« Monsieur le Président Boni Yayi, je vous ai déjà dit que je ne compte pas gracier Reckya Madougou». « Laissons un code à la République. Parfois, le pardon peut être une faute ». Ces phrases sont du président Patrice Talon. 24h après la rencontre avec le parti d’opposition Les Démocrates, elles continuent de résonner dans la tête de nombre de Béninois. Talon refuse de pardonner.
Il ne veut même pas entendre parler de libération de Reckya Madougou, Joël Aïvo, encore moins du retour des exilés. Envers et contre tous les Béninois qui estiment le geste de pardon nécessaire pour la décrispation de la tension socio-politique, recoller les morceaux pour un nouveau départ, le chef de l’Etat tient mordicus à faire de Reckya Madougou et Joël Aïvo un exemple. « Si les acteurs politiques ne doivent pas rendre compte de leurs actes, ce n’est pas bien » est la logique qui guide Patrice Talon. Logique à laquelle échappent pourtant les 82 jeunes, étudiants et artisans arrêtés dans le cadre des violences post-électorales. Pour leurs familles, c’est certainement un soulagement. Mais le peuple béninois s’attendait à plus après le temps que les gens ont déjà passé en prison. Cela à juste titre parce qu’il y a eu des précédents.
Mathieu Kérékou en 1990 a pardonné. Cela a ouvert la voie de retour au bercail pour les Béninois contraints à l’exil. Son pardon a permis au Bénin de prendre un nouveau départ. En 2015, Boni Yayi a pardonné. Patrice Talon, aujourd’hui Président de la République, c’est le fruit de ce pardon de Yayi. Que serait la vie politique sans le pardon ? Les plus grands changements viennent parce que, à un moment donné, un chef d’Etat a accordé le pardon. Qui mieux que Patrice Talon pour comprendre cela ? Les Béninois s’attendaient à plus de sa part. Certes, un pas est fait avec la promesse de libération de 82 jeunes, des étudiants qui ont vu leur cursus universitaire interrompu depuis des années. Mais on pouvait aller au-delà. Pourquoi faire moins quand on peut faire plus?
TALON MET L’UP-R ET LE BR EN DIFFICULTÉ
Quand on scrute les résultats des dernières élections législatives, les zones où le parti d’opposition Les Démocrates a fait du score, ce sont celles où les violences post-électorales de 2019 et 2021 ont fait le plus de dégâts. Ce sont les enfants de ces zones qui ont payé le lourd tribut, puisque traqués et arrêtés. Leur sort revenait sans cesse lors de la campagne pour les législatives, à tel point que même les candidats Up-R et Br n’avaient autre choix que de promettre œuvrer pour leur libération. Malgré cela, le vote sanction s’est dessiné dans les urnes. Le même scénario risque de se répéter en 2026 même si, entre temps, le chef de l’Etat tenait sa promesse de libérer les jeunes en question. Ceci du fait de son refus de pardon à Reckya Madougou et consorts. Ce que les populations attendent c’est un package, liberté pour tous, retour au bercail pour les exilés. Si le travail est fait à moitié, le gain politique ne peut aller qu’aux Démocrates qui ont persisté dans leur démarche de pardon, d’abord en déposant une loi d’amnistie, ensuite en demandant, chaque fois, au chef de l’Etat de faire ce qu’il faut pour que le Bénin renoue avec le climat politique d’avant 2016. Si Patrice Talon avait accepté le pardon, le gain politique serait partagé par tous, aussi bien Les Démocrates que l’Up-R et le Br. Mais là maintenant, quel langage tiendront les Mouvanciers sur le terrain en 2026 ?