La nouvelle loi modificative et complétive interdisant l’exercice du droit de grève dans certains secteurs d’activité au Bénin est entrée en vigueur. La restriction s’étend désormais aux agents de certains organismes internationaux installés au Bénin.
Plus de grève dans les secteurs des hydro-carbures, ferroviaire et fluvial, de l’eau, de l’énergie et des transports aérien et maritime au Bénin. La loi 2022-21 modificative et complétive interdisant l’exercice du droit de grève s’élargit désormais à ces six secteurs. Cette loi est entrée en vigueur, mercredi 19 octobre dernier. Les agents des six secteurs rejoignent ainsi les personnels des secteurs visés par la loi modificative et complétive du 5 octobre 2018, à savoir: les personnels militaires et paramilitaires et ceux des services de santé.
« Cette modification de la loi (d’octobre 2018) est sollicitée en raison du contexte sécuritaire de plus en plus exigeant où la défense du territoire national et l’exercice des fonctions régaliennes de l’Etat commandent que certains secteurs d’activités soient en permanence mobilisés », a expliqué le Conseil des ministres du 28 septembre 2022.
Pour les autres secteurs un autre sort leur a été réservé. L’article 14 nouveau de la loi stipule que « les personnels de la fonction publique et les agents des établissements publics, semi-publics ou privés à caractère essentiel à qui la loi n’a pas interdit l’exercice du droit de grève et dont la cessation totale de travail porterait de graves préjudices à la paix, la sécurité, la justice, la santé de la population ou aux finances publiques de l’Etat, sont tenus d’assurer un service minimum en cas de grève ». Cette disposition cible précisément les magistrats, les agents des services judiciaires et pénitentiaires et les agents de l’Etat en service dans les juridictions, les régies financières de l’Etat et les télécommunications, à l’exception des radios et télévisions privées.
L’autre prescription inédite de la loi est que l’interdiction a été élargie aux agents des entités et organismes internationaux installés au Bénin. « Les dispositions de l’alinéa 2 du présent article sont également applicables aux agents des entités ou organismes nationaux ou internationaux opérant sur le territoire national et dont les activités concourent à la réalisation des missions des personnels et agents ci-dessus visés, nonobstant les stipulations des conventions d’établissement », stipule l’alinéa 3 de l’article 2. Le dernier alinéa se veut aussi avant-gardiste. Il proscrit « la grève de solidarité ». Mais ce n’est pas tout.
L’article 11 nouveau de la loi prévoit des sanctions plus sévères comme la privation de liberté pour les auteurs de violation de la loi. « Toute grève qui ne respecte pas les dispositions de la présente loi est illégale et ses auteurs sont passibles de révocation ou de licenciement de plein droit, sans préjudice des sanctions pénales. La violation de l’interdiction de grève est punie d’une amende de 1 à 5 millions F Cfa et d’une peine d’emprisonnement de 3 mois à 2 ans », lit-on.
Réactions
Désormais donc, l’interdiction du droit de grève au Bénin concerne les agents des organisations internationales spécialisées dans les secteurs ciblés par la loi. Le syndicat local de l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (Ascena) est l’un de ces organismes internationaux ciblés par cette loi. Vendredi 23 septembre dernier, une grève déclenchée par l’Union syndicale des agents de cette organisation a paralysé le ciel béninois et africain, voire international pendant quelques heures avant qu’un compromis ne soit trouvé entre les grévistes et la direction de l’Agence.
Mais au regard de la nouvelle législation, les agents en poste au Bénin pour le compte de l’Asecna ne pourront ni observer une grève de solidarité en soutien à leurs camarades des autres pays africains, ni initier un mouvement de débrayage. Antoine Mindé, secrétaire général de l’Asecna Bénin, en convient : « Il est vrai, l’Etat peut utiliser les moyens qu’il juge appropriés pour préserver la sécurité et autres, tels qu’énumérés dans les articles. Donc, c’est compréhensible ! Nous sommes aussi des citoyens et nous ne pouvons pas dire que c’est mauvais », a-t-il reconnu. Toutefois, Antoine Mindé se pose des questions sur les « sanctions» et le fait que la loi cible les « entités et organismes internationaux » installés au Bénin. « Si ce n’est pas possible, on n’allait pas le faire… Moi, j’ai un problème politique que j’ai réglé… Le gouvernement a dit que ce n’est pas bon, j’ai lu l’exposé des motifs, j’ai vu que c’est dans l’ordre de mes attributions, que c’est constitutionnel et que je peux le faire… », a répondu le député Orden Alladatin, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, joint par téléphone. Mais « …il est arrivé qu’on ait fait des choses et l’international a réagi et on a ajusté… », a-t-il ajouté. L’Organisation internationale du travail a en effet émis un avis sur la loi d’octobre 2018.