Le professeur Victor Topanou a animé une conférence sur ‘’le mandat politique” de la Cedeao, institution régionale au cœur des polémiques ces dernières années, et mis le doigt sur ses faiblesses et les actions à mener pour sa survie. C’était sous l’initiative de la Chaire Unesco des Droits de la personne humaine et de la démocratie (Dphd), vendredi 20 septembre dernier au campus d’Abomey-Calavi.
La Cedeao a-t-elle un mandat politique ? La question effleure les lèvres au regard de l’aspect économique précisé dans son intitulé. Appelé à éclairer la lanterne des chercheurs et des étudiants sur la problématique, le professeur Victor Topanou indique que le mandat politique de la Cedeao est formellement établi mais serait inactif, en raison d’un environnement peu propice à sa mise en œuvre. Partant de certains textes de portée générale tels que les traités, le protocole additionnel sur les sanctions, l’enseignant-chercheur va s’attarder sur quelques textes spécifiques notamment le protocole sur la bonne gouvernance en ce qui concerne la démocratie, et le mécanisme de prévention, pour ce qui relève de la sécurité, afin de nourrir la réflexion. Il fait d’abord observer que la Cedeao apparaît comme un repère, parce qu’il est attendu de l’institution des efforts pour régler les crises politiques, les questions liées aux troisième ou quatrième mandats, les violations des droits de l’homme, les élections truquées. «Les populations se sentent un peu perdues, et elles cherchent un repère», a indiqué le professeur Victor Topanou. Mais l’institution dispose-t-elle des moyens, des capacités juridiques pour combler une telle attente ? L’enseignant-chercheur note qu’en dépit de son architecture juridique, deux points faibles entraînent l’inefficacité du mandat politique de la Cedeao. Il s’agit d’une part de l’absence d’un principe de super-nationalité et d’autre part, du mode de prise de décision de cette organisation. Aucun des Etats n’est prêt à perdre sa souveraineté au profit d’une super-nation. Ainsi, relève le professeur, les initiatives même les plus louables, comme la circulation des biens et des personnes, se heurtent à des obstacles, avec des contrôles intempestifs inutiles au niveau des frontières.
Le reflet des chefs
Le rejet de super-nationalité s’observe aussi à travers ce refus obstiné de respecter les décisions de l’organe juridique de l’institution auxquelles l’on oppose également le principe de la souveraineté. En ce qui concerne le mode de décision, les décisions de la conférence sont utilisées, selon la matière, à l’unanimité, à un consensus, à la majorité des critères d’intégration. Il est ensuite fait mention de ce que les matières visées sont décidées dans un protocole, qui à ce jour, n’est pas entré en vigueur, et par conséquent les décisions de la conférence sont adoptées par consensus et la pratique du consensus au sein de la Cedeao a été assimilée à l’unanimité. «Il suffit qu’il y ait un seul président qui ne soit pas d’accord, que la décision ne passe pas. Dans le cadre du protocole sur la démocratie, ils avaient voulu établir des convergences constitutionnelles, afin par exemple que la limitation des mandats soit inscrite dans les textes de la Cedeao. Mais là, il suffit que trois refusent.Dans un premier temps, il n’y avait que deux qui ont refusé. La décision des deux s’est imposée à l’ensemble des 13 autres Etats. Et après, ils sont passés à trois et se sont imposés à 12 Etats», a déploré le professeur.
Changer de mode
Selon Victor Topanou, une institution n’est que le reflet de ce que veulent en faire les chefs. Si les présidents de la Cedeao ou les Etats membres souhaitent effectivement que l’institution règle les problèmes politiques, ils lui laisseront les mains libres pour qu’elle le fasse. «Aujourd’hui, la Cedeao n’a pas les mains libres pour régler les problèmes politiques», a déclaré l’enseignant-chercheur. “Depuis 1975 à aujourd’hui, les décisions de la Cedeao sont prises au sein de la Conférence des présidents par consensus. Et le consensus veut dire chez eux, unanimité. Si l’on veut que les choses changent, il faudrait qu’on change le mode de décision sur les questions essentielles. Il ne faudrait pas qu’un seul pays bloque un groupe de 14 d’avancer”, a-t-il poursuivi, expliquant que c’est à force de procéder comme tel, que trois Etats sont sur le point de quitter l’organisation (les pays de l’Aes). «Il faut plutôt espérer qu’ils reviennent et que cela serve de leçon à la Cedeao pour qu’elle s’améliore. Si elle ne s’améliore pas, et les trois s’en vont définitivement, j’imagine que d’autres vont les suivre», a indiqué le professeur Victor Topanou. Le conférencier a également mis l’accent sur la faiblesse des armées africaines qui ne parviennent même pas à faire face aux rebellions, encore moins à gagner la lutte contre le terrorisme. Il va conclure sur le débat notamment dans les pays francophones sur la démocratie et marteler : «Je préfère une démocratie imparfaite». Pour le professeur, autant la dictature peut conduire au développement, thèse épousée par une certaine frange de la société, de même la démocratie peut conduire au développement (modèle du Ghana et de la Namibie), mais il reste attaché à la liberté