« Depuis Sèmè City (Cotonou, Bénin) et l’Université Polytechnique Mohammed VI (Ben Guérir, Maroc) et à travers une plateforme en ligne dédiée, des acteurs urbains internationaux et intergénérationnels, des politiciens, des architectes, des chercheurs universitaires, des jeunes, des organisations nationales et internationales dissémineront des idées et imagineront des solutions basées sur les données pour construire de nouveaux modèles de villes africaines ». Cet extrait d’une publication de la page Facebook de Sèmè City, la cité de l’innovation, annonce une énième conférence sur les solutions numériques aux besoins en développement de l’Afrique. Passé maître dans l’organisation de discussions, foras et autres partages d’expériences comme peuvent le témoigner les publications sur ses activités et disponibles sur ses canaux digitaux, Sèmé City que dirige Mme Claude Borna depuis août 2017 est de plus en plus objet d’interrogations chez les contribuables béninois.
Qu’est-ce que Sèmè City ?
Si à cette question qu’elle confesse recevoir plusieurs fois par jour, Claude Borna est partie de la réponse « économie du savoir, innovation frugale, entrepreneuriat de croissance, ville intelligente, incubation, living lab, makerspace, etc. », qu’elle donnait au départ avec « passion », elle a désormais une réponse qu’elle pense moins confuse et qui présente cette initiative du gouvernement de Patrice Talon comme « un lieu unique où se rencontrent des talents à qui nous donnons l’opportunité d’apprendre ensemble, de s’entraider et de dépasser leurs limites ». La preuve s’établît d’elle-même de ce que les béninois soient fondés à se demander l’intérêt d’un tel investissement.
350 milliards pour le quinquennat 2021-2026
Sans les dotations budgétaires et investissements consacrés à ce projet prétendument orienté vers l’innovation sur la période 2017-2021 au titre de la première génération du plan d’actions du gouvernement (PAG Bénin révèle 1), il est planifié de dépenser 350 milliards de francs Cfa au cours de la période 2021-2026 pour la mise en œuvre et le développement de Sèmè – City, projet phare du pilier 2 du PAG Bénin Révélé 2, « poursuivre la transformation structurelle de l’économie ». À cette colossale dotation budgétaire sont adossés juste deux résultats que sont : la création de 100.000 emplois dont 40% de femmes et le recrutement de 1/3 des diplômés et participants aux formations du centre. En plus de la faible visibilité sur les activités de Sèmè City, des questions se posent sur la réalisation à terme de ses objectifs. Après six ans d’existence, combien d’entreprises ont pu bénéficier de solutions d’innovation made in Sèmè City pour leur développement ou pour accroître leur compétitivité sur le marché international ? Combien de jeunes talents y ont été effectivement formés puis placés sur le marché de l’emploi ? Combien d’applications ou de solutions digitales en sont issues et qui facilitent la vie quotidienne des populations et entreprises ?
Comme le pensent beaucoup de béninois depuis l’annonce ce mercredi à l’issu du conseil des ministres de la réalisation d’une piste de 18 trous de Golfe au Bénin alors même qu’il est depuis plusieurs mois impossible de rendre accessible l’eau potable dans plusieurs quartiers de Cotonou, l’on pourrait se demander la logique d’un aussi titanesque investissement pour un centre de formation de plus, plutôt que de renforcer les universités publiques et lycées techniques dans lesquels les offres de formation et les conditions d’apprentissage se dégradent chaque jour un peu plus. Sauf si l’objectif réel du PAG est de créer pour chaque membre du premier cercle autour du président de la République, un ruisseau de milliards.