Ariane ahyité assavedo au sujet des cas de viols sur mineure : « même si l’être humain est défini comme un animal, il est doté de raison ; ce qui change toute la donne »
Le phénomène de viol sur les mineures est récurrent ces derniers jours au Bénin. A la Une de l’actualité judiciaire, ce mardi 20 juin 2023, un homme écope de 20 ans de prison à la CRIET pour viol sur mineure. Cette infraction met en péril la vie des petites filles et ternit l’image du mis en cause. Ariane Ahyite Assavedo aborde le sujet dans cet entretien. Elle est sociologue, jurist spécialiste des Droits de l’Homme en Sciences du Mariage et de la Famille, présidente de l’ONG "Je Suis", une organisation de solidarité internationale qui promeut et défend les droits des filles et femmes, lutte contre les VBG, VFF, EAS et protège l’enfance malheureuse.
Dites-nous de façon plus claire la relation qui devrait exister entre une enfant et un adulte ?
La relation qui doit exister entre une enfant et un adulte doit être une relation saine basée sur la vertu, la bienveillance, la bonté et l’affection. Ce devrait être une relation d’amour filial et d’affection ordonnée père-enfant, mère-enfant, aîné-enfant et jamais au-delà de cette limite. L’enfant en présence d’un adulte quel qu’il soit doit se sentir à l’aise, en sécurité, protégé et respecté dans ses droits et rassuré d’être en face d’une personne moralement équilibrée en référence aux figures paternelle et maternelle.
Qu’est-ce qui peut amener un adulte à poser un tel acte aussi criminel ?
L’agression sexuelle correspond à tout type d’activité sexuelle ou de contact auquel une personne ne consent pas. Le viol ou autres contraintes sexuelles se manifestent par l’exercice de la force physique ou de menace de force, ou encore l’administration à la victime de drogues ou d’alcool par un agresseur. Le viol de façon spécifique est défini comme une pénétration, quelle que soit sa gravité, du vagin ou de l’anus avec une partie du corps ou un objet ou encore la pénétration orale par l’organe sexuel d’une autre personne sans le consentement de la victime. Lorsque les limites entre le psyché et les émotions sont mal appréhendées par l’auteur ou l’agresseur, nous pouvons assister à ces genres de phénomènes sociaux. Vous savez le viol c’est l’expression de sentiments affectifs désordonnés et agressifs. Au nombre de ces derniers nous avons la colère, les blessures intérieures, le besoin de puissance.
La petite enfant peut être atteinte psychologiquement après un viol. Dites-nous de quoi peut réellement souffrir une enfant violée ?
En dehors des conséquences sur la santé physique de la victime que sont les blessures, les Infections Sexuellement Transmissibles (IST), les grossesses…, l’agression sexuelle que constitue le viol peut entraîner des symptômes psychologiques dont les méfaits sont les plus importants. A court terme donc, les victimes manifestent des sentiments comme la honte, la peur, la culpabilité, la colère. Ils ou elles font des cauchemars, présentent des troubles du sommeil et leur mécanisme émotionnel prend un coup de déstabilisation. A long terme, les victimes revivent le film de l’agression, perte de l’estime de soi, peur de la présence masculine, dégout pour la sexualité… Sitôt après le viol, la victime, en état de choc, peut fondre en larmes toute secouée, et peut se renfermer ou au contraire verser dans un flot de paroles désorganisées sautant d’une idée à une autre. Ce qui témoigne de son état de choc.
Pensez-vous que le fait de poursuivre les victimes est la meilleure solution ? Sinon, quelles sanctions peut-on infliger aux auteurs de viol sur les enfants ?
Oui en effet, la poursuite en justice assortie de la sanction prévue est ce qu’il faut car c’est un crime qui est commis. Et tout acte criminel est passible d’une peine. Le code pénal au Bénin prévoit en cas d’infraction de viol en son article 553 une réclusion criminelle allant de cinq (05) ans à dix (10) ans. Cette peine sera portée de dix (10) à vingt (20) ans si la victime portait une grossesse au moment de la commission de l’acte, portait une maladie ou toute autre infirmité ou déficience physique ou mentale, soit sur un enfant de plus de treize (13) ans ou sous menace d’arme par les auteurs et complices. Lorsque la victime a moins de treize (13) ans, il est puni de la réclusion à perpétuité. Lorsque l’auteur est un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou toute personne ayant autorité sur la victime ou usant abusivement de l’autorité que lui confère ses fonctions, la peine encourue est la réclusion de quinze à vingt (15-20) ans et une amende de cinq cent mille (500.000) a cinq millions (5.000.000) de francs CFA. Le viol est puni d’une réclusion à perpétuité lorsqu’il est précédé ou accompagné de torture ou lorsqu’il entraine la mort de la victime. Mieux, la tentative de viol est punie comme le viol lui-même. L’intention valant l’acte.
Peut-on parler d’inconscience au niveau des adultes violeurs ?
Non. La conscience est définie comme une connaissance claire et immédiate de sa propre activité et des actes de notre esprit, de ce qui se passe en nous. La conscience du violeur est donc là. Mais est-elle claire et saine ? Arrive-t-il à dominer ses pulsions, son instinct ? C’est là toute la question.
Est-ce que tout être humain peut du jour au lendemain tomber dans un tel crime ?
Non sauf dysfonctionnement ou un trouble de folie passagère ou de possession. Même si l’être humain est défini comme un animal, il est doté de raison ; ce qui change toute la donne. C’est donc une capacité qui nous ramène à la pondération, à analyser, et à peser le pour et le contre de toute situation, autrement le bien et le mal. Voir le bien-fondé de la situation ou du geste que l’on veut poser, de l’attitude que l’on veut avoir pour en apprécier les ravages en termes de conséquences négatives et ses bienfaits en termes de conséquences négatives.
Que faut-il faire de façon pratique dans les premières secondes après le crime ?
Il faut rassurer la victime, mettre en avant le courage dont elle a fait preuve pour en parler et le fait qu’elle ait eu raison de le faire, déculpabiliser la victime en lui disant qu’aucune attitude de sa part ne justifie les violences qu’il/elle a subies et que l’agresseur est le seul responsable, informer la victime sur la possibilité qu’elle a de porter plainte, ce qui est le meilleur choix possible, indiquer à la victime qu’il existe des professionnels qui peuvent l’aider et à qui elle peut parler (ONG, police, professionnels de santé, les centres de promotion sociale…), en premier lieu, empêcher la victime de se laver, l’accompagner dans un centre de santé pour obtenir un certificat et enfin, auprès des autorités pour la dénonciation ou pour porter plainte.
Votre mot de la fin
Il faut retenir que l’auteur de l’agression peut être extérieur à l’entourage du mineur mais, le plus souvent, c’est quelqu’un de familier voire un proche comme dans les cas d’inceste. L’agression sexuelle sur mineur est perçue comme le viol du consentement du mineur matérialisé par l’agression en elle-même. Cette violence porte atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine. Nul n’a le droit de faire subir une telle épreuve à quiconque. Le rapport ou la relation sexuelle est un acte désiré, préparé et voulu. C’est un besoin physiologique et psychologique car sa satisfaction physiologique vient apporter un équilibre psychologique.
Propos recueillis par Mahussé Barnabé AÏSSI (Coll.)