De la dégringolade observée en 2019 aux législatives, le taux de participation aux élections évolue en dents de scie. 2019, c’était la première élection organisée sous le régime de Patrice Talon. Les nouvelles lois de la réforme du système partisan n’ayant pas fait le consensus au sein de la classe politique, les partis politiques, notamment de l’opposition, sont restés sur le carreau. Seuls les deux partis nés de la réforme et se réclamant de Patrice Talon, l’Union progressiste le Renouveau (Up-R) et le Bloc républicain (Br) se sont affrontés dans les urnes. Conséquence, le taux de participation a chuté, pour la première fois de l’histoire du renouveau démocratique. Il était de 27%, selon la Cour constitutionnelle. Aux élections communales et municipales de 2020, trois partis ont obtenu les 10% nécessaires à l’attribution des sièges, l’Up-R, le Br et la Fcbe de Paul Hounkpè. Cette dernière est venue représenter l’opposition mais n’est pas considérée comme telle, dans l’opinion. N’empêche, le taux de participation est remonté à 49%. A la présidentielle de 2021, le taux de participation est aussi remonté à 50,63% selon la Cour constitutionnelle.
Toutes ces trois élections ont été jugées d’exclusives pour défaut de participation d’un « véritable » parti d’opposition qu’incarne, aux yeux des Béninois, le parti Les Démocrates dont l’ancien chef d’Etat Boni Yayi en est le président d’honneur. En 2023, le parti Les Démocrates a obtenu sa participation aux législatives. Et alors qu’on s’attendait à un taux record de participation, comparativement aux trois précédentes élections organisées sous la Rupture, le taux est redescendu à 38%. Même si par rapport à 2019, ce taux a augmenté, on s’attendait à ce que les Béninois sortent plus nombreux du fait de l’entrée en lice de l’opposition. Mais avec ce taux de 38%, on se rend à l’évidence que le désintérêt des populations à la chose électorale n’est pas que lié à l’absence de l’opposition depuis 2019. D’autres considérations entrent alors en jeu.
Les cicatrices de 2019 et 2021
Les échauffourées meurtrières des élections de 2019, les arrestations des candidats et militants de l’opposition en 2019 et 2021 sont restées des plaies non encore cicatrisées. D’ailleurs certaines figures de proue de l’opposition et des militants sont toujours en détention. Le dialogue national, censé tout remettre à plat, après les élections de 2019, n’a pas non plus comblé les attentes. Les participants ont été tirés sur le volet et des Béninois n’ont pas l’impression que les vrais problèmes aient trouvé solution, après ces assises. A tout ceci s’ajoute le doute sur la vérité des urnes. Beaucoup de militants de l’opposition pensent, à tort ou à raison, que quelque soit le score que fera le parti Les Démocrates, la vérité des urnes se sera jamais celle des institutions en charge des élections. Des soutiens du régime ont aussi cette même impression. Il y en qui pensent qu’ils soient allés voter ou pas, le régime en place a toutes les cartes en mains.
La thérapie de choc de l’AcPa
Le Collectif populaire Actions Pacifiques (AcPa) s’est penché sur la question. Avec ce taux de 38% de participation aux législatives du 08 janvier 2023, l’AcPa trouve qu’à chaque élection, le même problème revient. Pour ce collectif, les questions fondamentales demeurent. Dans une publication sur sa page Facebook, l’AcPa laisse entendre que le dialogue dont a besoin si tant le pays pour apaiser les cœurs, cicatriser les plaies, recoller les morceaux pour restaurer le vivre ensemble en vue du développement harmonieux et durable du pays, ne sera pas offert par ce parlement largement dominé par les partis siamois se réclamant du chef de l’Etat. Il propose que le peuple s’investisse et s’organise de façon structurante, méthodique et obstinée pour contraindre le pourvoir à se résoudre à la volonté populaire. L’AcPa demande avec insistance à l’opposition d’apprendre à ignorer l’agenda électoral du pouvoir en place, à s’armer de patience, de courage, de persévérance et de perspicacité pour démanteler pan par pan les obstacles en désactivant progressivement les entraves à la liberté du peuple et élargir subtilement l’espace de liberté démocratique. En un mot, le collectif propose que tant que la libération des prisonniers, le retour des exilés, la tenue d’un dialogue national inclusif, franc et sincère, la sincérité du vote ne sont pas garantis, l’opposition devrait boycotter toute élection. Le Collectif populaire Actions Pacifiques appelle à la mobilisation générale de tout le peuple et à la mutualisation des énergies et des stratégies de toutes les forces en résistance pour agir, non dans la colère, ni avec précipitation, encore moins dans l’improvisation, mais pacifiquement et obstinément dans une convergence d’actions planifiées dans le temps et dans l’espace pour parvenir à faire fléchir le pouvoir de la Rupture.