Conférence mondiale des journalistes scientifiques francophones : Le jeune béninois Kuessi Giraud Togbé remporte le 1er prix dans la catégorie télévision
Un jeune béninois résidant au Sénégal fait parler de son excellence et de sa compétence en journalisme. Kuessi Giraud TOGBE s’est en effet distingué en remportant le 1er prix de la catégorie télévision de meilleure production audiovisuelle de vulgarisation scientifique dans le cadre du concours de reportage lancé par le Réseau des journalistes scientifiques francophones (RJSAF). C’était à la suite du concours organisé lors de la première conférence des journalistes francophones tenue du 10 au 16 octobre 2022. Diplômé du Centre d’études des sciences et techniques de l’information et de la communication (CESTI), il a postulé avec un reportage télévisé réalisé sur l’aquaculture. Dans cet entretien, on découvre ce jeune journaliste béninois coordinateur de la plateforme de vulgarisation scientifique panafricaine https://allforsciences.media/ qui réalise des prouesses hors des frontières nationales.
Vous avez remporté un prix qui récompense une production sur un sujet de science, quelles sont les performances qui ont valu cette distinction ?
Effectivement j’ai remporté le prix de meilleure production audiovisuelle de vulgarisation scientifique dans le cadre du concours de reportage lancé par le Réseau des journalistes scientifiques francophones (RJSAF) dont je suis membre. Ce concours a été lancé qu’il vous souvienne à la suite de la première conférence mondiale des journalistes scientifiques francophones tenue à Dakar en Octobre 2022. Alors il fallait challenger les participants à cette conférence pour voir si entre temps les notions apprises, les thématiques, astuces innovantes de vulgarisation de la recherche ont été prises en compte. C’est à ce titre que j’ai produit un reportage vidéo pour vulgariser une étude scientifique menée par les chercheurs de l’Institut de Recherche pour le Développement au Sénégal (IRD). Ce reportage a été diffusé sur Medi1 TV Afrique, une chaîne marocaine à vocation panafricaine pour laquelle je travaillais à l’époque.
Quel est le sujet abordé dans votre production ?
Pour faire court, il s’agissait d’une étude qui évoque les possibilités pour les chercheurs de produire de la protéine de poissons avec soit des insectes soit des résidus d’aliments. Fondamentalement l’intérêt d’une telle approche scientifique est de permettre à la longue de limiter la dépendance des producteurs aux farines de poissons importés, de créer de la valeur ajoutée pour ce qui est disponible au niveau local et proposer maintenant cela aux producteurs.
Faites-nous le film de vos travaux sur le terrain
Nous étions dans une serre aquacole d’expérimentation où nous avons touché du doigt cette prouesse scientifique. On a vu et fait voir comment cette transformation d’insectes peut se faire pour avoir une farine. Et j’ajoute que ce qui est intéressant, c’est qu’il y a en même temps des poissons dans les aquariums qui se nourrissent de ses aliments produits localement. On a donc la possibilité de constater de visu les résultats de cette expérimentation.
Pourquoi avez-vous choisi ce sujet ?
En réalité, nous nous sommes intéressé à ce sujet parce que cela relève d’une question de développement. Cette réussite scientifique, si je peux m’expliquer en ces termes, apporte une solution assez pratique aux producteurs dans le besoin. C’est en cela d’ailleurs que le travail du chercheur est déterminant. La recherche est déterminante pour tout pays sérieux qui souhaite amorcer la voie du développement durable. Et le journaliste a un rôle à jouer dans cette perspective.
Qu’est - ce qui vous a amené au Sénégal ?
En un mot, c’est le désir d’apprendre ! En toute modestie, nonobstant mes nombreuses années d’expériences dans le journalisme, enrobées par ma licence en sciences de l’information et de la communication obtenue dans une école privée à Cotonou au Bénin, j’ai voulu poursuivre mon cursus universitaire et me faire former davantage dans le métier. Ce n’est pas une question de passion. C’est simplement la soif de découvrir, d’aller au-delà de ce dont je suis capable. C’est d’ailleurs ce qui m’a toujours caractérisé. Alors, j’ai postulé pour le concours d’entrée au Cesti en 2019 au Bénin. Après les résultats, j’ai dû rallier Dakar pour la poursuite de mon cursus. C’est grâce aux Cesti que j’ai pu acquérir des compétences pratiques et très pointues en montagne audiovisuel, web journalisme, journalisme environnemental, écriture d’agence, pour ne citer que ceux-là. J’étais vraiment motivé par le désir d’apprendre dans une institution de formation en journalisme dont la renommée n’est plus à démontrer dans le contexte africain et plus encore. J’avoue que mes attentes ont été comblées, voire plus. En effet, j’ai pu accéder aisément à des milieux professionnels grâce à cette formation. Elle est complète dans le fond comme dans la forme, c’est indéniable.
Pourquoi la vulgarisation scientifique comme spécialité ?
J’ai choisi un domaine de spécialisation tel que la science parce qu’à l’époque en 2018, on n’en parlait pas assez en tout cas au Bénin où tout a pris corps. J’ai fait une expérience personnelle avec des chercheurs à l’université d’Abomey Calavi au Bénin en matière de vulgarisation de la science. Et depuis lors, cet engouement ne m’a plus quitté. Je me sens bien avec les chercheur.e.s parce que j’ai compris que c’est des personnes qui apportent à la société, qui apportent au développement d’un pays à travers la recherche. Or, le constat dans nos pays en Afrique en l’occurrence est que ces types de profils et ce qu’ils font ne sont pas mis en valeurs par les médias. J’ai dû choisir de leur donner de la voix. J’apportais pour ma part une pierre à la construction d’un édifice dont les fondations sont à peine en train d’être formées. C’est l’une des raisons d’ailleurs qui ont justifié plus tard, la mise en place de la plateforme All For Sciences Media, qui, non seulement s’intéresse à la vulgarisation des sciences en général, mais aussi à la problématique de la présence des femmes scientifiques dans la recherche. Cher Ange vous savez, aujourd’hui les journalistes doivent intégrer que nos cibles qui sont les populations ne sont plus motivées à suivre des informations négatives dans les médias. L’une des informations que peuvent consommer avec aisance les populations aujourd’hui sont des informations scientifiques, mieux sourcées qui touchent encore plus leur vie. C’est là que le journalisme scientifique a toute sa place. Car il questionne les non-dits ainsi que les maux de la société et ce, dans tous les domaines.
Y a-t-il une passerelle entre vulgarisation et média
La collaboration entre chercheurs et médias s’améliore. Je prends les choses avec beaucoup d’optimisme. C’est dire qu’actuellement les choses s’améliorent beaucoup plus comparativement à il y a de cela 5 ans que je commençais. Des formations en journalisme scientifique existent, des médias créés, des réseaux créés et alimentés régulièrement à travers plusieurs projets et programmes. C’est l’occasion pour moi, si vous le permettez, de saluer la bravoure des membres du Rjsaf ayant à sa tête l’infatigable Kossi Elom Balao. Mieux, d’autres institutions scientifiques se sont invitées dans la danse car ayant senti l’obligation d’avoir des journalistes spécialisés pour communiquer la science. C’est le cas de l’IRD avec qui j’ai bénéficié d’une formation en vulgarisation scientifique et journalisme en 2021. Évidemment les défis restent à relever, tant du côté des chercheurs que des médias.
Vous êtes de nationalité béninoise et vous faites des exploits au Sénégal. Combien de prix avez-vous déjà reçus ?
Exploit ? C’est trop dire Ange. Je considère qu’il reste beaucoup de choses à parfaire. En toute modestie et en toute sincérité, je le pense. On bénit cependant le Seigneur. Combien de prix ai-je reçus ? Euh, en 3 années, je suis à ma quatrième distinction en journalisme. Je ne vous le cache pas, ça ne dort pas. En effet en 2020, lors de la célébration de la journée mondiale de l’environnement et de la journée mondiale des océans, le programme GMES et Afrique basé à l’Université d’Accra au Ghana a organisé 2 concours de productions médiatiques. L’un portait sur la préservation de l’environnement et l’autre sur la protection des océans. C’est alors que j’ai soumis deux productions audios dans ces différents domaines et fort heureusement ces productions ont séduit les membres du jury. Ils m’ont décerné les deux prix de meilleures productions sur les questions environnementales et des océans. J’avais fait une immersion en brousse au Bénin, avec une équipe de chercheurs environnementalistes. Il s’agit de retracer le travail fastidieux qu’abattent ces derniers dans le cadre des recherches scientifiques. Il s’agissait d’un exercice de monitoring de la faune. Cela renvoie aux procédés scientifiques d’études des forêts, les espèces qui y sont etc… Ensuite, en 2022, j’ai remporté le premier prix télévision du concours de reportages sur l’économie verte inclusive au Sénégal. Mon documentaire de 15 minutes environ portait sur les enjeux de la construction écologique dans un contexte de changement climatique dans le monde. Nous avions fait des sites de construction de ces types de bâtiments écologiques pour démontrer avec les experts en quoi c’était important de pérenniser les constructions de cette nature. Et puis en 2023, j’ai obtenu le prix de meilleur production télévision en journalisme scientifique comme je l’ai expliqué plus haut.
Quelles sont vos ambitions ?
J’ambitionne de voir émerger un journalisme positif, axé sur les solutions. Un type de journalisme qui donne de l’espoir aux cibles sur les enjeux du monde actuel. Un journalisme qui plaît réellement à nos cibles. Je le dis parce que pendant longtemps, vous le savez sans doute, les médias ont répandu la négativité, la violence, la haine et malheureusement ces vices se sont ancrés progressivement dans nos habitudes en société. C’est cela. Aujourd’hui il convient de changer la donne. D’ailleurs de plus en plus d’aucuns parlent de journalisme de solution et des concours existent dans ce domaine pour vraiment encourager les hommes des médias à s’intéresser aux choses nouvelles qui apportent de la plus-value à nos sociétés. L’impact des médias sur les individus est énorme. Professionnel des médias, notre conscience professionnelle doit nous interpeller au jour le jour dans l’exercice de notre mission d’informer. Informer juste et vrai pour l’intérêt supérieur.