Consommer bio, plus qu’une tendance, est devenu une obsession pour certaines personnes à la recherche d’une vie plus saine. Le désir de s’éloigner des produits conventionnels est si fort qu’elles sont prêtes à y mettre le prix. Effet de mode ou vrai avantage ?
Le terme “bio” désigne un produit issu de l’agriculture biologique, une agriculture naturelle qui n’utilise pas de produits chimiques (pesticides, herbicides et fertilisants chimiques). Le bio a le vent en poupe ces derniers temps, mais au-delà du label, la consommation de produits bio est-elle gage d’une bonne santé? La consommation de produits issus de l’agriculture biologique n’est pas chose nouvelle sous nos cieux. Nos ancêtres agriculteurs ont travaillé de toute leur force, des siècles durant, avec des moyens rudimentaires et de la manière la plus naturelle possible, pour mettre sur le marché des produits sains. Avec le développement de la science et de la technologie, des moyens modernes de production ont vu le jour et permettent de réduire la pénibilité du travail. Des produits chimiques sont mis à contribution pour éliminer les ravageurs et accroître les rendements, voire produire en toutes saisons. Toutes ces évolutions ne sont pas sans risque pour la santé humaine. L’usage non maîtrisé d’intrants agricoles et de pesticides a des effets sur la qualité des cultures maraîchères. Des études réalisées dans un site de maraîchage en milieu urbain à Cotonou par une équipe de chercheurs pour évaluer la qualité des cultures maraîchères dans les années 2010 ont révélé que « Les cultures maraîchères sont contaminées par des métaux lourds notamment le plomb, le cadmium, le zinc». La consommation de ces produits expose aux risques de maladies. C’est conscients de ces risques que de plus en plus de consommateurs font désormais la course aux produits issus de l’agriculture biologique pour préserver leur santé.
Quid de l’accessibilité aux produits bio ?
En milieu rural, la pratique de la culture bio se perpétue à travers les exploitations familiales de taille modeste qui privilégient les circuits courts en vendant directement leurs productions sur les marchés locaux. En milieu urbain, pour ce qui concerne les légumes par exemple, l’essentiel de la consommation est assuré par le maraîchage périurbain qui approvisionne les villes en légumes frais. De nombreuses personnes, ou structures comme le centre Songhaï à Porto-Novo, l’association pour le maintien de l’agriculture paysanne (Amap) Bénin, proposent à la clientèle une variété de produits sous le label bio.
Pierre Louis Amoussou est un scientifique de haut niveau reconverti dans l’agriculture. Cet ancien enseignant de l’Université catholique d’Afrique de l’Ouest (Ucao), généticien moléculaire, est promoteur d’un marché bio à Cotonou. De par ses fonctions antérieures au Royaume Uni, il a eu à travailler sur les risques associés aux organismes génétiquement modifiés pour la santé humaine et l’environnement. « C’est au cours de cette expérience que je me suis rendu compte de l’importance de l’alimentation saine », avoue-t-il. Convaincu qu’il y a une corrélation directe entre ce que nous mangeons et notre état de santé, c’est tout naturellement qu’une fois rentré au pays, Pierre Louis Amoussou prend la relève de sa mère et se lance dans la production et la distribution de produits bio. Il propose depuis 2016, en vente privée, les mercredis et samedis, des produits frais issus de l’agriculture biologique. Il ne fait aucun doute selon lui, que le bio a un avantage compétitif par rapport au conventionnel en termes de qualité nutritive : « Des études sérieuses ont été faites à grande échelle et ont montré qu’effectivement la valeur nutritive des aliments bio est supérieure à celle des conventionnels. Ce n’est plus quelque chose à démontrer, c’est déjà fait », soutient-il. Il travaille aujourd’hui avec plusieurs partenaires qui assurent la disponibilité des produits bio, en particulier des fruits et légumes frais, des tubercules et autres produits dérivés.
Mais comment s’assurer que tout ce qui est vendu comme bio l’est effectivement ? « Il n’est pas possible de tricher avec le bio car le client s’en rendra compte », rassure Pierre Louis Amoussou. Dame Edith Zinsou, employée dans une entreprise de la place est une habituée des produits bio et son constat est clair : « Le bio a l’avantage de se conserver facilement et mieux que le conventionnel. Quand les fruits et légumes sont bio, ils se conservent plus longtemps, même s’ils sont à l’air libre. Ils ont plus de goût que les fruits et légumes qui finissent leur maturation dans des camions. Et le fait qu’ils ne contiennent pas de résidus de pesticides est un grand atout pour la santé ». Une chose est sûre, tous les consommateurs ne sont pas accros du bio, la grande majorité se contente de s’approvisionner sur le marché sans se préoccuper de l’origine des produits. Cette nonagénaire rencontrée sur l’un des marchés bio de Cotonou en témoigne : « Bio ou pas bio je m’en fiche. Il y a cinquante ans il n’y avait pas de bio et on vivait bien. On achetait nos produits sans que ça ne soit le label bio. Maintenant les gens sont conditionnés par le bio. Moi je ne suis pas spécialement bio », se défend-elle.
Les produits bio coûtent plus cher que ceux conventionnels et ne sont pas accessibles à toutes les couches sociales. Cela se justifie, selon les producteurs, par le mode de production qui nécessite plus de main d’œuvre, avec des rendements plus faibles. Le recours au circuit court sans intermédiaire est un moyen pour eux de pratiquer des prix accessibles aux consommateurs. Malgré son coût relativement élevé, le bio séduit de plus en plus de consommateurs. En mettant sur le marché des produits sains, les producteurs contribuent indirectement à la santé publique et à la protection de l’environnement. Ils attendent en retour que l’Etat les accompagne en rendant disponibles des semences et intrants biologiques et à des coûts accessibles. La prolifération des maladies chroniques, avec des patients de plus en plus jeunes, amène à faire attention à son alimentation. Manger bio est un mode de vie qui fait chaque jour des adeptes mais ne suffit pas à garantir une bonne santé. Il faut de façon générale, avoir une hygiène de vie qui exclut les excès, la sédentarité et la consommation de substances toxiques ■