Bien que chaque Etat membre se batte pour sortir de la crise énergétique, les pays de la CEDEAO restent convaincus que la vraie solution est régionale. Décryptage !
Par Gnona AFANGBEDJI
Il a manqué du jus pour que le Bénin rate cet investissement d’une centaine de milliards de francs CFA. Le groupe Ayka Textile and Investment a été démarché par le président de la République du Bénin, Boni Yayi, aux fins d’installer à Cotonou, un complexe textile intégré.
Le pari avait séduit l’entreprise dont le patron, Yusuf Aydeniz en personne, est descendu en février 2013 sur place pour une reconnaissance de terrain. Mais le magnat turc a du rebrousser chemin pour une raison évidente : l’offre énergétique du Bénin n’est pas suffisante et compétitive pour lui garantir la rentabilité escomptée.
Tout comme le Bénin, beaucoup de pays ouest-africains voient souvent leur échapper des opportunités d’investissements directs étrangers, en raison des problèmes énergétiques auxquels ils sont confrontés. La situation de la sous-région est assez préoccupante et se traduit par la fréquence des délestages.
Les causes techniques de la crise ont pour nom : insuffisance des capacités installées, obsolescence et non fiabilité des centrales, conjuguées à des facteurs financiers comme la mauvaise gestion des sociétés de distribution et la perte d’énergie par fraude ou trafic de comptage.
Même des pays comme la Côte d’ivoire, le Ghana ou encore le Sénégal souffrent d’un déficit structurel qui plombent les économies de la région. Aujourd’hui, la consommation de la Côte d’ivoire est estimée à environ 4620 Mw contre une puissance installée de 1400 Mw. Véritable pourvoyeur d’énergie pour de nombreux pays de la région, le Ghana se retrouve confronté aujourd’hui à une demande intérieure d’environ 2100 Mw contre une puissance installée de 1800 Mw. Le déficit énergétique du Sénégal dont l’essentiel de la production provient des sources thermiques est estimé à 2000 Mw.
Mutualiser les efforts
Conscient que les vraies réponses à la situation énergétique criarde ne peuvent venir que des solutions régionales, les pays de la région s’emploient, depuis quelques années, à mutualiser leurs efforts à travers des projets d’interconnexion énergétiques.
Le West African Power Pool (WAPP) ou le Système d'Echanges d'Energie Electrique de l'Afrique de l'Ouest (EEEAO) constitue aujourd’hui le cadre de concertation par excellence des pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour faire gagner le pari de l’électricité.
Sa mission, c’est d’intégrer les réseaux électriques de 14 pays membres, à l’exception du Cap Vert et de gérer le marché unifié régional ainsi créé. Il s’agira, à terme de créer un marché régional de l’électricité de près de 300 millions de personnes, de manière à attirer plus d’investissement dans le secteur, tant au niveau des installations de production et de transport qu’au niveau du développement du réseau dans chaque pays. Pour relever le challenge, le système s’appuie sur le potentiel dont regorge la région en matière de production énergétique.
Les sites hydroélectriques, le charbon et le pétrole constituent des ressources locales favorables à une production d’électricité en grande quantité. Le plan d’urgence d’approvisionnement en électricité conçu par l’EEEOA prévoit, par exemple, la mise en place des centrales électriques thermiques de grandes capacités, dont 400 Mw à Maria Gléta au Bénin, 400 Mw à Aboadze au Ghana et 150 MW dans la zone de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS). Mais les ressources nécessaires pour concrétiser ces projets ne sont pas toujours au rendez-vous.
Vivement le gazoduc !
La volonté d’intégration énergétique explique d’ailleurs la mise en place du projet du gazoduc ouest-africain. Ce projet vise à acheminer du gaz naturel du site de production d’Olagbado au Nigeria vers le Bénin, le Togo et le Ghana.
A son origine, se trouve le constat d’un immense gaspillage qui consiste à brûler dans les torchères du Nigeria 19 milliards de m3 de gaz par an, soit l’équivalent d’un quart de la consommation électrique africaine.
Les 3,8 millions de m3 prévus pour être livrés quotidiennement devraient se répartir entre le Ghana, qui a commandé 3,5 millions de m3 par jour, et la Communauté électrique du Bénin, chargée de la production et de la distribution de l’électricité au Togo et au Bénin.
Mais les centrales installées pour accueillir le gaz ont mis du temps pour opérer à cause de l’arrêt de la production nigériane pour raison de sécurité.
Lors d’une réunion en mai 2013 à Yamoussokro en Côte d’Ivoire, les ministres de l’Energie de la CEDEAO ont adopté un programme d’urgence d’alimentation électrique au profit des Etats membres. Ils ont surtout demandé à la Commission de la CEDEAO de «poursuivre les efforts d’extension et d’amélioration de l’efficacité des projets d’interconnexion à l’ensemble des pays de la région, y compris le projet du gazoduc et aussi de faciliter la coordination du processus d’élaboration de projets prioritaires».
Mais il est grand temps de passer des grands discours aux actions concrètes d’intégration énergétique...