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Légalisation de l’avortement au Bénin: Loin des griefs contre l’Ivg, l’option d’une parenté responsable…

Publié le jeudi 17 novembre 2022  |  Matin libre
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© Autre presse par DR
Légalisation de l’avortement “Volontaire“ au Bénin: Les avis divergent, çà jase sur la toile
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La loi sur l’Interruption volontaire de grossesse (Ivg) a été adoptée par les députés le 21 octobre 2021 puis promulguée par le Chef de l’Etat le 20 décembre 2021. De l’Eglise catholique à la religion musulmane en passant par les gardiens de la tradition et dans l’opinion publique en général, cette loi légalisant l’avortement, malgré l’esprit du législateur de limiter les dégâts liés aux avortements clandestins, semble encore loin de faire l’unanimité. Et si l’Ivg, bien que légalisée, ne peut être une option faite de gaîté de cœur par la femme, tous devraient se mobiliser en faveur de la parenté responsable, la contraception, l’éducation sexuelle intégrée…



La légalisation de l’avortement au Bénin ne doit pas être perçue comme un acte de promotion de l’avortement mais plutôt comme une réponse aux dégâts liés aux avortements clandestins. Des chiffres officiels, il ressort qu’au Bénin, plus de 200 femmes décèdent en silence chaque année des suites d’avortements compliqués et non sécurisés soit environ 20% du taux de la mortalité maternelle, selon le ministre de la santé, Benjamin Hounkpatin. Des statistiques alarmantes qui interpellent. Que de jeunes filles ont péri suite à un avortement non sécurisé ou clandestin. Que de jeunes filles élèves, de peur de s’attirer la colère des parents parce qu’elles sont tombées enceintes, sont décédées en voulant interrompre clandestinement leur grossesse. Elles sont nombreuses, ces femmes qui, contre leur gré, se retrouvent avec une santé fragilisée par des maternités successives et des difficultés à prendre soin des progénitures. Et la liste n’est pas exhaustive.

Faut-il le préciser, les conséquences résultant des complications des avortements clandestins restent consternantes. Des pertes en vies humaines aux mutilations et autres séquelles à vie dont des perforations utérines, de gangrènes utérines, d’hémorragies foudroyantes, de nécroses vaginales et utérines du fait de pratiques d’auto-avortement à l’aide de tiges, d’aiguille à tricoter, elles paient cher pour se débarrasser d’une grossesse non désirée.

Des griefs contre l’Ivg : le gouvernement incompris…

L’annonce de la transmission de ladite loi au parlement a suscité un véritable tollé dans l’opinion au point où très peu de place était laissée à l’optimisme. Car faut-il le souligner, même le président de l’Assemblée nationale s’y était opposé, estimant que l’avortement étant la négation de la vie à un enfant, les députés n’ont pas à décider de la vie d’un individu.

Et le plus grand écho venait de l’Eglise catholique qui a marqué son opposition à l’adoption de la loi en disant “Non“ à ce qu’elle qualifie de “culture de la mort“ et d’acte inhumain. Cependant, la société civile, convaincue de la nécessité de disposer d’une telle loi pour sauver des vies, s’est heurtée à une vague de contestation dans l’opinion. Pour Dr Raphaël Totongnon, porte-parole du Collège des gynécologues-obstétriciens, l’avortement est la troisième cause de mortalité maternelle au Bénin après les hémorragies liées à l’accouchement et l’éclampsie.

Prévenir les grossesses non désirées : l’idéal

L’interruption volontaire de grossesse restera comme un ultime et dernier recours. Ce qu’ignore beaucoup notamment la plupart de ceux qui continuent de désapprouver l’adoption de ladite loi. Et si les griefs restent autant préoccupants, il est pourtant possible de ne pas recourir à l’Ivg. Et l’alternative reste la prévention des grossesses non désirées.

“La question de l’avortement, c’est très délicat…Je peux parler de la planification familiale mais pas la question de l’avortement“, cette réaction de l’Imam Inoussa Izi Chérif montre combien la légalisation de l’avortement est loin de faire l’unanimité. Et ce dernier, membre de la Plateforme “ Les religieux s’engagent pour la PF“, reconnait la nécessité de militer en faveur de l’adoption des méthodes contraceptives par les femmes. Une option sûre et fiable d’être bien à l’abri des grossesses non désirées et de ne pas se voir contraintes de recourir à l’Ivg.

S’opposant à la légalisation de l’avortement, l’Eglise catholique avait estimé qu’il y a “des alternatives honnêtes et fiables pour remédier aux maux que l’on entend solutionner par la légalisation de l’avortement“. Et l’alternative qui puisse empêcher de recourir à l’avortement, bien que légalisé et autorisé, reste un moyen d’éviter des grossesses non désirées. D’où la nécessité pour l’Eglise catholique et les autres confessions religieuses de sensibiliser et d’agir en faveur de l’adoption des méthodes contraceptives, gage d’une parenté responsable.

Pour Yacoubou Gougbé, fidèle musulman et maitre coranique, l’Islam ne rejette pas la planification familiale étant donné qu’un verset coranique recommande à ce qu’on allaite le bébé jusqu’à deux ans avant de tomber à nouveau enceinte. Cependant, l’avortement est strictement interdit en Islam, a-t-il poursuivi. Et à Mohamed Adebinkpè, fidèle musulman, d’estimer qu’il est raisonnable d’orienter les femmes et filles vers les méthodes contraceptives que de les voir contraintes de “commettre un crime, car avorter en islam est un crime“.

Les griefs contre la légalisation de l’avortement se révèlent être une occasion d’amener davantage les populations à prendre conscience de l’importance de la planification familiale, selon le Pasteur Amos Agbindo-Bankolé de l’Eglise protestante méthodiste du Bénin (Epmb). Il a, d’ailleurs, insister sur l’éducation à la base, la conscientisation, le dialogue.

A en croire le Directeur exécutif du Centre de réflexions et d’actions pour le développement intégré et la solidarité (Ceradis-Ong), Nourou Adjibadé, la légalisation de l’avortement reste une mesure forte qui pourrait bien booster indirectement la prévalence contraceptive. L’avortement étant perçu comme ultime et dernier recours, il est clair que l’idée est d’amener les cibles à se prémunir d’une grossesse non désirée tout en leur offrant la possibilité de se faire avorter au cas échéant. Il semble donc évident qu’avec les méthodes contraceptives, il est inutile de recourir à l’avortement bien qu’il soit sécurisé, a-t-il déclaré,.

Faut-il le souligner, les résistances religieuses, culturelles et politiques augmentent de façon dramatique la prévalence des avortements clandestins avec leur lot de conséquences. Alors que ces oppositions renforcent dangereusement la stigmatisation de l’avortement sécurisé, la contraception reste l’alternative pour se retrouver à l’abri.

Encore que désormais, des actions mises en œuvre visent une implication des hommes dans le recours aux méthodes contraceptives pour une parenté responsable. Les couples ainsi que les adolescentes et jeunes devront donc se faire une autre perception de la planification familiale, adopter les méthodes contraceptives au risque de battre des records en ce qui concerne les avortements. “Lorsqu’on parle de l’avortement, tout le monde reste sceptique mais on ne se demande pas quelle est la responsabilité de chacun pour qu’on en arrive pas là. C’est là où beaucoup devraient comprendre la nécessité d’œuvrer en faveur de l’adoption des méthodes contraceptives“, clarifie Urbain Ahouangbasso de la Coalition des jeunes pour l’avortement sécurisé (Cojas-Bénin).

Et d’ailleurs, ladite loi précise bien que l’Ivg ne peut se substituer à la contraception. Qu’elle soit moderne ou naturelle, elle demeure une méthode sûre et efficace pour éviter les grossesses non désirées ou espacer les naissances. “Lorsqu’une femme recourt à l’avortement, ce n’est pas vraiment de gaité de cœur“, a-t-il poursuivi pour montrer combien il importe pour les cibles de ne pas se retrouver à devoir recourir à l’avortement.

Une logique à laquelle adhère d’ailleurs Louis Vlavonou lorsqu’il affirme qu’il faut “penser à d’autres moyens par lesquels elle (la femme) peut valablement réguler ses naissances sans pour autant attenter à la vie du tout petit et à sa propre vie“. Et pour Urbain Ahouangbasso, le besoin d’avortement sécurisé se justifie par la faible adhésion à la contraception.

Si la communication autour de la PF a été repensée à plusieurs reprises dans l’optique d’obtenir une adhésion massive des populations, le défi reste à relever. Et cela semble plus important avec l’adoption de la loi sur l’Interruption volontaire de la grossesse. Selon Nourou Adjibadé, directeur exécutif de Ceradis-Ong, il faudra trouver les messages appropriés pour montrer à l’opinion que la loi ne fait pas la promotion de l’avortement et qu’il doit être perçu comme dernier recours. Ce qui implique la nécessité de recourir à la contraception pour ne pas recourir à l’avortement. “La société civile a plaidé pour un plan national de communication sur l’avortement sécurisé. Ce plan doit permettre de savoir quels types de messages élaborés en direction des communautés pour leur parler de l’avortement médical sécurisé“ a déclaré Nourou Adjibadé.

Des décrets d’application et l’urgence d’agir…

Bientôt un an que la loi sur l’Ivg a été adoptée mais elle n’est toujours pas effective du fait de l’absence des décrets d’application. “L’absence de décrets d’application malgré l’adoption et la promulgation de la loi a mis tout le monde sous veilleuse par rapport aux avantages en matière de santé de reproduction… c’est une question d’urgence “, déplore Urbain Ahouangbasso de la Cojas-Bénin.

Une préoccupation au cœur de la Déclaration de l’Ong “Filles en action“ à l’occasion de la Journée mondiale de l’avortement. “ Depuis la promulgation de cette loi modificative, il n’existe pourtant pas encore de décrets d’application la rendant ainsi muette. Pourquoi tant de lenteur ? L’existence de cette loi non applicable de facto, n’arrête pas les avortements clandestins ni leurs conséquences dramatiques avec les décès qui lui sont associés au quotidien“, déplore l’organisation.

Aziz BADAROU
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