Florent Couao-Zotti, Conseiller technique à la Culture du ministre du tourisme, de la culture et des arts (Mtca) se prononce sur la pertinence du thème choisi pour ce salon national du livre
Ce thème a été choisi car, on veut donner la parole aux femmes, puisque pendant longtemps, l’espace littéraire a été investi par les hommes. Quand les femmes ont commencé _à produire les textes de littérature, tout l’univers masculin a senti qu’il y avait une singularité à noter dans la manière d’approcher les problèmes, de voir la réalité… Cette impression s’est peu à peu fortifiée avec les différentes dynamiques qui s’observent à l’intérieur de cette littérature. Les femmes ont donc compris que parler de soi-même est beaucoup plus important que d’entendre les gens parler de vous. On dit très souvent que selon que vous êtes chasseur ou gibier, l’histoire racontée sera teintée de votre propre sensibilité et ne va jamais recouvrir la totalité de la réalité. On veut donc entendre parler des femmes africaines, de leurs problèmes, de leur intimité, de leur corps, de la manière dont elles perçoivent la réalité qu’on leur a souvent imposée parce que très souvent, on parle à leur place. C’est comme l’être humain qui parle à la place des animaux… Quand on n’est pas dans la peau de femme, on ne peut pas exprimer exactement leurs réalités. Du fait qu’elles parlent de leurs problèmes, cela permet d’équilibrer les choses, car il y a une sensibilité qui est spécifique aux femmes. C’est cette réalité qui équilibre les rapports entre homme et femme. On a donc invité les femmes pour les entendre afin de savoir comment elles arrivent à articuler leurs préoccupations au niveau de l’écriture. Ce n’est pas parce qu’elles sont femmes qu’elles ne peuvent pas parler d’autres sujets qui ne sont pas forcément liés à leur statut de femme. Certes, la première des choses qu’elles font, c’est de parler d’elles-mêmes, mais elles parlent aussi de toutes les choses liées à leur environnement… Donc, c’est ce son de cloche que nous avons voulu entendre de la part des femmes et c’est pour cela que ce thème a été choisi et les panels ont été animés par des femmes.
D’une façon générale, lorsqu’on voit la production bibliographique féminine, on se rend compte qu’elle ne date pas de maintenant. La première auteure béninoise, c’est Colette Houéto qui a écrit un recueil de poèmes. Il y a eu aussi la première romancière qui est Gisèle Hountondji, puis un certain nombre de femmes ont suivi en écrivant des textes entre le roman, les contes et la nouvelle… Elles sont nombreuses à investir l’espace littéraire avec des textes de littérature en faisant en sorte que leur voix soit forte.
Certaines œuvres de ces romancières ou auteures sont déjà dans le programme scolaire. Mais il ne faut pas faire du fétichisme autour des œuvres qui sont inscrites au programme scolaire. Avant qu’elles ne soient inscrites au programme scolaire, ces œuvres existaient. Et aucun écrivain n’écrit pour le programme scolaire. C’est parce que ces livres répondent à un certain type de production littéraire que les pédagogues estiment qu’il faut les inscrire au programme. La circulation d’une production littéraire, ce n’est pas forcément dans les instances académiques. Un texte littéraire, c’est d’abord et avant tout, un texte qui vit et qui suit les circuits traditionnels de la diffusion. Il est envoyé chez les libraires, les bibliothécaires. Ces œuvres sont achetées, elles sont lues, elles sont objets de commentaires. C’est cela qui permet aux lecteurs de s’en approprier pour en un outil de développement.