L’exercice budgétaire 2023 du Bénin a été marqué par la signature de 250 marchés publics accordés à des entreprises tiers sans appel d’offres pour un montant global de plus de 44,23 milliards de FCFA. Si cette méthode est permise dans certains cas par la législation en vigueur, elle soulève néanmoins des interrogations sur la transparence et la compétitivité dans la gestion des finances publiques au Bénin. Avec cette valeur financière, le gré-à-gré est le deuxième mode de passation des marchés publics en 2023 et sous la Rupture.
Encore appelé « entente directe », le Gré-à-Gré est l’exception dans le système de passion des marchés publics. Cette pratique aussi légale est cependant controversée au Bénin au regard de la proximité des hommes d’affaires du pouvoir décisionnel. En effet, les marchés « grè-à-grè » font référence à des contrats signés directement entre l’État ou ses institutions et un prestataire sans passer par la procédure compétitive des appels d’offres.
Selon les statistiques sur les marchés passés au cours de l’exercice budgétaire 2023 reçues et authentifiées par la Direction nationale de contrôle des marchés publics (Dncmp) par mode, 44,23 milliards de FCFA de marchés publics ont emprunté ce couloir pour tomber dans les mains de tiers en 2023. Au cours de la période, 7 modes d’octroi des marchés publics ont été notés. Il s’agit entre autres de l’appel d’offres ouvert, de l’appel d’offres restreint, de l’appel à manifestation d’intérêt et bien évidemment de l’entente directe.
Pour ces modes, le gouvernement a passé un total de plus de près de 457 milliards de FCFA de marchés publics en 2023. Le mode entente directe ou « gré-à-gré » a concerné 44,23 milliards de FCFA et vient juste derrière l’appel d’offres ouvert qui a absorbé 294,82 milliards de FCFA. Et pourtant, selon la législation en vigueur au Bénin, cette procédure est autorisée dans des situations particulières, notamment lorsque la nature du marché nécessite une exclusivité, ou encore lorsque le recours à un appel d’offres est jugé impraticable ou trop long. Ainsi, l’exercice budgétaire 2023 a vu la signature de 250 marchés sur cette base, selon les données du Gouvernement. Ces marchés concernent divers secteurs, allant des infrastructures aux services en passant par l’approvisionnement en biens et services.
Des critères d’attribution souvent débattus
Bien que le recours au gré-à-gré soit légal dans certains contextes, il est souvent critiqué pour son manque de transparence. En effet, l’absence d’un processus compétitif ouvre la porte à des suspicions de favoritisme et d’opacité dans la gestion des fonds publics. Les critiques se concentrent principalement sur la concentration des contrats entre un nombre restreint d’acteurs économiques, parfois proches des décideurs politiques, ce qui pourrait nuire à la concurrence saine et à l’optimisation des dépenses publiques. Les ONG et les experts en gouvernance ont exprimé leurs préoccupations quant à la possibilité d’abus de cette pratique. « Le recours massif au gré-à-gré, sans justification claire et transparente, peut conduire à des dérives, à la fois en termes de coût et de qualité des prestations », déclare un expert en finances publiques basé à Cotonou.
Du côté du gouvernement, les autorités défendent cette approche en la justifiant par des impératifs d’urgence ou de spécificité des projets. « Certains projets, notamment dans les domaines de l’infrastructure, exigent une exécution rapide et ne peuvent attendre le long processus des appels d’offres », a déclaré un représentant du ministère de l’Économie et des Finances. Le gouvernement met également en avant la volonté d’optimiser les délais d’exécution de certains travaux et de permettre à l’État de répondre plus rapidement aux besoins urgents de la population. Les autorités soulignent aussi que des mécanismes de contrôle et d’audit sont en place pour éviter toute dérive et garantir la bonne gestion des fonds publics. Le Bénin, comme de nombreux autres pays, a mis en place une Commission des marchés publics indépendante chargée de vérifier la conformité des procédures de passation des marchés.
Risques de corruption et de non-transparence
L’un des grands défis soulevés par les marchés gré-à-gré est le risque de corruption. En l’absence d’une concurrence ouverte et transparente, certains acteurs peuvent se voir attribuer des contrats de manière discrétionnaire, créant ainsi un environnement propice à des pratiques peu éthiques. La communauté internationale, notamment la Banque Mondiale et le FMI, a souvent insisté sur l’importance de renforcer la transparence dans la gestion des marchés publics. La corruption liée à la passation des marchés peut non seulement engendrer des coûts supplémentaires pour l’État, mais aussi compromettre la qualité des projets réalisés.
Pour répondre à ces préoccupations, des voix s’élèvent en faveur d’une réforme en profondeur du système de gestion des marchés publics au Bénin. Selon plusieurs experts, une plus grande transparence, avec des critères d’attribution plus clairs et des procédures plus rigoureuses, pourrait permettre de renforcer la confiance des citoyens dans la gestion des fonds publics. La mise en place d’un système de publication des marchés gré-à-gré et des contrats passés pourrait constituer une première étape vers une meilleure transparence. De plus, un suivi renforcé par des audits externes et une plus grande implication de la société civile dans le contrôle des marchés publics pourraient limiter les risques de corruption et garantir une gestion plus saine des ressources publiques.
L’exercice budgétaire 2023 du Bénin a vu une forte utilisation des marchés gré-à-gré, un choix qui s’inscrit dans un cadre légal, mais qui n’est pas sans soulever des questions légitimes sur la transparence et la bonne gestion des fonds publics. Si cette méthode peut s’avérer nécessaire dans certains cas, il reste primordial de garantir que ces marchés soient attribués dans des conditions optimales et sans favoritisme, afin de préserver l’intégrité des finances publiques et de renforcer la confiance des citoyens dans les institutions. Le débat sur la gestion des marchés publics est loin d’être clos et des réformes pourraient être à venir pour améliorer la transparence et la compétitivité des procédures.