Alors qu’entre le Bénin et le Niger, la médiation entreprise par les anciens Présidents Nicéphore Soglo et Boni Yayi est en passe d’aboutir à un dégel de la crise née de la fermeture des frontières Bénin-Niger, le chef de la junte militaire au pouvoir au Burkina-Faso s’invite malencontreusement dans le débat. Ibrahim Traoré a réuni les Burkinabé pour porter contre le Bénin les mêmes accusations déjà proférées par le 1er ministre du Niger.
Dans une vidéo, devenue virale depuis ce jeudi 11 juillet, le Capitaine Ibrahim Traoré a accusé le Bénin d’abriter des bases militaires françaises. « Personne ne peut nous dire qu’au Bénin il n’y a pas de bases françaises. Il y a bel et bien deux bases françaises au Bénin et nous avons des preuves. Des pistes ont été aménagées, des soldats sont équipés… », a affirmé le Capitaine Ibrahim Traoré devant les Burkinabé venus de tout le pays. Pourquoi proférer de telles accusations maintenant qu’il y a des raisons de croire à une normalisation des relations entre le Niger et le Bénin ? Quand on y pense, le dégel annoncé de la crise entre le Bénin et le Niger serait l’élément motivateur de la sortie de Ibrahim Traoré. Le Bénin et le Niger qui retrouvent leurs relations fraternelles séculaires n’arrange certainement pas les affaires de la junte au pouvoir au Burkina-Faso.
En effet, depuis la fermeture des frontières avec le Niger, le port de Lomé (Togo) est devenu celui par où passent les marchandises à destination du Niger. Or, on sait que le volume de transit qui allait vers les pays de l’hinterland est de 30% dont 90% à destination du Niger seul. Voilà que le Niger n’a pas de frontière avec le Togo. Le transit à destination du Niger, quand ça quitte le port de Lomé, passe obligatoirement par le Burkina-Faso. Le pays du capitaine Ibrahim Traoré prélève alors des taxes sur tout ce qui va au Niger. Une normalisation des relations entre le Bénin et le Niger entraînera alors un manque à gagner considérable pour le Burkina-Faso qui sera privé de la manne que constituent les frais de transit des marchandises en partance pour le Niger. N’est-ce pas alors cette crainte qui justifie les accusations portées par le capitaine Ibrahim Traoré contre le Bénin ? Le Burkina-Faso n’aurait donc aucun intérêt à voir le Niger rétablir ses relations avec le Bénin. Et pour ce faire, le chef de la junte militaire au pouvoir au Burkina Faso trouve que porter des accusations de bases militaires françaises contre le Bénin lui permet de jouer les trouble-fêtes dans le rétablissement annoncé des relations entre le Niger et le Bénin. Il espère certainement que de telles accusations vont rendre le Niger réticent quant au bon dénouement du processus de rétablissement des relations avec le Bénin.
Réaction du Porte-parole du gouvernement béninois
« C’est l’hôpital qui se moque de la charité. Les attaques terroristes enregistrées par le Bénin à ce jour, dont la grande majorité a été déjouée par nos Forces de défense et de sécurité, sont l’œuvre de gens venant de l’autre côté de nos frontières avec le Burkina-Faso et le Niger. C’est d’ailleurs ce qui a amené le Gouvernement du Bénin, dans sa stratégie pour contrer le phénomène, à construire pour compter de 2022, de petits camps militaires appelés bases opérationnelles avancées, dans plusieurs de nos communes frontalières.
Cela, nous ne l’avons pas caché puisque le Président de la République lui-même en a parlé devant l’Assemblée nationale dès le 8 décembre 2022.
Voilà que nos frères et voisins, pour des raisons de politique domestique, s’emploient à vouloir faire de nous la source de leurs problèmes. C’est une tendance pernicieuse, venant de militaires qui connaissent ces camps et leur vocation.
Ainsi, après le Niger, c’est au tour du Burkina-Faso d’emboucher cette trompette nauséeuse de désinformation qui alimente non le patriotisme, mais plutôt la rancœur des populations et menace à terme la coexistence pacifique des peuples.
Une chose est certaine, le populisme n’a qu’une seule vertu : c’est de déplacer les problèmes en faisant semblant de les régler.
Tôt ou tard, les populations se rendront compte qu’elles ont été abusées ».