; et dans beaucoup d’autres pays, vous voyez ce lien-là qui est un lien très fort entre responsables syndicaux et responsables politiques. C’est vrai qu’un responsable syndical peut être un responsable politique, mais quand il agit en tant que politique, il agit en tant que politique. Quand il agit avec ses militants en tant que syndicaliste, il agit en tant que syndicaliste.
Mais syndicalistes et responsables politiques, nous avons intérêt à ce que notre pays soit bien gouverné, à ce que notre pays soit bien géré. Et c’est pour cette raison-là que nous souhaitons que les responsables syndicaux sachent que l’Union fait la Nation restera indéfectiblement à leurs côtés et les soutiendra dans leur juste revendication et leur juste lutte. Je voudrais en même temps le dire, puisque la marche du 27 décembre réunissait responsables syndicaux, organisation de la société civile et quelques responsables, d’ailleurs politiques. Le Coordonnateur général de L’Union fait la Nation était là. A très juste titre.
Et ce sera comme cela, parce que je dis que nous ne nous cacherons pas pour soutenir toutes les causes justes de notre pays. Donc dans la même veine, je voudrais souhaiter des vœux appuyés à Martin Assogba. Il a eu de la chance. Pourquoi est-ce que c’est autour du cou qu’il a reçu la balle ? Peut-être à cause du mauvais état de la route et des vibrations que cela a induites, parce que ce n’est certainement pas sur le cou qu’on voulait déverser les balles. C’était dans sa tête. Afin qu’il soit définitivement mort. Heureusement, il est encore en vie. Au nom de L’Union fait la Nation, je voudrais lui souhaiter très prompt rétablissement. Longue vie et plein succès au combat qu’il mène avec son ONG, et qui est notre combat commun. Voilà ce que je voulais dire à cet effet.
Le second point sur lequel je voudrais ouvrir quelques petites pistes pour nourrir les échanges que nous pouvons avoir avec vous, chers amis de la presse, c’est la décision de la Cour constitutionnelle du 30 décembre 2013. Nous avons élaboré un petit opuscule que vous avez déjà reçu, je crois.
Dans le cas contraire, vous l’aurez. Je souhaite que vous puissiez le lire. Il est écrit de façon très simple et bien lisible. Je ne voudrais pas compliquer ici ce qui est simple. Je ne voudrais pas non plus vous infliger un cours de droit. Ou un cours de pratique parlementaire, parce que ce qui s’est passé le 30 décembre au niveau de la Cour constitutionnelle, on n’a pas besoin de sortir de l’école de droit de la Harvard ou d’Oxford ou même de la Sorbonne pour comprendre cela. Vous savez tous comment est faite la Cour constitutionnelle. Tous ceux qui sont ici font partie de ceux qui se sont battus pour que la Cour soit installée.
Et longtemps, elle a fait honneur à notre démocratie. Mais depuis quelque temps, nous avons des raisons d’inquiétudes. Et je crois que le 30 décembre dernier, ce ne sont pas seulement des raisons d’inquiétudes que nous avons, nous avons des préoccupations graves. Je vous disais qu’il s’agissait de choses simples. Chacun de nous peut consulter le règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Vous connaissez tous la Constitution du Bénin.
C’est autour de ces problèmes-là qu’il faut regarder ce qui s’est passé. Qu’est-ce qui s’est passé ? Les députés se sont réunis les 19 décembre 2013. Ils ont émis un vote sur le budget général de l’Etat, gestion 2014, ils ont voté, vous vous rappelez tous, par 44 voix contre et 39 voix pour.
Le budget a donc été rejeté. Pour en arriver là, les députés ont demandé que le vote sur le budget se fasse par bulletin secret. Le président de l’Assemblée nationale a accédé à leur demande, il n’avait d’ailleurs pas le choix. L’article du règlement de l’Assemblée nationale est un article très clair. Le président de l’Assemblée nationale a donc accepté le vote secret. On a même amené les isoloirs, mais les débats ont commencé et ont duré longtemps. Vous savez, les députés sont des parlementaires et ils parlementent trop parfois. Sinon, si les débats n’avaient pas traîné outre mesure, peut-être que l’ensemble des problèmes que nous avons aujourd’hui se seraient produits sous une autre forme.
Plus de six heures après cette demande acceptée par le président de l’Assemblée nationale, un autre groupe, de façon clandestine, a formulé une demande pour dire qu’il ne faut pas que le budget soit voté à bulletin secret, mais par bulletin public. Ils ont bien entendu le droit de demander cela. Mais les députés qui avaient voulu le vote secret, l’avaient pour ainsi dire obtenu, puisque les isoloirs avaient commencé à être installés dans la salle. Donc, c’est sur cette base-là et après de très grandes frustrations, des discours parfois incendiaires et inouïs, qu’a eu lieu ce vote. Et puis, il y a eu des rumeurs incroyables.
On a rapporté des choses incroyables. Je suis sûr que certains députés parmi ceux qui ont saisi la Cour, n’ont même pas lu le recours. On leur a dit « signe là », et ils ont signé. Je ne médis pas des collègues en disant cela, mais c’est ainsi. Certains ont alors saisi la Cour constitutionnelle qui a cassé le vote des députés. Pour quel motif ? C’est très simple. La Cour constitutionnelle a fait des développements talentueux et tortueux. Elle dit « non, les députés n’avaient pas le droit de voter par bulletin secret, parce que le règlement intérieur ne prévoit pas le vote à bulletin secret pour le budget général de l’Etat ».
Mais lisons les textes, ils sont simples et très clairs. Il y a des cas où vous devez voter par bulletin secret. Ces cas-là sont précis. Lorsqu’il y a nomination ; quand on veut élire le président de l’Assemblée nationale, on ne peut pas le faire à main levée. Quand on veut élire le président de la commission des finances, on ne peut pas le faire à main levée non plus.
Lorsqu’on doit poursuivre le chef de l’Etat ou un ministre ou les mettre en accusation, on ne peut pas le faire à main levée. On doit le faire par bulletin secret, c’est obligatoire. Le règlement de l’Assemblée nationale dit qu’ordinairement, lorsque tout va normalement, le vote à l’Assemblée nationale se fait à main levée. Et c’est cela qui a été jusque-là appliqué.
Maintenant, cela peut ne pas se faire comme cela, parce que lorsque vous faites le vote à main levée, il est arrivé plusieurs fois qu’on ne soit pas sûr du résultat qui est annoncé. On demande « qui sont ceux qui sont pour et ceux qui sont contre ? » Et le premier ou le deuxième secrétaire compte les voix. Parfois, il compte mal. Et là, il peut y avoir contestation.
Quand on n’est pas sûr du résultat à main levée, la loi dit que le président de l’Assemblée nationale peut décider d’un scrutin public. Scrutin public ordinaire ou scrutin public à la tribune. Cela veut dire qu’on ne fait plus le vote à main levée. On met les bulletins dans les enveloppes qu’on ferme. Mais le règlement intérieur dit aussi qu’en plus des cas où le vote secret est obligatoire, si cinq députés au moins demandent qu’un vote se fasse par vote public ou par vote secret, alors, il est procédé ainsi. Voilà ce que dit la loi.
Chacun de vous peut constater cela. Que nous reproche la Cour constitutionnelle ? Elle dit « Non, et non. Les seuls cas où vous pouvez faire le vote secret, c’est les cas qui ont été précités ». Elle dit donc pour le vote du budget « vous ne pouvez pas faire de vote secret ».
C’est extraordinaire. Où a-t-elle trouvé cela ? La loi dit clairement : dans tous les autres cas et à la demande de cinq députés au moins. C’est cela que la Cour constitutionnelle interprète, modifie, transforme à sa guise, en disant « non, il n’y a de vote secret que dans ces cas-là qui ont été spécifiés. Dans d’autres cas, vous ne pouvez pas faire de vote secret. Donc pour le budget général de l’Etat, vous ne pouvez pas faire de vote secret. Et si vous le faites, il est nul et non avenu. Elle dit « le vote du 19 décembre n’a jamais existé ».
Elle va plus loin : « puisque je vous ai démontré très clairement que votre vote n’a jamais existé, je vous ordonne de retourner immédiatement à l’Assemblée nationale, en plénière, et de voter obligatoirement le budget général de l’Etat, gestion 2014 à main levée, au plus grand tard le 31 décembre. Mais où a-t-elle concrètement trouvé cela ? Les textes sont clairs, je le répète. L’article 110 de la Constitution dit : « Si le budget général de l’Etat n’a pas été voté le 31 décembre de l’année, le chef de l’Etat prend une ordonnance et l’Assemblée nationale est convoquée dans les quinze jours pour se prononcer.
Si à l’issue de la session extraordinaire qui dure quinze jours (Cela fait un mois, c’est à dire quinze jours pour convoquer et quinze jours pour se prononcer), le budget général de l’Etat n’a toujours pas été voté, l’ordonnance devient définitive. Où la Cour constitutionnelle a-t-elle trouvé ce qu’elle appelle une urgence pour dire qu’il faut obligatoirement voter ? Il n’y a pas de vide juridique. La Constitution a tout prévu, ainsi que les textes. Si j’insiste au niveau de nos amis de la presse, c’est pour qu’ils puissent l’expliquer de façon simple comme ils savent bien le faire. Et plus clairement, peut-être de façon répétitive aussi pour que notre public comprenne. Nous ne sommes en train de faire de la chicane à personne.
Nous parlons d’un sujet grave. Parce que la Cour constitutionnelle a révisé la Constitution. Si vous supprimez le vote secret, certaines choses deviennent possibles. On vous amène la révision de la Constitution. On prend soin de prendre les procurations nécessaires à certaines personnes.
Et à d’autres, on prend soin que certaines grenades éclatent derrière leurs maisons ou dans leurs dos et on dit : « Non, non et non, ici, c’est vote à main levée, il n’y a pas d’autres manières de faire ». La Constitution modifiée de façon opportuniste passera. D’ailleurs, il n’y a pas que la Constitution. Lorsqu’on voit que les tensions montent de plus en plus dans le pays et que tout s’effondre, le chef de l’Etat, chef du gouvernement, peut demander l’état de siège ou l’état d’urgence. Et cela arrête presque toutes les libertés. La police intervient comme elle veut. Les libertés sont suspendues.
L’Assemblée nationale doit se prononcer soit pour l’arrêter soit pour laisser poursuivre. C’est dans la Constitution, article 102. Là aussi, après la décision de la Cour constitutionnelle, vous ne pouvez pas faire cela à bulletin secret, mais à main levée, d’après elle. Où nous amène-t-elle ainsi ? Il faut que vous répétiez qu’elle n’avait pas le droit, ni le pouvoir de réviser la Constitution. Et parce qu’elle n’avait pas ces droits, elle a fait un coup de force qui nous conduit vers des zones très dangereuses dans notre pays.
Notre Constitution a prévu ce qu’il faut faire en cas de coup de force. Elle dit que la résistance à l’autorité illégale par toutes les institutions et par chacun des citoyens est possible. N’oublions pas cela, cette résistance-là est le plus sacré des devoirs. Rien ne nous dit que cela va s’arrêter si nous ne nous levons pas pour dire que la peur ne triomphera pas. Mais c’est la peur qu’on veut nous inoculer. On créera une atmosphère de peur, on n’annulera tous les bulletins à vote secret à l’Assemblée nationale ; et on donnera à l’arbitraire une forme soi-disant légale.
C’est vers cela qu’on nous conduit. Et nous n’accepterons pas. Il faut que chacun de nous se le dise. Qu’on soit prêts à défendre ce que nous avons péniblement gagné au prix de très gros sacrifices, et que nous essayons de construire dans notre pays, un système qui fera du Bénin ce pays dont nous sommes fiers. Nous voyons tout ce qu’il y a là aujourd’hui, parce qu’on veut nous faire oublier des tas de choses. Il faut qu’on oublie qu’il y a eu ICC ; il faut qu’on oublie l’avion présidentiel, les machines agricoles, les turbines à gaz de Maria-Gléta, les sièges de l’Assemblée nationale. Il faut se taire.
Et on veut que vous ayez suffisamment peur pour vous taire. Et on vous dit : « Non, mais qu’est-ce qui ne va pas ? Tout va bien dans le pays. Certains disent même que leurs salaires ont été multipliés par trois, donc tout va très bien ». Voilà, chers amis, ce qu’au nom du bureau politique, je devais dire en introduction aux échanges que nous pouvons avoir.
Nous constatons que le président Nago, à très juste titre, n’a pas obéi à l’injonction illégale de la Cour constitutionnelle. Il n’a pas convoqué les députés le 31 décembre. Il nous aurait convoqués que probablement, nous ne serions pas allés. Maintenant, si le président Nago nous convoque et que nous sommes en session, nous irons.
Nous participerons à tout débats à la lumière de tout ce que je viens de vous dire. Car il y a eu une décision non fondée de la Cour constitutionnelle. Pour participer à un débat, il faudra voir de quelle manière le président de l’Assemblée nationale, le bureau de l’Assemblée nationale et la conférence des présidents mèneront les débats. Nous serons là, nous participerons. Dans quel sens ? Vous le saurez, puisque vous couvrirez toujours nos débats.
La Cour dit qu’elle est habileté à réguler le fonctionnement des institutions, et c’est ce qui lui permet, selon elle, de donner des ordres à d’autres institutions. Mais c’est dangereux ! L’Assemblée nationale est une institution, comme la Cour constitutionnelle. Si on admet que la Cour constitutionnelle peut donner des injonctions à d’autres institutions, mais pourquoi ne donnerait-elle pas aussi des injonctions au président de la République ? Non, c’est illégal.
C’est anticonstitutionnel. La Constitution dit qu’on ne doit pas obéir à un ordre illégal et contraire à la Constitution. Concernant la répression, jusque-là, le ministre de l’Intérieur n’a rien dit. Boni Yayi n’a rien dit aussi. On a gazé des gens, on a mitraillé des gens, et personne n’a rien dit. A mon avis, ce sont des crimes. Les syndicalistes sont même assez de manière douce, ils disent qu’Agossadou doit être relevé de ses fonctions. Voilà des agents chargés de la sécurité des Béninois qui sont devenus des éléments graves d’insécurité pour nous.
On ne peut pas approuver cela. Il faut que le gouvernement se décide à parler. On a fait couler le sang, le 27 décembre 2013. Est-ce que le gouvernement est embarrassé ? Pourquoi ne dit-il rien ? Approuve-t-il ce que ses agents ont fait ? C’est lui qui a donné l’ordre de le faire. S’il ne dit rien, cela veut alors dire qu’il est d’accord. Je crois que tous les Béninois sont contre cela, du nord au sud de l’est à l’ouest. Je suis sûr que les FCBE les plus patentés sont contre cela. Et j’en profite pour dire aux syndicalistes jaunes qui sont montés à gauche et à droite, que cela ne marche pas. Il faut que le gouvernement renonce à cela.
Je voudrais à mon tour remercier les journalistes d’avoir osé venir à une conférence de presse de l’Union fait la Nation, convoquée au Chant d’Oiseau. Vous vous rappelez certainement en 2012, où le chef de l’Etat a fait une émission à cœur ouvert, une émission au cours de laquelle il a voulu qu’on sache qui il est. Lorsqu’il a fini son émission et que nous avons voulu répondre, ici, cette salle-ci était remplie de femmes qui dansaient, qui parlaient à voix basse.
On a même pris quelqu’un qui avait un pistolet dans ses chaussettes. Il y a eu tout cela. Alors, vous comprenez pourquoi je vous félicite d’avoir osé venir ici ce jour. Chaque fois que nous donnons une conférence de presse, il y a des contre-conférences de presse qui suivent.
Probablement, demain, il y en aura. Il y en a qui se sont dénommés chiens de garde. Ce n’est pas moi qui les ai dénommés ainsi. Mais vous savez bien que le chien aboie quand le maître est menacé, ou lorsque le maître amène de la viande. Le chien aboie aussi quand il y a de la nourriture. Donc, il est possible qu’à la fin de notre rencontre, il y ait demain des conférences de presse pour répondre à ce que nous avons dit. Mais ce que nous aurions souhaité, c’est des débats contradictoires. S’il y a des personnes qui pensent que ce que nous avons dit n’est pas vrai, qu’elles nous invitent sur n’importe quel plateau de télévision ou de radio.
Nous allons débattre de façon contradictoire, et cela peut aider notre peuple à bien comprendre ce dont il s’agit. Le chef de l’Etat a dit que voter le budget de l’Etat à bulletin secret est une chose planétaire. Mais ce comportement planétaire répond à d’autres comportements planétaires. C’est parce qu’il ya eu ces genres de comportement dans notre pays que ceux qui réagissent, le font aussi de façon planétaire. Je n’ai pas souvenance, et je ne sais pas si dans les annales de droit, on trouve des curiosités du genre comme ce qui se trouve dans la décision de la Cour. Voilà une chose planétaire, et face à cela, on ne peut avoir des réactions de même niveau. C’est pour cela qu’il faut réfléchir à ces questions-là.
Ce que j’observe concernant la question de la corruption… Je pense que quand nous étions aux affaires, la corruption n’avait pas disparu dans notre pays. Je n’avais jamais pensé que lorsque j’étais au gouvernement, il n’y avait plus de corruption au Bénin. C’est faux, le gouvernement auquel j’ai appartenu a envoyé une soixantaine de magistrats en prison. Donc pendant que nous étions au gouvernement, il y avait de la corruption dans le pays. Cela n’a pas disparu dans tous les compartiments. Mais lorsque j’avais dit cela, le gouvernement, à l’époque, a transformé cela en disant : « Ah, ils avaient reconnu qu’ils étaient corrompus ».
Et de petits cerveaux ramollis ont cru à cela et le répètent. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. On a dit que le niveau général de la corruption dans le pays s’est aggravé. Mais ceux qui doutaient doivent maintenant comprendre, puisque je viens de vous dire que la corruption n’a pas disparu lorsque nous étions au gouvernement. Et c’est malgré ce niveau de corruption que les Américains avaient accordé la MCA. Donc si maintenant ils disent « On ne peut pas », cela veut dire que cela s’est aggravé, et je ne vois pas où est la discussion quand on dit que toute corruption est un prélèvement sur le revenu national. Les uns le faisaient avec des cuillères, d’autres sont passés à la louche et à des godets, des tracteurs que les Chinois utilisent sur le chantier de Godomey.
Alors, moi je vois que ce n’est pas nécessaire de revenir sur des évidences, mais parfois, il faut le faire pour des raisons de pédagogie. Maintenant, si quelqu’un plonge dans l’eau et trouve des caïmans en dessous, s’il ne savait pas qu’il y avait des caïmans au fond, c’est son problème. Le sujet principal ici, c’est le danger qui guette notre pays. C’est le coup de force de la Cour constitutionnelle. C’est la modification unilatérale de la Constitution de la République du Bénin par la Cour constitutionnelle. Cela est inadmissible et inacceptable. C’est de cela qu’il s’agit et on ne doit pas le banaliser.
C’est extrêmement grave ce qui a été écrit dans cette décision. Et j’espère bien que des gens accepteront un débat contradictoire avec nous pour que nous puissions comprendre leur logique à eux, quelle est leur explication sur ce que le président Idji vient de rappeler tout à l’heure. Peut-être que cela sera l’occasion inespérée pour nous d’accéder au plateau de l’ORTB. S’il y avait un débat contradictoire là-bas, même interdit, nous demanderons respectueusement qu’on nous permette d’y participer. Parce que la question qui est posée est une question grave. Je souhaite que les journalistes ici présents rapportent, commentent, expliquent ce qui se passe à la population béninoise pour que personne ne dise demain qu’il ne savait pas. Ceux qui créent la peur pour pouvoir alimenter une stratégie de peur, ceux qui, après avoir créé la peur, disent « maintenant que vous avez peur, levez la main ».
On a reproché à Krutchev qui était premier secrétaire du parti communiste de l’Union soviétique pendant la période de déstalinisation, pourquoi n’avait-il rien dit quand Staline faisait mal. Et il a répondu « qui est-ce qui vient de parler ? » et personne n’a levé la main. Il a alors dit : « c’est ainsi que ça se passait ». On veut semer la terreur pour faire taire les gens. Ceux qui veulent faire cela, je voudrais leur conseiller d’y renoncer.
Parce que le feu qu’ils veulent allumer engendrera des incendies sans survivant. Qu’ils s’assurent d’avoir une porte de sortie garantie lorsque le feu prendra. Mais ce qu’ils croient être la porte de sortie ne l’est peut-être pas, et qu’il y a des gens derrière pour refermer cela aussitôt. C’est pour cela que je pense que nous devons nous retrouver pour discuter et arrêter quelque chose. Si nous faisons cela, c’est bien. Regardez, en Tunisie, c’est les syndicalistes qui président le contenu politique. Et c’est eux qui arbitrent entre les forces politiques et disent ce qu’il faut faire, aujourd’hui en Tunisie. Mais nous, nous restons là à dire que les syndicalistes n’ont pas le droit de parler des choses politiques. Il y a des gens derrière eux.
J’ai déjà dit à l’un d’un de parler à ceux qui sont devant eux, au lieu de chercher ceux qui sont derrière, afin de résoudre les problèmes de ce pays. Voilà ce qui nous a amenés à cette conférence de presse, et je vous remercie de l’avoir animée avec nous, parce que comme je l’ai dit au début, ce n’était pas évident que vous soyez là.
Peut-être que certains se sont abstenus par peur de la présence de gens menaçants. Aujourd’hui, ça a été calme. C’est la preuve qu’il y a eu quelque petit progrès. Dans les jours à venir, soyons vigilants. Si nous prenons des dispositions qu’il faut, notre pays pourra progressivement retrouver son niveau d’antan, puisque nous n’avons pas réussi à remonter.