Me MiganL’ancien Bâtonnier du Barreau du Bénin et actuel Directeur du Centre international en Afrique de formation des avocats francophones (Cifaf) est l’un des hôtes privilégiés du Barreau de la Tunisie qui effectue sa rentrée solennelle ce 17 janvier 2014 ainsi que l’ouverture des conférences de fin de stage pour l’année judiciaires 2013-2014 qui ont lieu à l’hôtel Le Royal à Yasmine Hammamet en Tunisie. Une rentrée qui couplée avec l’ouverture d’un séminaire sur le thème « Regards croisés sur des problématiques pénales euro-tunisiennes ».
‘’La formation continue en Afrique’’, c’est autour de ce thème que le Bâtonnier Jacques A. Migan a entretenu les participants au séminaire euro-tunisien sur les problématiques pénales les 18 et 19 janvier 2014 à l’hôtel Le Royal à Yasmine Hammamet en Tunisie.
Une occasion pour le Directeur du Cifaf de décortiquer la problématique de la formation continue et initiale des avocats francophones en Afrique, notamment les activités du Centre international de formation en Afrique des avocats francophone. L’avocat béninois qu’on ne présente plus a saisi cette opportunité pour faire toucher du doigt aux participants, l’importance de la formation continue dans l’accomplissement d’une bonne carrière d’avocat.
Un défi que le Cifaf, rappelons-le, s’est donné de relever à travers l’organisation régulière des séminaires de formations continue à l’endroit des avocats en exercice et des formations initiales au profit des jeunes avocats. Ce qui a d’ailleurs valu à son actuel directeur, le privilège de prendre part aux travaux du séminaire qui s’est ouvert ce 17 janvier en Tunisie sur invitation de Mohamed Fadhel MAHFOUDH, Bâtonnier du Barreau de Tunisie.
Il faut noter que le séminaire a reçu le soutien du Projet d’appui à l’Institut Supérieur de la Profession d’Avocat financé par l’Union Européenne.
Lire l’intégralité de la communication du Bâtonnier Migan
COMMUNICATION DU DIRECTEUR DU CIFAF Monsieur le Bâtonnier Jacques A. MIGAN LORS DU SEMINAIRE EURO TUNISIEN
Mes chers Confrères, Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi tout d’abord de remercier sincèrement monsieur le Bâtonnier Ahmed Mohamed Fadhel MAHFOUDH non seulement pour son accueil chaleureux et confraternel mais aussi pour m’avoir offert l’opportunité de présenter le CIFAF et ses actions en faveur de la formation initiale et de la formation continue à l’intention de tous les avocats francophones d’Afrique.
Mon intervention portera sur le rôle que joue le CIFAF face au défi que représente la formation des avocats francophones d’Afrique.
Il y a encore 25-30 ans, les postulants à la profession d’avocat recevaient une formation purement empirique. Après avoir suivi des cours de droit à l’Université, ils se préparaient au métier d’avocat en suivant un stage pratique plus ou moins long chez un Avocat à la cour. A l’époque, le contexte juridique permettait de considérer cet apprentissage comme suffisant pour exercer la profession où le verbe et la rhétorique avaient grande place.
Sous l’impulsion du concept d’excellence, les années 80 ont vu profondément changer les conditions d’exercice de notre profession.
Et comme toujours, la réflexion s’est faite par les barreaux qui ont recherché à rendre performante et fiable, la prestation de l’avocat, les exigences de responsabilité, de compétence juridique, judiciaire et d’aptitude étant devenues impératives et plus aiguës.
L’accès à la profession d’avocat dans la plupart des pays d’Afrique est désormais réglementé par des textes de loi instituant des barreaux et complétés le cas échéant par un règlement intérieur. Le postulant à la profession doit remplir certaines conditions, notamment être titulaire d’une « maîtrise en droit »(BAC+4) et être détenteur du certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat (CAPA).
Paradoxalement, la formation pour l’obtention du CAPA préalable à l’admission au stage a été transformée en une formation purement théorique axée essentiellement sur des cours de droit processuel (procédures civile, pénale, voies d’exécution, arbitrage etc…)et sur un module sommaire sur la pratique professionnelle et la déontologie des avocats.
Après l’obtention du CAPA, l’admission au stage est prononcée par le conseil de l’Ordre dans les deux mois de la réception de la demande suite à une enquête diligentée par les soins du Conseil de l’Ordre qui peut conclure soit à l’acceptation soit au rejet du dossier du postulant.
La durée du stage est de deux années judiciaires. Ces conditions d’accès à la profession qui sont presque identiques d’un barreau ou d’un ordre à l’autre connaissent cependant une légère variation. Au Sénégal par exemple la durée du stage est de trois ans.
Pendant son stage, le jeune avocat est astreint à l’exécution de certaines tâches qui lui permettent plus ou moins de se lancer dans la vie professionnelle : rédaction d’assignation, rédaction des conclusions, préparation des notes de plaidoiries, recherche de la jurisprudence appropriée, discussion factuelle et juridique préalable à la défense des affaires.
Mais la formation du jeune stagiaire n’est pas toujours assurée conséquemment car elle est bien des fois laconique ou approximative.
Les cabinets se sont plus ou moins spécialisés face à la multiplication des différents aspects de droits.
Le stagiaire entre chez un pénaliste, chez un civiliste, chez un avocat d’affaires.
Dès lors, il reçoit une formation qui tend à se limiter à la spécialité du cabinet de son maître. Il ne peut alors tout savoir.
De plus, il est confronté à l’organisation du travail du barreau qui se traduit par la multiplication des audiences, la multiplication des petites affaires, la prolifération des expertises ….
Au lieu d’étudier les dossiers ou approfondir des questions de droit, il court d’un tribunal à l’autre.
Souvent, le maître de stage, lui-même débordé, ne dispose pas du temps nécessaire pour expliquer telle ou telle règle de droit ou approfondir une réflexion juridique dans une procédure en cours avec son stagiaire.
Les barreaux ont rapidement pris conscience que la formation du stagiaire présentait de nombreuses lacunes.
Aussi, pour remédier à cette situation, les barreaux des grandes villes dans les pays du nord comme la France ont mis en place des centres de formation professionnelle qui sont de véritables écoles de formation.
Il est évident que les barreaux africains astreints à cette tâche de service public qui est d’élever le niveau de juridicité des citoyens n’ont pas échappé à cette évolution.
Cette évolution s’est traduite par l’engagement du Centre pour que d’une part le CIFAF rime avec Compétence (I) et d’autre part pour que la compétence se partage (II).
I -POUR QUE LE CIFAF RIME AVEC COMPETENCE
Convaincus de la nécessité de mettre en place une Institution capable d’assurer une formation professionnelle complémentaire, Sept (7) Barreaux africains (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Sénégal, Togo) ont créé une ONG dénommée Centre International en Afrique de Formation des Avocats Francophones ou CIFAF.
Les statuts du CIFAF ont été adoptés le 14 mars 2000 à Bamako (Mali). Le CIFAF est doté de la personnalité morale et enregistré au BENIN sous le numéro 2003/0032/DEP/ATL./SG/SAG/Assoc. du 24 mars 2003.
Tous les barreaux francophones ont vocation pleine et entière à être membres du CIFAF. Tous ces barreaux doivent à ce titre s’acquitter d’une cotisation annuelle fixée par le Conseil d’Administration. L’ambition du CIFAF n’est pas de se substituer aux centres de formation nationaux mais de compléter et dans une certaine mesure de rendre pérenne la compétence de tous les avocats francophones. Le dénominateur commun de compétence a été aisément accepté par tous les barreaux fondateurs du CIFAF.
Comme tel, il s’est établi un travail harmonieux et constructif entre le CIFAF et les différents barreaux membres de droit et de fait sans qu’il n’existe aucune querelle de préséance ou d’intérêts personnels.
Conformément à ses statuts, le CIFAF assure à tous les avocats stagiaires de tous les barreaux d’inspiration et d’expression francophone une formation pratique, commune et gratuite à l’occasion de leur entrée dans la profession d’avocat. Il assure également aux avocats en exercice une formation continue et délivre le cas échéant des certificats de spécialisation.
A ce jour, le CIFAF a organisé tous les ans de 2000 à 2013 douze (12) sessions de formation initiale au profit de 613 avocats provenant de16 pays francophones.
La formation initiale qui est à la fois théorique et pratique se déroule au Bénin durant cinq (5) semaines en août et septembre de chaque année.
Elle donne aux avocats stagiaires les moyens nécessaires pour un exercice épanoui de leur profession. En termes clairs, la formation initiale permet d’asseoir la compétence des avocats nouvellement admis dans la corporation.
L’enjeu pendant les cinq (5) semaines de formation au CIFAF est de couvrir, le droit processuel (des principes directeurs du procès, aux procédures devant les juridictions communautaires et internationales sans oublier tous les recours devant les juridictions nationales).
De même, tous les aspects importants de la pratique professionnelle, de la déontologie, de la responsabilité civile de l’avocat font l’objet de discussions
Enfin, savoir plaider n’est pas quelque chose d’inné. C’est à la fois une technique et un art. Le CIFAF fait appel aux experts en communication ( professeurs d’université, journalistes) pour enseigner aux avocats stagiaires ce qu’il faut dire, ce qu’il ne faut pas dire, comment poser la voix, avoir la bonne gestuelle, susciter l’émotion au bon moment, pratiquer l’humour ….
Le CIFAF a également pour objectif d’assurer la formation continue des avocats.
En effet, au fur et à mesure que l’avocat mûrit, que son talent s’épanouit, que sa réputation croit, que son expérience professionnelle se renforce, ce dernier ne dispose plus du temps nécessaire pour se tenir au courant de l’évolution législative, doctrinale et jurisprudentielle. Il est fragilisé.
La formation continue s’impose donc pour lui permettre de renforcer sa pratique et ses aptitudes dans l’intérêt de la mission de service public dont il est chargé auprès des juridictions ainsi que dans la mission de conseil et d’assistance qu’il assume envers les opérateurs économiques, les États, les Institutions ou les particuliers.
Cela est d’autant plus évident que tout avocat aujourd’hui est pris dans le jeu de la mondialisation. Il doit être apte à répondre à toutes demandes émanant de sociétés sises dans son pays mais également en Europe, en Amérique du Nord ou en Asie de l’Est comme la Chine ou Singapour .
Il est donc impératif de renforcer notre compétence sur la scène internationale si nous ne voulons pas voir de grands cabinets des pays du nord se présenter dans nos pays respectifs comme des spécialistes du droit OHADA, du droit bancaire, de l’arbitrage, de l’environnement, des conflits territoriaux etc..
Ainsi donc, aucun barreau africain n’échappera désormais à l’organisation de sessions de formation continue pour ses avocats.
La formation continue s’analyse en un devoir exigible de tout avocat inscrit à un Ordre. Il s’astreint à ladite formation et est en droit d’attendre que le Bâtonnier et le Conseil de l’Ordre, à défaut d’en organiser, facilitent pour les membres du barreau, une ou des session (s) de formation continue.
II - POUR QUE LA COMPETENCE SE PARTAGE
Le CIFAF, conscient de cette exigence, a donc enfin mis en place des sessions de formation continue gratuites au profit de tous les avocats francophones en plus de la formation initiale.
La première session de formation continue s’est tenue à Kigali (Rwanda) en décembre 2012, la seconde à Niamey (Niger) en novembre 2013, la troisième à Abidjan (Côte d’Ivoire) en décembre 2013.
Ces trois premières sessions de formation continue ont pu s’organiser grâce au soutien constant de notre partenaire l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) qui accompagne le CIFAF dans son développement depuis 2000.
Une quatrième session est en cours de préparation et se tiendra du 25 au 28 février 2014 à Libreville au Gabon.
Cette quatrième session sera organisée en collaboration avec notre partenaire l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur les normes internationales du droit du travail et de la Sécurité Sociale.
D’ailleurs, participeront à cette session de formation à la demande expresse de l’OIT, les avocats de tous les barreaux francophones y compris ceux de la Tunisie, du Maroc et de l’Algérie.
Mais le CIFAF doit poursuivre son développement dans l’intérêt de tous les avocats francophones africains.
Voila pourquoi :
1-Le CIFAF a mis en place un cycle de formations en sessions trimestrielles avec des thèmes proposés par le Comité pédagogique et arrêtés par le Conseil d’Administration.
2 – Le CIFAF parraine des colloques initiés parles différents Barreaux membres pour étudier des questions qui leur sont particulières. Le CIFAF apporte, son assistance pour l’organisation, pour la prise en charge et la mise à disposition de formateurs qualifiés ou dont la compétence dans la matière est notoire et incontestée.
3 – Le CIFAF aide à l’obtention de stages pratiques. Il s’agit de recueillir directement ou à travers les Barreaux (sud-sud ou nord-sud) des offres de stage de un à trois mois à l’intention des Avocats pour parfaire leur spécialisation ou leur pratique professionnelle.
4 – Le CIFAF initie des conférences du centre de formation. La direction du CIFAF élabore un programme de manifestations ouvertes non seulement aux Avocats, mais également à tous les professionnels, personnels d’entreprises et aux fonctionnaires des administrations publiques des Etats.
Chers Confrères, nous avons à cœur de constituer un centre de culture juridique et d’échange intellectuel pour promouvoir le Droit francophone. Ce droit n’est pas le droit français mais le Droit que les compétences éparses de nos différents Etats mettent en commun. Pour y parvenir, votre contribution est attendue au sein de cette institution internationale unique au monde qu’il vous appartient de conduire et de maintenir dans l’excellence : ce sera le terreau et le gage d’un Etat de droit que ces travaux fructueux vont renforcer.