Plusieurs milliers de Béninois sont descendus samedi dans les rues de Cotonou, la capitale
économique du Bénin, pour protester contre la hausse des prix ainsi que contre des
violations des libertés individuelles et syndicales, ont constaté des journalistes de l'AFP.
"On a faim", ont scandé les manifestants qui répondaient à l’appel des syndicats, en
sillonnant les principales artères de la ville, encadrés par les forces de l'ordre.
Depuis plusieurs mois, les prix ont augmenté dans le pays en raison de la fermeture de la
frontière avec le Niger, le principal partenaire commercial du pays, à la suite d'un coup d'État
en juillet 2023 dans ce pays sahélien, mais également de la fin de la subvention des
carburants au Nigeria voisin, où le Bénin s'approvisionne pour sa consommation intérieure.
"Il est grand temps d’exiger une gouvernance moins brutale… et ne plus permettre à une
seule personne de décider toute seule de notre destinée", a déclaré Anselme Amoussou, le
secrétaire général de la Confédération des syndicats autonomes du Bénin (CSA Bénin).
"Le peuple exige une gouvernance plus humble et s’est levé pour lancer un message fort au
président Patrice Talon", a-t-il ajouté.
Les manifestants munis de pancartes et de banderoles ont également scandé des slogans
hostiles au gouvernement et au président Talon, qu’ils ont qualifé de "prédateur des libertés".
Les critiques accusent régulièrement le président béninois, Patrice Talon d'avoir opéré un
virage autoritaire dans ce pays autrefois salué pour le dynamisme de sa démocratie.
- Frustration et colère -
"Nous avons tellement soufert de la faim que nous avons fini par en être exaspérés. Il fallait
qu’on hausse le ton pour faire savoir notre misère et nos dificultés", a expliqué Maryse
Assogbadjo, une manifestante.
La plupart des manifestants comme Clotaire Tamegnon, travaillant dans une administration
publique, et ses collègues demandent une augmentation des salaires face à la baisse du
pouvoir d’achat des Béninois.
"Depuis 2016, nous avons accompagné la politique de l’Etat, mais avec les réformes que nous
subissons dans l’administration, le pouvoir d’achat s’amenuise de jour en jour", a indiqué à
l’AFP la quinquagénaire, à bout de soufle à la fin de la manifestation.
Dominique Kouassi Edoh, un enseignant, a tenu, lui, à être de la marche "pour exiger la
libération sans condition" des travailleurs emprisonnés lors des précédentes manifestations
contre la vie chère, interdites par les autorités béninoises.
"Nous revendiquons la liberté. C’est inadmissible ce qui se passe et nous lançons un appel à
leur libération. Celui qui a faim ne peut que crier", indique-t-il.
"Un peuple qui oublie son passé a tendance à le revivre. De 1985 à 1989, les travailleurs ont
milité durement pour avoir le droit de revendiquer", soutient Armel Dossou Kago, un
responsable syndical.
"De frustration en frustration, cela risque d’exploser un jour. Nous avons besoin de meilleures
conditions de vie et de liberté", prévient-il.
Avant la manifestation de samedi, deux précédentes manifestations, organisées fin avril et
début mai par les syndicats, avaient été interdites par les autorités et dispersées par la police
qui a tiré des gaz lacrymogènes.
Des dizaines de manifestants avaient alors été interpellés et placés en garde à vue, avant
d’être libérés pour certains.