Des publications se font de plus en nombreuses dans la presse internationale comme locale et portent déjà en triomphe une compagnie de droit canadien, Zenith Energy, qui aurait soumis une offre aux autorités béninoises pour le redéveloppement du champ de Sèmè et du bloc 1. Et entre les lignes des articles, ladite société a déjà gagné l’offre avant même la fin du processus d’attribution du marché.
L’ampleur de la communication autour de ce dossier de redéveloppement de Sèmè, doit interpeler tout observateur averti. L’ardeur avec laquelle les articles de presse qui paraissent depuis plusieurs jours militent en faveur d’une seule compagnie alors qu’elles sont plusieurs à être intéressées par le champ pétrolifère de Sèmè suscite réflexions et analyses. Les sources proches du dossier que nous avons pu contacter, semblent être encore plus abasourdies par ce tapage médiatique, qui, à tout point de vue, vise à démontrer, sans forcément convaincre, que l’octroi du contrat de redéveloppement du bloc 1 à cette compagnie canadienne ne devrait plus être qu’une formalité. Ce qui ne serait alors rien d’autre qu’une tromperie pure et simple.
En réalité, le Gouvernement béninois a initié un appel d’offre en mars 2022. Les soumissions de plus d’une demi-douzaine de compagnies ont été reçues depuis fin avril 2022, délai de clôture des offres. Parmi celles-ci, des producteurs de renom tels que Panoro ou encore Savannah. En août 2022, les compagnies en tête ont été sollicitées à confirmer leurs offres. C’est dans l’imminence des résultats de ce processus qu’une compagnie de droit canadien, en l’occurrence Zenith Energy, surgit. Il est écrit dans des articles de presse que le champ de Sèmè pourrait encore produire 22 millions de barils en plus des 23 millions déjà extraits. Ce qui porterait le taux de récupération (volume du pétrole produit divisé par le volume de pétrole initial sous terre) à près de 44%. Il faut préciser à ce niveau qu’une telle performance est seulement réalisable par les meilleurs champs pétrolifères du monde, ce qui est loin d’être le cas des accumulations de Sèmè. Dans la même veine, lesdits articles ont aussi avancé que le champ de Sèmè pourrait produire encore 428 milliards de pied cube de gaz. Ces réserves restantes avancées paraissent aussi exagérées, selon des experts qui connaissent suffisamment Sèmè. En effet, depuis l’arrêt de sa production en décembre 1998, ce champ a connu son lot de promoteurs qui se sont succédés dans des promesses qu’ils n’ont jamais pu réaliser. La compagnie nigériane SAPETRO, dernier opérateur en date du champ de Sèmè et qui l’a rétrocédé à l’Etat béninois en 2016, n’avait, dans ses projections les plus optimistes, avancé que 12 à 15 millions de barils disponibles.
La campagne médiatique autour de la soumission d’une offre aux autorités du Bénin ainsi que les chiffres mirobolants de réserves restantes seraient-ils plutôt destinés à la consommation des investisseurs de la compagnie postulante ? Le Bénin serait-il en train d’être tiré contre sa volonté dans un scandale financier de manipulation des cours des actions d’une compagnie sur les marchés financiers internationaux ? Autant de questions légitimes que l’on est en droit de se poser.
Face à tout ceci, il serait souhaitable que les autorités béninoises regardent de près, aussi bien les études qui soutiennent les chiffres d’hydrocarbures restants à produire à Sèmè, que la crédibilité des offres reçues afin de faire la part des choses et ne pas mordre à l’appât de chiffres fantaisistes. Il reste aussi à espérer que le gouvernement du Président Patrice Talon maintiendra sa vigilance habituelle et mènera sa propre enquête dans ce dossier afin de se faire une idée de la réputation des différentes compagnies en lice à travers leurs dirigeants, expériences et parcours respectifs.