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Huguette Bokpè Gnacadja sur le nombre de femmes au parlement : « Ce que nous attendons, c’est qu’elles apportent une plus-value aux plans social, économique, culturel et agricole »

Publié le mardi 31 janvier 2023  |  Fraternité
Huguette
© Autre presse par dr
Huguette Bokpè Gnacadja, directrice exécutive de l’Institut national de la femme (INF)
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La Secrétaire exécutive de l’Institut national de la femme (INF) a opiné dans cet entretien réalisé par Prime News Tv sur le taux de participation des femmes aux élections législatives qui ont eu lieu au Bénin le 8 janvier dernier. A en croire Huguette Bokpè Gnacadja, c’est une réforme à encourager permettant aux femmes d’être complémentaires dans les instances de prise de décision pour un développement plus grand du pays.


A l’Institut national de la femme, quelle lecture faites-vous par rapport à l’élection dans son ensemble ?
Comme vous le savez bien, l’Institut National de la Femme a une vocation qui est plus liée au bien-être social des femmes, des filles, et aux questions de lutte contre des violences faites aux femmes, de promotion bien sûr du leadership à tous les niveaux, y compris politiques. Toutefois, je crois que des structures et des personnes beaucoup plus qualifiées pour faire une analyse des conditions d’organisation des élections ont déjà donné divers avis. Ceux dont l’Institut National de la Femme se réjouit, c’est que les élections législatives de janvier 2023 se soient déroulées dans la paix et qu’elles aient été inclusives. C’est ce qui nous réunit tous et qui nous réjouit à l’Institut National de la Femme.

Quelle lecture faites-vous personnellement en ce qui concerne ces statistiques, je veux dire 25,70% soit une participation de 28 femmes désormais à l’Assemblé Nationale ?

C’est une première expérience et je m’en voudrais de me prononcer pour dire c’est trop peu, ou que c’est trop etc… C’est la première expérience et je crois que c’est la première fois depuis très longtemps que nous comptons autant de femmes au parlement. Nous allons donc nous en réjouir. Et surtout ce que nous allons faire, c’est que nous allons démontrer que ça valait la peine. Nous allons nous associer avec cette cohorte de nouveaux députés femmes, nous associer à elles pour faire en sorte que leur présence fasse la différence. Et que tout le monde se rende compte que c’était bien de positionner des femmes et de les élire comme députés à l’Assemblé Nationale. Maintenant, vous avez donné les chiffres tout à l’heure, moi je vais peut-être rentrer à l’intérieur de ce cas pour donner quelques éléments d’appréciations. J’ai relevé dans une présentation une analyse d’un document que le réseau « Social Watch » a publié, qu’en dehors des 24 sièges qui étaient déjà réservés aux femmes, je donne les chiffres issus de ce document, les sept (7) parties pour les 795 postes titulaires, 595 postes de suppléantes, ont positionnées 5,55% de femmes titulaires, 9,75% de femmes suppléantes. Disons qu’il y a eu la manifestation d’une intention par ces partis politiques de positionner 15% de femmes comme potentielles candidates à l’époque. Donc, je crois que c’est une bonne chose. Quand on regarde les partis qui ont positionné plus de femmes, on voit que c’est le BR qui vient en tête avec 5 places de titulaires dont 4 mises en première position. Quand on prend également Les Démocrates, c’est 2 femmes à la place de titulaire dont 1 placée en première position. Je voudrais qu’on mette dans l’analyse de cette participation des femmes un certain nombre de choses. D’abord c’est la première expérience de cette réforme. Ensuite, nous sommes dans une situation où il y avait de nouveaux compétiteurs. Les enjeux étaient donc colossaux. Et il faut savoir que la sélection des femmes sur les 24 sur la liste qui leur est réservée, c’est aussi une décision interne des partis politiques. C’est eux qui décident tant que la loi n’a pas prévu que c’est tel critère etc… Une fois qu’on a les 24 places réservées, il faut maintenant décider de qui sera positionné ou non. Il faut faire entrer ça dans l’analyse qu’on peut faire. Il y a aussi l’influence que chaque parti politique a sa force de frappe. Pour certains, il y a de fiefs qu’il faut conserver, pour d’autres il y a de nouveaux horizons qu’il faut conquérir et autres. Donc, c’est tout cela qui rentre dans la balance, sans oublier aussi le taux de participation qu’on a observé au niveau de la population et puis enfin, il y a la barrière des 10% qui elle aussi est liée, comme je disais tout à l’heure, à la force de frappe, à l’influence de la notoriété des différents fiefs habituels et des nouveaux horizons qu’ils ont.

Est-ce une première et peut-on mettre tout ceci sous la bénédiction des réformes politiques engagées par le Chef de l’Etat ?

Absolument, c’est une première. Et quand on regarde bien, on compte 4 femmes en plus. Pour nous, il est évident que cette réforme s’est avérée importante. Elle a été très utile. Je pense aussi que de tous les facteurs dont j’ai parlé, beaucoup de femmes dont certaines qui étaient même déjà dans la 8ème législature ont été positionnées sur cette liste. Comme c’est la première expérience de la réforme, et compte tenu de l’enjeu qu’il y avait, je crois que la carte de la prudence a été jouée de manière générale. On a voulu faire des positionnements sûrs, on a voulu en quelque sorte zéro risque. Je crois que cela a fait que ce domaine qui était déjà fortement masculinisé est resté en quelque sorte masculinisé bien qu’il y ait eu quand même une ouverture forcée par la réforme.

Ces femmes peuvent-elles apporter un changement ?

C’est ce que nous espérons et l’Institut National de la femme dont le premier volet de la mission est la promotion du leadership féminin, s’engage à œuvrer aux côtés des femmes députées pour que leur présence en plus grand nombre fasse la différence. Dans plusieurs autres parlements, l’expérience a montré, c’est d’ailleurs cela qui a encouragé à prendre des mesures temporaires spéciales pour combler les fossés qu’on observe en termes de présence des femmes dans les grands arrêts de décisions, que la présence des femmes a permis aux députés de cogiter de façon plus ouverte, plus élargie, plus inclusive, des besoins des femmes, des hommes, des jeunes, des personnes en difficultés, peut-être vivant avec un handicap, des personnes du troisième âge. Bref, les besoins spécifiques propres à différentes couches de la communauté sont davantage pris en compte quand la réflexion stratégique est menée ensemble avec les femmes. Parce que, de par leur nature, de par leur rôle au sein des familles, elles sont plus à même de capter rapidement les besoins et de proposer des réponses, des stratégies idoines.

Pourront-elles influencer les débats parlementaires ?

Absolument, quand il s’agit des intérêts de la nation, je crois que les besoins spécifiques des personnes handicapées ne dépendent pas de leur appartenance politique etc… La fonction régalienne du parlement, celle qui contrôle l’action gouvernementale va demander que ces femmes aient un débat participatif. D’abord à la consolidation, sur ce qui est favorable à la femme, au bien-être social, sur les questions de protection des filles, etc. et va vraiment enrichir le débat. C’est un enjeu important parce que si ce mandat réussit et qu’il y a une plus-value liée à la présence des femmes, on aura envie de les aider davantage, on aura envie d’en compter davantage au sein de la prochaine législature.
« Nous venons de gagner une bataille par rapport à leur présence au parlement »

Conformément à votre mission au niveau de l’INF, comment comptez-vous collaborer avec ces femmes qui désormais représentent la femme béninoise et en particulier vous qui êtes au niveau de l’INF ?

Cette collaboration passe nécessairement par le partage d’expériences. Ça passe aussi par un renforcement de capacités. Ça passe par le partage d’expériences de modèle réussi, de présence et de contribution valable des femmes au sein des parlements. On a des exemples aussi sur le continent africain qu’ailleurs dont on peut s’inspirer sans faire de copier-coller bien sûr. Donc nous nous engageons à ce travail d’accompagnement des femmes. Peut-être que vous savez que dans ce rôle, prendre la parole en public, convaincre mais aussi avoir une bonne connaissance d’un certain nombre de domaines dont on croit souvent à tort que les femmes sont ignorantes, ce sont les défis qu’il faut relever. Pouvoir discuter économie, pouvoir discuter société, pouvoir discuter croissance, développement, cela fait partie du projet d’accompagnement offert par l’Institut National de la Femme.

Cette élection pour ne pas dire ce nombre de femmes à l’Assemblée Nationale est quand même un levier sur lequel vous pouvez désormais marcher pour atteindre encore vos objectifs pour ne pas dire la mission à vous assignée

Absolument vous vous rendez compte de l’opportunité que nous avons maintenant de compter autant de femmes au parlement. On compte bien en profiter pour qu’il y ait une plus-value dans la participation des femmes aux débats, aux grands débats nationaux et au développement que nous souhaitons tout le temps inclusif pour notre pays.

Comment l’INF compte-t-il agir pour les joutes électorales à venir, je veux nommer communales, législatives ainsi de suite ?

Ce n’est pas qu’il faut capitaliser ce qui vient de se passer. C’est par là que nous allons commencer. Il faut aussi se rendre compte que à côté de la réforme législative, il y a la création de l’Institut National de la Femme qui est en train de jouer un rôle prépondérant dans le fait que les femmes et les jeunes femmes surtout sont en train de sortir un petit peu de leurs coquilles parce que nous avons commencé un combat contre les violences faites aux femmes. Nous avons commencé un combat contre le refus de l’expression par les femmes de leur potentiel, de leur don, de leur talent, de déploiement de leur don, de leur talent. Nous avons commencé à avoir de sérieuses conversations avec les femmes surtout avec les jeunes sur le développement de l’estime de soi, sur le fait qu’il faut avoir un projet de vie, sur le fait qu’on ait toutes une raison d’être et vous allez remarquer que les femmes et jeunes filles qui se sont exprimées pendant toute la période préélectorale, la période de pré-campagne, la période de la campagne, ont été nombreuses. Il y a l’expression désormais d’une génération de jeunes qui veut, qui sait ce qu’elle veut, qui s’intéresse à la politique, qui a envie de s’affirmer en politique, et cela, c’est quelque chose qu’on vient de gagner, qu’il faut développer. Vous savez, la participation des femmes à la vie politique et publique, c’est comme un levier qu’il faut booster. Exactement comme on booste d’autres leviers pour relancer l’économie, il faut se dire que c’est une stratégie de développement économique qui permet que les femmes s’expriment parce qu’elles ont des dons et des talents qui sont complémentaires de ceux des hommes et que comme je disais tout à l’heure, la réflexion stratégique de mieux-être de toute une population passe nécessairement par la contribution des femmes. Nous allons capitaliser sur ce mouvement, cette dynamique qui est née et travailler à ce qu’elle se développe, travailler à ce que les profils idéaux qui vont vraiment produire cette plus-value s’affinent de plus en plus et qu’on ait un bon vivier de potentielles candidates aux prochaines élections législatives avec comme objectif également bien sûr de consolider, conserver celles qui ont déjà gagné la bataille et qui s’y trouvent actuellement.

Est-ce à dire que c’est déjà un satisfécit par rapport aux réformes en cours ?

En tout cas, nous avons avancé d’un grand pas. Ce qui se passe est en conformité avec ce qu’on attend de l’exécution du Programme d’Actions du Gouvernement dont une partie est vraiment consacrée au mieux-être social et à une place que l’on fait aux femmes dans la sphère publique, dans la sphère politique, dans la sphère économique, dans la sphère de l’artisanat, de l’agriculture etc. Donc, c’est une bonne chose. Et je pense de toute façon que toute personne qui, comme le chef de l’Etat, veut le développement du pays, un développement inclusif durable, pérenne sait que c’est une stratégie qui marche que de s’occuper des plus de 50% donc plus de la moitié du potentiel du capital humain de son pays, ça il le sait et tous ceux qui veulent avancer le savent.

Alors quelles sont vos attentes au niveau des députés, des 109 députés élus, en particulier au niveau des 28 femmes ?

Ce que nous attendons, c’est qu’elles apportent une plus-value aux plans social, économique, culturel et agricole. Regardez par exemple, vous avez une majorité, le capital humain qui œuvre au développement de l’agriculture dans notre pays est à plus de 60% composé de femmes. L’agriculture, on sait que l’agriculture c’est un gros poumon de l’économie. Imaginez la présence de ces femmes dans la réflexion sur comment on réforme le secteur de l’agricole ! Comment on fait davantage participer les femmes ! Comment on développe l’appui aux femmes dans le domaine de l’agriculture, le regroupement des femmes en coopérative, en structure dynamique pour une meilleure production agricole. Imaginez que ces femmes pèsent de leur poids dans une réforme révolutionnaire innovante, cela va nous faire avancer. C’est juste un exemple que je donne pour vous dire comment les femmes peuvent apporter une plus-value dans nos stratégies, dans nos programmes, dans les axes que nous définissons pour un meilleur développement.

Avez-vous un mot pour mettre un terme à cet entretien ?

Moi je voudrais dire que toutes les initiatives qui ont pour objectif de booster la représentation des femmes dans les sphères de décisions seront appuyées par l’Institut National de la Femme. Nous venons de gagner une bataille par rapport à leur présence dans la prise de décisions au niveau du parlement, c’est le niveau national. Il y a d’autres batailles à gagner. Il y a aussi à préparer une forte représentation des femmes aux prochaines élections aux niveaux municipal et local. Parce que souvenons-nous que le développement d’un pays compte énormément sur le développement local. Le développement qui commence à la base et qui vient vers le haut, est un développement durable et nous savons qu’un plan de développement communal se déploie, qu’il soit validé. Cela demande la présence de tous les acteurs locaux et Dieu sait que les femmes constituent au sein des acteurs locaux, une proportion véritablement importante. Il faut donc encourager les femmes à s’intéresser à la politique ; il faut les former. Il faut renforcer leurs capacités pour qu’au niveau de la prise de décisions locale, au niveau de la gouvernance locale, les femmes aient leurs mots à dire en lien avec les domaines dans lesquels elles ont les aptitudes naturelles dont j’ai parlé tout à l’heure au niveau du parlement, le bien-être social, prise en compte des besoins spécifiques des femmes, des jeunes etc. Quelqu’un a dit un jour que si vous mettez femme et homme ensemble par exemple à la prise de décisions locales ou à la prise de décisions nationales, vous verrez que si vous prenez une localité à développer, pendant que les hommes vont parler du terrain de football et parler d’un certain nombre de choses qui répondent en fait aux besoins des hommes et des jeunes garçons, vous verrez que les femmes vont s’occuper d’autres aspects, vont demander qu’elles vont aller dans les détails comme : est-ce que dans la construction des écoles, est-ce qu’on a prévu un dispositif de toilettes par exemple qui permet aussi de ne pas cesser d’aller à l’école quand elles ont leurs menstruations. Vous voyez, c’est important parce que c’est une cause de déscolarisation des filles, en tout cas, elles manquent plusieurs jours par mois les classes parce que quand elles sont en règles, elles ne peuvent pas aller aux toilettes dans les écoles. Il fallait y penser et les femmes ont leur disque dur formaté d’une façon qui fait qu’elles pensent à ces choses pendant que les hommes pensent à d’autres. Et quand on les met ensemble, on se rend compte que tous les besoins sont couverts. C’est ça le secret en fait du développement. Donc c’est ce que l’INF souhaite. Mon mot de fin sera également de vous remercier beaucoup pour nous avoir offert cette tribune et souhaité que femme et homme, côte à côte, contribuent dans une réflexion stratégique commune, complémentaire à un développement encore plus grand de notre grand pays le Bénin. Parce que le Bénin est un grand pays.
Transcription : Ernest Alao & Modeste K. Norman (Stags)

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