La politique ne suffit plus pour comprendre la politique »
« Elle a besoin de l’histoire, de la géographie, de l’économie… »
Le parti Force cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) a tenu à Parakou, samedi 15 juillet 2023, sa deuxième session ordinaire. Occasion pour l’ancien ministre d’Etat, président d’honneur du parti Fcbe, Alassane Soumanou Djimba, de dire son point de vue sur la problématique de la limitation ou non des naissances et de l’immigration.
Le gouvernement béninois tiendra bientôt des assises nationales sur la croissance démographique. Aux dires du porte-parole du gouvernement, ces assises visent à voir quelle est la dynamique optimale qu’il faut observer pour la progression de la démographie au Bénin afin que cela ne rompt pas l’équilibre entre population et développement. A la faveur de la deuxième session ordinaire du parti Force cauris pour un Bénin émergent (Fcbe), l’ancien ministre d’Etat et président d’honneur du parti Fcbe s’est penché sur la question. Aux dires de Alassane Soumanou Djimba, plutôt que de parler de limitation des naissances, il faut opter pour le planning familial, l’espacement des naissances. « Dans l’opinion publique aujourd’hui, en tant que parti de l’opposition, nous apprenons que d’ici-là, notre pays s’organise pour organiser une rencontre internationale sur la limitation des naissances. Ce n’est pas une priorité pour le peuple béninois. Mais le vocabulaire a été mal choisi. Nous préférons le planning familial, nous préférons l’espacement des naissances à la limitation des naissances. Il faut corriger le tir parce que nous avons connu des exemples dans notre pays », a laissé entendre Alassane Soumanou. A ses dires, la limitation n’est pas une bonne chose, en ce sens qu’aujourd’hui il n’existe pas dans les villages et campagnes des ouvriers agricoles. Lorsqu’une démographie est galopante et la démographie galopante à un taux qui dépasse la croissance économique, ce n’est pas la démographie qu’il faut limiter, c’est plutôt le taux de croissance économique qu’il faut booster pour monter, conseille le ministre d’Etat. Il prendra l’exemple de l’Inde qui, aujourd’hui, a pris le-devant de la Chine avec plus d’un milliard et demi de la population, 5e puissance mondiale, du point de vue économique et la première puissance du point de vue démographique. Dans le même temps, le Gabon, qui n’a que 2 millions et quelque d’habitants, n’arrive pas à s’en sortir avec toutes ses ressources. Aux dires du président d’honneur du parti Fcbe, les Institutions de Bretton Woods que sont le Front monétaire international (Fmi) et la Banque mondiale ne sont pas toujours de bons conseillers. « Ils nous ont entrainé dans le gouffre. Souvenez-vous dans les années 1990, le Fmi nous a dit, vous avez beaucoup de fonctionnaires, limitez les recrutements, chassez les gens. Nous avons fait les départs volontaires. Qu’est-ce que ça a donné ? c’est la catastrophe. Nous avons beaucoup d’entreprises d’Etat, il faut les privatiser. Qu’est-ce que ça a donné ? c’est la descente aux enfers. Donc, la limitation n’est pas une bonne chose », explique celui qui fut ministre d’Etat, chargé de l’enseignement secondaire sous Boni Yayi. Pour lui donc, le Bénin, avec 12 millions environs d’habitants, ne saurait envisager une quelconque politique de limitation des naissances à côté d’un géant qu’on appelle le Nigeria, 230 millions d’habitants. « Nous sommes aux côtés d’une ville qu’on appelle Lagos qui fait 20 millions d’habitants et le Bénin, 12 millions. Et c’est nous qui parlons de limitation des naissances. Vous avez 12 millions, vous n’atteignez même pas la population de la capitale du voisin, 20 millions à Lagos ; Ibadan, 11 millions ; Kano près de 12 millions. Il faut faire attention. C’est pourquoi, je voudrais dire à vous tous que la politique ne suffit pas pour comprendre la politique. La politique a besoin de l’histoire, de la géographie, de la culture et surtout de l’économie », enseigne l’ancien ministre d’Etat.
L’immigration doit être encadrée
Outre la problématique de la limitation de naissances, le président d’honneur du parti Fcbe a aussi opiné sur le phénomène de l’immigration qui prend de plus en plus d’ampleur dans la partie septentrionale et aussi dans les départements du Mono et du Couffo. Pour Alassane Soumanou Djimba, l’immigration, le mouvement migratoire, n’est pas une mauvaise chose. Il prône une immigration contrôlée, encadrée pour que les compatriotes bénéficient de conditions de vie décente dans leurs différents pays d’accueil. Et pour y arriver, il faut revoir, à ses dires, l’actuelle carte diplomatique du Bénin. « Nous aurions souhaité que le gouvernement de notre pays veille sur le déplacement de notre population en revoyant notre carte diplomatique, en ouvrant encore des consulats et des ambassades pour pouvoir donner espoir à nos jeunes garçons, à nos jeunes filles, même à nos étudiants, à nos transporteurs, à nos commerçants qui, face à la pauvreté ambiante, quittent le pays dans des conditions pénibles. Ce que nous voulons, ce n’est pas d’interdire l’immigration, ce n’est pas de limiter l’immigration, c’est de discuter avec les pays d’accueil pour que nos compatriotes en Tunisie, en Libye ou en Italie soient accueillis et respectés dans des conditions humaines », a déclaré Alassane Soumanou Djimba. Il s’appuiera sur son exemple personnel, quand il était au gouvernement, pour montrer comment un Etat doit protéger ses ressortissants où qu’ils se trouvent et quelques soient les conditions. « J’ai été membre d’un gouvernement où en 2015 nous avons sauvé de justesse plus de 400 béninois qui étaient coincés à Syrte en Libye et qui étaient presque à quelques jours de leur mort. Nous avons organisé leur enlèvement de Tripoli grâce au ministère des Affaires étrangères et l’ancien ambassadeur pour ramener nos compatriotes au Bénin. Mais il ne s’agit pas de ramener nos compatriotes qui sont en immigration. Il faut leur donner l’emploi, il faut les encadrer, il faut négocier avec les pays d’accueil pour que les conditions de vie décente leur soient données », soutient le président d’honneur du parti Fcbe. Mieux, le gouvernement gagnerait, à ses dires, à travailler de sorte à trouver une alternative aux jeunes pour qu’ils ne sentent plus le besoin de partir de chez eux avant de se réaliser dans la vie. « Faire la politique, c’est aussi tenir compte de ce qui se passe dans l’actualité. Vos militants partent, ils prennent la voie de l’eau, ils prennent des risques. Et nous nous plaignons qu’il y a plus de 62% d’abstention qui n’ont pas voté. Mais plus de 30% ont quitté le pays parce qu’ils n’ont pas du travail. C’est un échec de tous les gouvernements. Nous n’avons pas su organiser le problème d’emploi. Mais heureusement ou malheureusement, il faut comprendre que l’emploi ne se décrète pas. L’emploi a une exigence, c’est la formation. C’est en cela que le gouvernement doit prendre ses dispositions pour lutter contre l’exode rural, le fait que les jeunes quittent les campagnes pour envahir les villes. Il faut créer des ateliers de formation duale pour que nos jeunes cultivateurs soient également de petits maçons, de petits mécaniciens. Il faut aller dans ce sens parce que nous croyons qu’aujourd’hui au Bénin, ce qui nous unit doit être plus fort que ce qui devait nous opposer. La Force cauris pour Un Bénin émergent fera tout ce qui est de son possible pour consolider la paix, pour œuvrer pour que chaque béninois, partout où il se trouve, soit dans les conditions décentes de vie. Il faut voler au secours de nos compatriotes. Ce que vous ne comprenez pas, c’est que bon nombre de militants qui sont partis, partent aussi avec leur carte d’électeur. Ils ont voté pour nous, ils quittent le pays, ils ne sont plus avec nous. Mais comment nous allons arranger cette situation ? Des vendeurs et des cultivateurs de soja, à qui on a arraché des sojas et des camions, ont laissé famille et enfants pour prendre la voie de l’immigration. Nos étudiants qui ont eu des licences, des baccalauréats et qui n’ont pas d’emploi, vendent aujourd’hui des cartes de crédit et soufrent. Tout cela veut dire que la priorité aujourd’hui dans notre pays, c’est d’œuvrer pour que nous puissions faire face aux problèmes de l’heure, lutter contre la maladie, la misère et la pauvreté. Nous ne voulons pas rester les bras croisés et ne pas avoir notre mot à dire », conclut l’ancien ministre d’Etat.