Né en 1913, mort le 17 avril 2008 à 95ans, Aimé Césaire aurait eu 100ans cette année. Dans le monde entier ce centenaire a été célébré avec éclat à travers les hommages rendus à l’homme, à son action politique, à son œuvre littéraire et à son combat idéologique contre le racisme, pour la défense des droits humains et l’égale dignité de toutes les cultures.
Au Bénin, ce centenaire semble avoir rencontré une sorte d’indifférence, une forme d’apathie à première vue incompréhensible.
Et pourtant…. Et pourtant, sous cette apparence, des hommes politiques, des intellectuels, des écrivains, des artistes et des essayistes béninois ont payé leur dette personnelle et le tribut de la nation à Aimé Césaire.
En cette année de son centenaire, il faut, tout d’abord, noter qu’Aimé Césaire est l’un des rares écrivains négro-africains qui aient réellement marqué nos hommes politiques. Quelques exemples suffisent à le démontrer.
Nicéphore Dieudonné Soglo nous révèle qu’« Aimé Césaire fait partie des penseurs qui ont nourri sa passion des peuples noirs. Sa conscience aigüe de son identité nègre, son extraordinaire don d’inventeur d’âmes, de créateur d’utopies positives, son ardeur volontariste, optimiste, ont été pour moi d’un prix inestimable dans mon parcours d’homme. Aimé Césaire m’a honoré de son amitié et de son affection en m’offrant périodiquement certains de ses ouvrages accompagnés de dédicaces concises, saisissantes et inoubliables.
Lorsque, à la faveur de la Conférence Nationale des Forces Vives qui s’était tenue au Bénin en 1990, j’avais été appelé à assumer des responsabilités à la tête de l’Etat, c’était lui que j’avais choisi comme guide pour élever mes actions à la hauteur du principal défi auquel les peuples noirs sont confrontés dans le contexte de la mondialisation : « reprendre l’initiative historique ». Je lui suis profondément reconnaissant de m’avoir permis de toujours porter le regard au-delà du quotidien. C’est le sens de l’organisation, en 1993, de « Ouidah 92, Premier Festival Mondial des Arts et Cultures Vodun, Retrouvailles Afrique-Amériques » pendant lequel la Route de l’Esclave, le Mémorial de Zoungbodji et la Porte du Non-Retour avaient été inaugurés dans la ville de Ouidah, au Bénin.
Mon bonheur est d’avoir fait redécouvrir cet humaniste nègre aux jeunes de notre pays, car je reste convaincu qu’ils pourront tirer le meilleur de son œuvre, de sa foi, de sa flamme, pour aujourd’hui et pour demain. »
Un autre Chef d’Etat béninois qui a rendu hommage à Aimé Césaire est Thomas Yayi Boni. Son message est également politique : « Aimé Césaire est entré dans l’éternité des grands hommes, dans l’éternité des grands génies qui permettent à chacun et à chacune de nous de ne pas désespérer de soi-même ni de son avenir. Il est devenu pour toujours, la conscience des peuples noirs, la conscience des peuples tout court, puisque chaque être humain, d’où qu’il vienne, peut prendre chez Aimé Césaire la force de vivre en dignité à hauteur d’homme. Césaire a créé et promu l’humanisme des temps modernes.
Pour moi, je l’entends toujours nous dire et me dire : « il faut en demander aux nègres plus qu’aux autres ». C’est le message le plus fort qu’il me laisse à moi, enfant d’Afrique devenu chef d’Etat pour servir le Bénin en Afrique à travers le Bénin. »
Outre ces deux Chefs d’Etat, d’autres hommes politiques béninois ont exprimé leurs points de vue sur l’immensité de l’œuvre d’Aimé Césaire. C’est ainsi que pour l’ancien Ministre Albert Tévoèdjrè, la disparition physique de l’écrivain martiniquais
« laissera en Afrique et dans le monde noir un très grand vide »
Pour l’ancien Ministre Jean-Roger Ahoyo, Aimé Césaire représente incontestablement l’éveilleur des consciences :
« La parution du « Cahier d’un retour au pays natal » en 1939 a inauguré une œuvre magistrale au service de la dignité de l’Homme Noir, et de la Renaissance de l’Afrique, le Continent de ses origines, le Continent-Mère, le Continent-Berceau de l’Humanité. Mais ce sont le « Discours sur le colonialisme » et la « Lettre à Maurice Thorez », deux textes brefs, mais décisifs, qui m’ont armé et « caparaçonné » pour le combat politique. Dans le premier, Césaire a épuisé la critique du système colonial, cette « chosification ! »
Dans le second, il a émis l’idée, que dis-je, il a dit une vérité que j’ai retenue définitivement : ce n’est pas l’Homme qui est au service d’une idéologie ; mais c’est bien l’idéologie, quelle qu’elle soit, qui doit servir les intérêts de l’Homme ! Pour l’époque (nous sommes en 1956 !) quelle clairvoyance, et surtout quel courage politique !!! Et puis ayant compris les vertus pédagogiques du théâtre, et dans le souci de mettre son message à la portée de son peuple, Césaire se lança dans une dramaturgie de combat, avec le même succès et le même éclat : A travers Patrice Lumumba dans « Une saison au Congo », Henri Christophe dans « La tragédie du Roi Christophe », et Toussaint Louverture, il a cerné, posé et analysé à fond les problèmes de l’Afrique et des Caraïbes. »
Pour l’Ancien Ministre, Essayiste et théoricien du mélanisme, Stanislas Spéro Adotévi,
« Aimé Césaire fut un nègre magnifique c’est-à-dire un homme doté d’une beauté de grande dignité, un nègre de grande voix qui prend les devants et profère. Un nègre qui ne triche pas avec ses principes. Il faut lire et bien relire tout (je dis bien tout) ce qu’il a écrit pour comprendre ce qui annonce cet homme, hors norme. Au langage inusité : Noir soleil de rébellion stellaire qui donne harmonieusement à rêver puisque chez lui, les pouvoirs de la parole sont aussi ceux de la raison et du cœur.
Car le poète est aussi un homme d’action (n’oublions pas qu’il fut député de la Martinique à l’Assemblée Nationale Française) qui, non seulement dicte les conditions de possibilité de l’avènement du réel mais fournit les moyens de permettre au Rêve d’embrasser le réel pour le rendre désirable. Il y en Césaire du Victor Hugo, du Lautréamont, du Byron et… du Stendhal. Ajoutons Sophocle et Eschyle. »
Enfin parmi les hommes politiques béninois qui ont rendu hommage à Aimé Césaire il faut retenir Victor Prudent Topanou qui nous informe que « Pour ce que tout le monde dit, c’est sa lutte philosophique et littéraire qui aura laissé de lui dans tous les esprits l’image d’un progressiste engagé dans la lutte pour la réhabilitation de l’homme noir. Il s’agissait sans doute de la lutte la plus noble mais aussi la plus difficile qu’il ait menée.
La plus noble parce que l’homme doit être pris pour ce qu’il est et non pour la couleur de sa peau. La plus difficile parce qu’il s’agissait avant tout d’une lutte de décolonisation mentale ; en tant que telle, il devait, mieux que quiconque, avoir conscience qu’il s’agit là d’une lutte sans fin, et d’un domaine où malheureusement, l’accumulation qualitative des expériences n’est que de peu d’utilité.
Aujourd’hui encore, peut-être même plus qu’hier, l’homme noir est fortement contesté dans son existence qu’il s’agisse de la question de son intégration dans les sociétés européennes et nord américaines ou des traitements affligeants que subissent les pays africains dans leurs rapports avec les pays dits développés. La grande satisfaction de l’œuvre d’Aimé Césaire aura tout de même été l’éveil et la prise de conscience d’une certaine partie de l’élite mondiale.
Hier, on ne reconnaissait pas l’homme noir, aujourd’hui, on le reconnait avant de le nier. Il s’agit là d’une énorme avancée. »
Mais l’hommage à Aimé Césaire n’est pas resté uniquement dans le cénacle politique. D’autres intellectuels béninois ont souligné la portée universelle de sa défense et illustration de la dignité humaine.
C’est ainsi qu’Amadou Rouf Raïmi, ancien Président du Conseil d’Administration de Deloitte-France a parlé de Césaire comme de ce « nègre fondamental » comme l’avait surnommé André Breton, figure emblématique de la négritude, sûrement l’un des plus grands poètes du 20e siècle, a marqué les esprits. Les esprits et les consciences, au-delà des Antilles, de l’Afrique, de la diaspora noire, pour confiner à l’universel. »
Quant à l’écrivain Olympe Bhêly-Quenum il nous apprend que sa « première rencontre avec le poète eut pour cadre Présence Africaine où Alioune Diop m’avait appelé ; nos propos tournaient autour de ce qu’on appelle « le paganisme des Africains » quand on annonça Aimé Césaire ; j’avais lu « Cahier d’un retour au pays natal », « les Armes miraculeuses », « Discours sur le colonialisme » magnifique flèche nègre empoisonnée qui deviendrait une des armes de mon combat politique ; pour avoir constaté ma méthode de lecture consistant en progression à petits pas marquée par des soulignages et des annotations dans des marges, Alioune vendit la mèche malicieusement en disant : « …il y aura, peut-être, quand le temps le lui permettra, des réflexions d’Olympe sur un ouvrage d’Aimé Césaire ».
« Ah bon ? » fit le poète en me regardant.
Je lus comme une interrogation dans ses yeux et, prudemment, j’entrai dans la conversation qu’Alioune m’avait semblé souhaiter :
- J’ai relu maintes fois Discours sur le colonialisme, sans éviter des soulignages ; les gribouillages dans les marges et interlignes y sont légion : c’est une arme sans équivalent que vous avez mise à la disposition des Négro-Africains qui voudront se battre sans concession contre le colonialisme. »
Quant à moi-même, c’est dans sa plaquette, Lettre à Maurice Thorez, que j’ai tiré le plus bel hommage que je pouvais rendre au poète martiniquais :
« … Nous voulons que nos sociétés s’élèvent à un degré supérieur de développement, mais d’elles-mêmes, par croissance interne, par nécessité intérieure, par progrès organique, sans que rien d’extérieur vienne gauchir cette croissance, l’altérer ou la compromettre. Dans ces situations on comprend que nous ne puissions donner à personne délégation pour penser pour nous ; délégation pour chercher pour nous ; que nous ne puissions désormais accepter que qui que ce soit, fût-il le meilleur de nos amis, se porte fort pour nous ».
Et cette proclamation césairienne m’a ouvert la voie pour mieux comprendre pourquoi les écrits du poète et de l’essayiste ont tant interpellé les Béninois. La Martinique, son île natale, ne fut-elle pas le lieu d’exil d’un illustre Dahoméen ?
En effet, le roi Béhanzin y résida longtemps sur ordre des autorités coloniales, comme si en envoyant ce roi rebelle dans les Caraïbes, on voulait lui faire payer sa morgue et son nationalisme. Dans Cahier d’un retour au pays natal, Aimé Césaire a, de manière très fugitive et ironique, fait allusion à notre pays :
« Je refuse de me donner mes boursuflures comme d’authentiques gloires.
Non, nous n’avons jamais été amazones du roi du Dahomey »
Une autre évocation liée au Dahomey, concerne Toussaint Louverture dont le père était originaire d’Allada :
« Ce qui est à moi c’est un homme seul emprisonné de blanc
C’est un homme seul qui défie les cris blancs de la mort blanche (Toussaint, Toussaint Louverture)
C’est un moricaud vieux dressé contre les eaux du ciel »
Il en reparlera dans son essai Toussaint Louverture : la Révolution Française et le problème colonial.
Bernard Hadjaj, ancien Chef de la Mission d’Aide et de Coopération en Haïti et au Bénin a ouvert une autre piste qui pourrait expliquer les raisons de l’affection particulière que nos compatriotes portent à Aimé Césaire : « A trois heures de route de Port au Prince, à proximité de la ville de Gonaïves, se trouve le Lakou Souvenans, haut lieu du culte vaudou d’origine dahoméenne.
La tradition raconte que ce temple fut créé par des éléments de la garde du Roi Christophe : le « Royal Dahomey » Thomas Madiou nous précise l’origine de ces Africains : « il (Christophe) s’était fait remettre deux milliers de jeunes Africains noirs de la Côte de Guinée que les Anglais avaient capturés sur des négriers, il les avait fait baptisés, il était leur parrain à tous, et il les avait organisés en gens d’armes sous la dénomination de Royal Dahomey »
Eh oui ! Je comprends mieux maintenant les raisons pour lesquelles l’itinéraire d’Aimé Césaire a des « atomes crochus » avec les Béninois. Suite à sa disparition le 17 avril 2008 ne soyons pas étonnés que, sur le plan mondial, seul le Conseil des Ministres béninois a fait observer une minute de silence à sa mémoire et a décidé que :
« Par un deuil national de trois jours, à compter du 18 avril 2008 à 00heure, tout le peuple béninois s’inclinera devant la mémoire du père immortel de la Négritude. Pendant cette période, les drapeaux seront mis en berne sur toute l’étendue du territoire national, ».
Nouréini Tidjani-Serpos
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Happy chinese new year 2014
Ce que symbolise le cheval pour les chinois
Le responsable de la programmation des activités culturelles du Centre culturel chinois, Maurice Gountin est un expert de la culture chinoise. Pour avoir obtenu son doctorat en relations internationales en Chine, il est imprégné de la culture chinoise et manie aisément la langue. Maurice Gountin explique dans cet entretien, la signification de l’année du cheval que les Chinois célèbrent en 2014.
Le Matinal : Le centre culturel chinois vient de lancer la 5ème édition du nouvel an chinois. Cette fois-ci, c’est l’année du cheval qui est célébrée. Quelle est sa signification dans la culture chinoise ?
Maurice Gountin : Les chinois ont douze signes zodiaques dans leur horoscope partant de la souris au porc. Il faut dire que le cheval est le 5ème animal dans l’ordre de la mythologie chinoise de leur horoscope traditionnel. On avait commencé ce festival au Bénin en 2010 avec l’année du tigre. Logiquement, nous sommes à la 5ème édition qui tombe sur l’année du cheval. Le cheval a un sens particulier dans la culture chinoise comme également dans la culture béninoise. C’est un animal qui symbolise la force, la vitalité, la vigueur, la rapidité, l’honneur, la victoire, la persévérance et tant d’autres valeurs positives. Autre chose, le cheval a un lien très fort dans la culture chinoise.
C’est un animal qui est également, moyen de transport. Ce qui fait qu’il y a beaucoup d’expressions accompagnant le mot cheval selon la culture chinoise. Par exemple en chinois, quand on dit « Malu », cela veut dire littéralement le chemin du cheval. Parce qu’auparavant, les hommes prenaient cet instrument comme moyen de transport. Il les amène dans les brousses et sur les sentiers. Et ce sont les traces des sabots qui constituent après, le chemin emprunté par les hommes. Il y a également beaucoup d’autres expressions telles que le proverbe « Ma dao shong gong » qui symbolise le succès. Ils faisaient également la guerre avec le cheval au moment où les chars n’existaient pas encore.
Quels sont les 11 autres animaux qui symbolisent les années de la culture chinoise ?
Il y a d’abord le rat. Et après le rat qui est le premier animal, nous avons le bœuf, le tigre, le lapin, le cheval comme cette année, le dragon, le serpent. L’année prochaine ce sera le mouton. Et les années qui vont suivre on aura le coq, le chien et le porc.
Comment expliquez-vous le fait d’attribuer un animal à une année dans la culture chinoise ?
Selon l’histoire, le Dieu de la terre a initié tous les animaux à une grande réunion au palais. Les animaux ont pris la route pour venir chez le roi. On a constaté que le 1er venu était le rat. Et après, le bœuf.
Mais est-ce que le rat est aussi rapide que tous les animaux que vous avez cités ?
Selon la légende, il paraît que c’est le bœuf qui était en tête et le rat s’est accroché à sa queue. Et à un pas d’arriver chez le roi, le rat a sauté devant le bœuf. C’est pour cela qu’il a occupé la 1ere place. Et le porc étant un peu lourd, il a été le dernier. Le roi leur a partagé les années. Donc, c’est un cycle comme dans l’horoscope occidental. La différence est que dans l’horoscope occidental, la durée est d’un mois. Mais pour les Chinois, tous ceux qui naissent dans une année, appartiennent au même signe.
C’est- à dire du 31 janvier 2014, le premier jour du nouvel an chinois jusqu’à la fin de l’année définie par le calendrier, tous ceux qui vont naître seront des chevaux. Pendant que vous êtes dans l’année du cheval, il y a des principes à respecter. Par exemple celui qui est né sous le signe du cheval doit porter des sous-vêtements rouges, des chaussettes rouges, des bracelets et colliers rouges pour se protéger.
Mais pourquoi la couleur rouge ?
Selon la tradition, le rouge symbolise la protection contre les mauvais esprits.
Dites nous la particularité de cette 5ème édition du Happy chinese new year.
La particularité de la célébration du nouvel an chinois cette année se situe à trois niveaux. D’abord, la troupe artistique de Tianjin donnera un spectacle le lundi 27 janvier au Ceg St Rita. Une première initiative dans le déroulement du festival. L’ambition est de se rapprocher davantage de la couche juvénile. Il y a également un géant carnaval qui est prévu pour le 15 février. Ce sera un géant spectacle au cours duquel on habillera des chevaux qui vont impressionner les usagers du Stade de l’Amitié.
Valentine Bonou Awassi
Le Happy Chinese new year officiellement lancé
L’édition 2014 du festival du nouvel an chinois a été officiellement lancée le samedi 18 janvier 2014 dans les locaux du Centre culturel chinois à Cotonou. Mais selon le calendrier agricole et lunaire chinois, le premier jour du nouvel an chinois sera le 31 janvier 2014. A en croire les propos de l’Ambassadeur de la Chine près le Bénin, Tao Weiguang, la coopération culturelle sino-béninoise est un maillon très fort de la collaboration entre les deux pays.
« Soyons pleins de vigueur et de vitalité dans l’année du cheval et atteignons des objectifs plus grands et plus nobles dans nos domaines et missions respectifs ». Ce sont ses mots d’exhortation à l’endroit des partenaires de ce festival. Le Secrétaire général adjoint du ministère de la Culture, Basile Dègnonvi, a quant à lui, fait comprendre que le Hcny constitue une composante très importante de la panoplie des festivals qui célèbrent la culture au Bénin. « Tel un enfant qui grandit, il n’a pas fini de nous démontrer ses différents talents et merveilles à travers le temps », a-t-il confié.