Des étudiants américains ont passé le semestre dernier à élaborer des propositions portant sur la reconstruction de deux villes ukrainiennes détruites par la guerre que mène la Russie.
Il s’agit d’étudiants de l’Université de Pennsylvanie (Penn) et de l’Université de Virginie (UVA) inscrits en licence et en master dans la filière urbanisme, architecture et conception environnementale. Grâce à un partenariat organisé par le « laboratoire de la diplomatie » du département d’État des États-Unis, les futurs architectes et leurs professeurs se sont mis en rapport avec des experts en politique étrangère du département dans le cadre d’un travail de réflexion sur les besoins de reconstruction des villes de Boutcha et d’Izioum, respectivement. Les étudiants ont planché sans avoir accès à des systèmes d’informations géographiques et ne disposant que de données limitées sur les infrastructures traditionnelles des villes, presque entièrement détruites par les attaques lancées sur l’ordre de Poutine.
« Vous entrez dans une ville qui, il y a un an et demi, a été dévastée et a connu un massacre… Comment gérer cela ? », s’interroge Alex Leland Nelms, étudiant en cursus master en urbanisme à Penn qui se penche sur la reconstruction de Boutcha.
« On a procédé avec beaucoup de respect et conscients de notre statut d’étrangers lorsqu’on a travaillé sur Boutcha », ajoute Delfina Vildosola, sa camarade de classe. « On ne pouvait pas se promener dans les rues ni parler avec les habitants. Quand on travaillait [sur le projet], on était donc conscients de nos lacunes. »
Parallèlement, à UVA, une classe composée d’étudiants en licence et en master de plusieurs disciplines vient de s’attaquer à un plan de reconstruction de la petite ville d’Izioum. Heidi Egan Hahn, par exemple, qui se spécialise dans la planification environnementale, a travaillé sur l’accès aux énergies renouvelables d’origine locale et à l’eau propre, même en cas de conflit persistant.
Le cours sur la reconstruction d’Izioum a été « l’une des activités les plus compliquées et passionnantes que j’aie jamais dirigées », affirme Suzanne Moomaw, présidente de la filière Urbanisme et Environnement à UVA. Quand le semestre tirait à sa fin, elle en a fait le bilan : « On apprenait tous en même temps. C’était une expérience incroyable dans un laps de temps très court. »
Dans un cas comme dans l’autre, les étudiants étaient chargés d’élaborer une proposition globale pour la reconstruction d’une ville ravagée par la guerre infligée par la Russie. Il s’agit d’aider les Ukrainiens à reconstruire ce qui peut l’être à court terme, et de manière plus complète à long terme.
Mme Moomaw a choisi la ville d’Izioum — dont 80 % des bâtiments et 70 % des infrastructures ont été mis en pièces — parce que sa configuration rappelle celle de Charlottesville, où se trouve UVA. « Izioum est à peu près de la même taille que Charlottesville et elle est également arrosée par une rivière », explique-t-elle, ce qui aide les étudiants à se faire une idée de son étendue et de son paysage.
Heidi Egan Hahn, l’étudiante de l’UVA qui se concentre sur les questions environnementales, a grandi à Charlottesville, et le projet Izioum l’a aidée à voir sa ville natale sous un nouveau jour, en particulier sa rivière Rivanna et ses petits ruisseaux. Elle souligne que tout le monde dans sa classe souhaite améliorer l’accessibilité piétonne d’Izioum et intégrer les caractéristiques naturelles de la ville dans le projet de reconstruction.
Par exemple, Izioum est située sur les rives de la Donets, et ses habitants ont toujours traversé la rivière par bateau. Les étudiants de l’UVA aimeraient qu’ils puissent se déplacer facilement d’une rive à l’autre en empruntant un pont. « Comment faire en sorte que le pont soit aussi accessible que possible dans la ville ? », demande Heidi Egan Hahn.
Eugenie Birch, professeure à Penn et responsable de la classe qui travaille sur les plans de Boutcha, note que le projet de reconstruction a été une expérience extraordinaire pour les étudiants, qui ont appris à travailler sur des situations qui ne leur étaient pas familières.
« J’ai toujours été citadine », explique Delfina Vildosola, son élève, qui a grandi à Buenos Aires et vécu à Londres et à Philadelphie. « Bouchta se présente très différemment, sous une forme et une échelle urbaines très différentes. Cela a remis en question ma façon d’envisager les aspects de la planification et de l’adaptation à des paysages différents. »
Dans les deux universités, les étudiants se sont attachés à préserver l’identité et l’histoire de l’Ukraine, en consultant les autorités municipales ukrainiennes dans la mesure du possible sur les sites historiques.
Les étudiants de l’UVA ont présenté leurs projets au département d’État le 15 décembre, tandis que ceux de Penn le feront le 26 janvier 2024. L’lnstitut de technologie du Massachusetts (MIT) et l’université Yale prévoient de proposer des cours similaires l’année prochaine. Le département d’État souligne qu’il appartient entièrement aux villes ukrainiennes de décider de la suite à donner à ces projets de reconstruction.