Les dés sont jetés. Avec Patrice Talon, les avocats se succèdent à la tête du ministère de la justice. Après Joseph Djogbénou et Sévérin Quenum, c’est au tour de Yvon Détchénou de prendre les rênes de la chancellerie. Une aubaine pour ce brillant avocat qui, en dépit de sa grande discrétion, aura tutoyé les cimes de cette profession ici et dans la sous-région. A ce poste, il aura à écrire une nouvelle page de la maison justice. Son entrée au gouvernement vient raviver d’un côté et adoucir de l’autre la guéguerre qui oppose ses deux prédécesseurs.
Sévérin Quenum ne verra pas d’un bon œil la nomination de Yvon Détchénou, pas uniquement parce que cet acte sonne le glas de son départ du gouvernement, mais aussi et surtout parce que son successeur est un proche de Joseph Djogbénou avec qui il n’entretient pas actuellement les meilleurs rapports du monde. Il y a encore quelques années, aux yeux de l’opinion, les deux hommes étaient assez proches, voire complices. Lorsqu’ils défendaient Patrice Talon avant son accession au pouvoir, ils agissaient en parfaite harmonie. De 2016 à 2018 tout au moins, on avait l’impression que leurs relations s’étaient consolidées. Il a fallu la désignation de Joseph Djogbénou pour siéger à la Cour constitutionnelle et son remplacement par Sévérin Quenum pour que la tension commence à monter tout doucement entre les deux partenaires. Nommé ministre, Sévérin Quenum ne s’est pas embarrassé pour se débarrasser des collaborateurs de Joseph Djogbénou. A priori, on ne peut lui reprocher de composer l’équipe avec laquelle il sera à son aise. Mais il n’a pas su faire jouer la carte politique pour rassurer Djogbénou et ses proches, qui comme lui, sont à la fois de la même écurie politique et du même domaine d’activité. Entre juin 2018 et avril 2023, les deux n’ont pas su recoller les morceaux et arrondir les angles. Il n’aura pas échappé à l’opinion qu’à l’occasion de la campagne électorale comptant pour les législatives du 8 janvier dernier, on n’a pas senti un empressement de Quenum autour de la candidature de Djogbénou. Et au moment où on s’y attendait le moins, Patrice Talon procède à un remaniement technique et se sépare de trois cadors de son gouvernement dont Sévérin Quenum.
Pour lui succéder, Yvon Détchénou entre en scène. Pour rappel, il doit en partie son titre de bâtonnier à Joseph Djogbénou qui l’a aidé à remporter la bataille électorale au sein de leur corporation commune face à son adversaire de l’époque, Sévérin Quenum. Si depuis lors, l’eau a coulé sous le pont, celui-ci se rendra à l’évidence que Djogbénou a pesé de tout son poids dans la désignation de Yvon Détchénou qui a brisé son rêve de bâtonnier. Il n’en faut pas plus pour relancer la guerre sourde mais non moins virulente entre les deux.
Avec l’entrée au gouvernement de Yvon Détchénou, Joseph Djogbénou obtient un lot de consolation. Fragilisé par son score aux dernières législatives, il a mis en veilleuse son ambition de succéder à Patrice Talon en attendant certainement de rebondir à la prochaine occasion. Détchénou au gouvernement en remplacement de Quenum est la preuve que Djogbénou, quoiqu’on dise, n’est pas encore grillé.