Les populations souffrent, le gouvernement en spectateur muet
Même le communiqué de la Ministre du Commerce bravé
La situation du gaz domestique devient préoccupante au Bénin. Depuis quelques jours, les boutiques de vente et stations tells que Oryx et Bénin pétro n’en ont plus à vendre. C’est ce qui ressort de notre constat sur le terrain dans la journée du mardi 05 septembre 2023. De Calavi à Cotonou, pour une vingtaine de sites de vente ou de distribution parcourus, ce qui semblait être une pagaille de commerçants « avides de gain » n’est simplement que la face cachée de l’iceberg…
Des bouteilles de gaz dans les stations Oryx, Bénin pétro, vous en verrez exposées mais lorsque vous demandez, le contenu n’y est pas. Elles sont vides. Le constat est identique dans les boutiques de vente. Même ce qu’ils appellent « consignation » n’est pas disponible. Inutile aussi d’aller dans les lieux dits « cultes » où le produit est toujours disponible. C’est la deception. Ces lieux n’ont pas échappé à la pénurie. Dans ce contexte, impossible de savoir à quel prix les bouteilles sont réellement cédées. Pas de gaz et donc pas de prix à connaître. Pourtant, la veille, c’est-à-dire lundi, la bouteille de 6kg était encore disponible dans certaines boutiques privées au prix de 8000 F Cfa. Une surenchère qui serait due à la pénurie dont les commerçants ont eu vent et en ont profité à fond. Ceci, malgré la mise en garde du gouvernement qui a souligné que le gaz domestique est fixé à 795 FCfa/kg, et parconséquent la petite bouteille de 6 kg devrait être vendue à 4 770 FCFA/kg et la grande de 12,5 kg à 9 937,5 FCfa. Le communiqué de la ministre Shadiya Alimatou Assouman a été simplement bravé. Qu’est-ce qui se passe réellement avec le gaz domestique au Bénin? Chercher à connaître la cause de cette pénurie s’est révélé autant compliqué que de connaître sa fin. La plupart des pompistes que nous avons interrogés ignorent la raison, encore moins le retour à la normale de cette situation cauchemardesque. Si, à Atrokpocodji, un pompiste semble rassurer, il ne fera néanmoins pas évoluer le débat. Il est evident qu’il a opiné sans aucune certitude. « D’ici jeudi, en tout cas dans la semaine, il y aura du gaz », a-t-il lâché en précisant parlant de la pénurie, que « le problème c’est depuis là-bas ». Là-bas où ? On n’en saura pas plus.
Jnp, primo gaz et progaz, le plein de profit ?
On pourrait le dire. Dans notre enquête pour s’enquérir de la disponibilité du gaz domestique et tout ce qui l’entoure, il est apparu qu’au niveau des stations Jnp, Primo gaz et des boutiques agréés de vente de Progaz, le produit est disponible. En petite comme en grande bouteille. Même la consignation. Le prix de vente concorde également à ceux fixés par le gouvernement. Seul Primo gaz marque la différence. La bouteille rechargeable de 6kg est à 5 000 F Cfa. Contrairement à 4770 F Cfa et 4730 F Cfa respectivement des autres côtés.
« Il y en a plein », confie fièrement, le sourire large, un pompiste de primo gaz dans une station à Godomey. Mais le seul hic ou la difficile equation est qu’il n’y a pas de possibilité d’échanger les bouteilles. La bouteille de Oryx ne peut pas server à acheter du gaz chez un autre fournisseur. « Ce n’est pas possible », fait savoir une gérante de boutique agréée Progaz rencontrée à Agontikon. Et tout comme elle, au niveau des stations Jnp, cela n’est non plus possible. Un pompiste Jnp rencontré à Ste-Rita a été catégorique là-dessus. Dès lors, l’idée de s’offrir une nouvelle bouteille de gaz parmi les marques disponibles, effleure les esprits chez des consommateurs.
Rencontrée à Wologuèdè, bravant la pluie de la matinée de ce mardi avec une bouteille de gaz Oryx de 6kg délicatement posée sur ses jambs mais camouflée dans un sac de maïs de 100 kg vidé de son contenu, une mémé (vu son physique) dit avoir quitté Agla à la recherche du produit prisé. Pour sa course, elle s’est offert les services d’un conducteur de taxi moto. Cette dame qui doit prendre soin de ses petits enfants venus passer les vacances chez elle, utilise en effet le gaz domestique pour la cuisine. Et pour son problème d’yeux, il n’est pas question de faire usage du charbon ou du bois de chauffe.
Face donc à l’inexistence du gaz, elle envisage de prendre une nouvelle bouteille d’une autre société. « Le docteur m’a interdit d’utiliser le charbon. Sinon j’allais l’utiliser », balbutie-t-elle. Pendant que les populations souffrent de certte pénurie qualifiée d’artificielle par certains, aucune voix officielle pour situer sur le problème reel. Le gouvernement, lui, en spectateur muet va certainement se cacher derrière les vacances gouvernementales pour tenter de se dédouaner.
Le charbon, un come back à éviter
Face à cette pénurie de gaz, certains ménages sont retournés à leur vieille habitude. L’usage du charbon. Même si la durée de cuisson des repas est plus grande et les contraintes non négligeables, plusieurs y voient le raccourci le mieux adapté. « Avec le gaz, c’était plus rapide. On avait pas de peines pour cuisiner ce qui plaît et peu importe l’heure. Ce qui n’est pas le cas avec le charbon. Vivement que la situation soit résolue », souhaite une consommatrice.
Pour un spécialiste des questions environnementales, le retour au charbon serait un recul pour le gouvernement béninois dans sa lutte contre la déforestation. En effet, selon une étude de Greenpeace et de World Resources Institute, le Bénin a perdu 31% de son couvert végétal ces dernières années. » Il perd 60 000 hectares de forêts par an, selon le gouvernement ». D’après la FAO, le Bénin possédait en 2020, 3,1 millions d’hectares de forêts contre 4,8 millions d’hectares en 1990. Encore que le charbon aussi a connu une légère augmentation de prix.
Aussi, cette pénurie, pour des observateurs, révèle les limites de la politique du gouvernement dans sa promotion du gaz domestique. Politique selon laquelle, il faut réduire de 50% la consommation du charbon et rendre accessible le gaz domestique aux populations. Beaucoup se demandent ce qui est fait concrètement dans ce sens.
Le prix du gaz domestique au Bénin, pour certains, est trop élevé. L’exemple de la Côte-d’Ivoire revient en boucle où par exemple, la bouteille de 6 kg est cédée à 2 000 F Cfa (prix subventionné).
D’ores et déjà, les appels, en attendant la fin de la pénurie, sont, non seulement à une subvention ou à la promotion d’autres formes de combustibles. Et, en la matière, l’ingéniosité des Béninois est palpable.