Saisie d’une requête en date à Cotonou du 13 novembre 2022, enregistrée à son secrétariat le 15 novembre 2022, par laquelle le parti politique Les Démocrates agissant aux diligences de son président, Eric Houndété, forme un recours contre la Direction générale des Impôts pour violation du code électoral et de la Constitution.
Exposé du requérant
Le requérant expose que dans le cadre de la constitution du dossier de candidature du parti politique Les Démocrates aux élections législatives du 8 janvier 2023, plusieurs militants du parti ont formulé à partir du 30 septembre 2022, date d’opérationnalisation de la plateforme conçue à cet effet, des demandes de quitus fiscal auprès de la Direction générale des Impôts, pièce constitutive des dossiers de candidatures, qu’il indique que plus de 25 jours après, les demandes de certains requérants n’ont reçu aucune réponse de la Dgi que d’autres après avoir satisfait aux observations faites par la Dgi n’ont pas obtenu dans les 72 h comme le prévoit la loi, la délivrance du quitus fiscal, que d’autres encore, après avoir satisfait aux observations de la Dgi, ont reçu plutôt que le quitus fiscal, d’autres observations complémentaires.
Considérant qu’il soutient que la non satisfaction à la date du 3 novembre 2022, lendemain de la date de clôture du dépôt des candidatures à la Cena, à 17 demandes de quitus fiscal formulées par les militants du parti Les Démocrates, est contraire aux dispositions de l’article 42 du code électoral aux termes desquelles, le directeur général des Impôts est tenu de délivrer le quitus fiscal à tout candidat à jour du paiement de ses impôts, dans les quinze jours qui suivent la réception de la demande. Le refus de délivrance du quitus fiscal est motivé et comporte l’indication en une seule fois du détail des impôts non payés, et a créé un énorme préjudice au parti qui n’a pu par ce fait déposer à bonne date à la Commission électorale nationale autonome un dossier complet de candidature. Qu’il en déduit la violation des articles 34 et 35 de la Constitution qui disposent respectivement, tout citoyen béninois civil ou militaire a le devoir sacré de respecter en toute circonstance la Constitution et l’ordre constitutionnel établi ainsi que les lois et règlements de la République. Les citoyens chargés d’une fonction publique ou élus à une fonction politique ont le devoir de l’accomplir avec conscience, compétence et probité, dévouement et loyauté dans l’intérêt et le respect du bien commun, et demande à la Cour d’une part de constater la violation des articles 42 du code électoral, 34 et 35 de la Constitution, d’autre part et en tirant conséquence de cette violation d’autoriser le parti Les Démocrates à reconstituer auprès de la Cena son dossier de candidature.
Réplique de la Cena
Considérant qu’en réplique, la Cena observe que le 9 novembre 2022 après examen du dossier de la déclaration de candidature du parti politique Les Démocrates, le Conseil électoral de la Cena, après en avoir délibéré a relevé des insuffisances qui ont été notifiées le même jour au président du parti, que ces insuffisances se présentent comme suit, 17 quitus fiscaux manquants, 3 certificats de nationalité manquantes, un certificat de résidence non conforme, deux déclarations sur l’honneur, l’une manquante, l’autre non conforme, sept procurations dûment certifiées dont trois manquants et deux non conformes, deux casiers judiciaires non conformes.
Qu’après la notification de ces insuffisances, les mandataires du parti politique Les Démocrates ont apporté les pièces complémentaires pour finaliser leurs dossiers et remis une nouvelle liste en remplacement de celle déposée le 2 novembre 2022, que la Cena soutient qu’après analyse des pièces complémentaires, il en est ressorti que le parti politique Les Démocrates a satisfait aux insuffisances précédemment notifiées et que quatre candidats n’ont toujours pas fourni de quitus fiscal, ce qui rend le dossier dudit parti incomplet. Que s’agissant des quatre quitus fiscaux manquants, la Cena sur le fondement qu’elle n’est pas partie prenante au fonctionnement de la plateforme, à l’édition des observations en matière fiscale, à la délivrance des quitus fiscaux, à l’arbitrage de l’observance ou des délais à la charge de la Direction générale des Impôts, se réserve d’opiner sur la violation supposée par la Dgi des dispositions du code électoral. Qu’elle soutient enfin que n’étant qu’un organe administratif chargé de l’application des textes, l’article 41 du code électoral ne l’autorise pas à admettre un quelconque remembrement ou reconstitution de liste de candidats.
Réaction de la Dgi
Considérant que de son côté, la Direction générale des Impôts (Dgi) affirme que la décision N° 2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral dispose en son article 41 que la déclaration de candidatures aux élections législatives doit être accompagnée de quitus fiscal des trois dernières années précédant la date de dépôt de candidatures, qu’elle ajoute que dans le cadre du processus électoral en cours, et en vertu de ses prérogatives, elle a par communiqué en date du 30 septembre, invité les candidats à soumettre individuellement leur demande de quitus fiscal tout en indiquant les impôts dont ils devraient être à jour au 31 décembre 2021. Qu’elle précise qu’un total de 4302 demandes ont été reçues dont 3673 en ligne et 729 sur support physique et que l’examen des dossiers ayant relevé que certains demandeurs n’ont pas apuré leur situation fiscale débitrice, des relances leur ont été adressées, que par suite, les candidats qui ont régularisé leur situation se sont vus délivrer le quitus tandis que ceux qui n’ont pas satisfait à l’obligation de payer les impôts dus n’ont pas pu l’avoir. Et développe que s’agissant des allégations du parti politique Les Démocrates, selon lesquelles ses militants, contrairement à d’autres, n’ont pu avoir accès à la plateforme pour la demande en ligne du quitus fiscal ne sont pas fondées, qu’elle conclut qu’il n’y a donc pas eu de traitement discriminatoire en ce qui concerne l’accès à la plateforme de demande de quitus fiscal.
Considérant que la Direction générale des Impôts précise qu’elle a reçu au total 4302 demandes dont 3237 ont été traitées dans les délais de 15 jours et les quitus délivrés, et que 854 quitus ont été délivrés après le délai de 15 jours, qu’en outre 3788 appels ont été faits soit pour faire des observations, soit pour demander des pièces complémentaires, que le traitement des demandes a été aussi rendu difficile du fait de certains requérants qui ont fait à la fois des demandes en ligne et physiques, que la Direction générale des Impôts soutient par ailleurs que les allégations du parti Les Démocrates selon lesquelles certains militants ayant satisfait à toutes les observations faites n’ont pu entrer en possession de leur quitus ne sont pas fondées. Au total 95,09 % des demandes de quitus ont été satisfaites et que celles qui ne l’ont pas été sont celles de candidats n’ayant pas apuré leur situation fiscale et quelques curieux qui ont fait des demandes pour tester la plateforme. Qu’en conséquence, elle demande à la Cour de déclarer mal fondé le recours du parti Les Démocrates.
Décision
Il apparaît qu’en vue de la constitution du dossier de candidature du parti Les Démocrates pour les élections législatives du 8 janvier 2023, plusieurs militants de ce parti ont formulé, le 30 septembre 2022 auprès de la Direction générale des Impôts des demandes de quitus fiscal, pièce constitutive du dossier de candidature. Qu’aux termes de l’article 42 du code électoral, le directeur général des Impôts est tenu de délivrer le quitus fiscal à tout candidat à jour au paiement de ses impôts dans les 15 jours qui suivent la réception de la demande. Le refus de délivrance du quitus fiscal est motivé et comporte l’indication en une seule fois du détail des impôts non payés. Au cas où le requérant effectue le paiement exigé, le quitus lui est délivré dans les 72 h suivant la date du paiement. Que pour des raisons indépendantes de sa volonté notamment l’encombrement auquel elle a dû faire face compte tenu du nombre élevé de demandes du quitus fiscal et qui l’ont obligé à non seulement mettre à la disposition des demandeurs une plateforme de demande en ligne tout en laissant la faculté de faire des demandes physiques mais également a recruté de manière ponctuelle des agents d’appui, a effectué des heures supplémentaires, et ouvert ses portes pendant les jours non ouvrés, les samedis 8, 15, 22 et 29 octobre, puis le mardi 1er novembre, la Dgi n’a pu donner de réponse à toutes les demandes de quitus fiscal introduites devant elle dans les délais de 15 jours prévus par la loi. Le dispositif mis en place n’ayant permis de traiter toutes les demandes reçues dans les délais légaux.
Qu’il en a résulté que des demandes introduites par les militants du parti Les Démocrates n’ont pu être traitées avant l’ouverture de la réception des dossiers de candidatures à la Cena, que le défaut d’information sur la situation fiscale de ces candidats avant la date de clôture de la réception des dossiers de candidatures à la Cena n’a pas permis au parti de constituer efficacement sa liste, étant donné que celui-ci aurait pu en toute connaissance de cause, choisir soit de remplacer sur sa liste les personnes qui ne seraient pas à jour vis-à-vis du fisc, condition essentielle pour la délivrance du quitus fiscal, soit de procéder au paiement des montants exigés par l’administration fiscale en vue de l’obtention dans les 72 heures du quitus sollicité conformément à l’article 42 al 2 du code électoral. Que par suite après l’étude du dossier de candidature par la Cena et l’appel des partis politiques à corriger les insuffisances relevées dans leurs dossiers respectifs conformément aux dispositions de l’article 45 al 5 du code électoral, il s’est révélé qu’à la date fixée pour le dépôt des pièces complémentaires nécessaires à la validité des dossiers, le parti Les Démocrates n’a pu fournir de quitus fiscal pour quatre candidats inscrits sur sa liste, mais a introduit une nouvelle liste tenant compte des quitus fiscaux effectivement délivrés à cette date.
Considérant les difficultés auxquelles a dû faire face la Dgi, telles que soulignées par elle-même et en vertu d’une part de l’adage suivant lequel la prescription ne court pas contre qui n’a pas pu agir, et d’autre part du rôle de régulation de la Cour constitutionnelle, il convient de juger que doit être prise en compte dans le cadre de l’organisation des élections législatives du 8 janvier 2023, la liste déposée par le mandataire du parti Les Démocrates le mardi 15 novembre 2022.
En conséquence, ordonne à la Cena de prendre en considération la liste déposée par le mandataire du parti Les Démocrates le 15 novembre 2022.