Le ministre de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche (MAEP), Fatouma Amadou Djibril, a expliqué hier aux députés les raisons de la contre-performance du coton au Bénin surtout lors de la campagne cotonnière 2012-2013. Mais les réponses du gouvernement n’ont pas convaincu les députés qui attendent la promesse de communication faite par l’Exécutif pour un examen approfondi de la question.
Par Thibaud C. NAGNONHOU
Les députés avaient hâte d’avoir la lumière sur les difficultés de la filière coton, surtout en ce qui concerne sa campagne 2012-2013. Ils ont eu hier quelques éléments de réponses de la part du gouvernement qui a répondu à sept questions orales avec débats dont six émanent de l’Opposition parlementaire.Certaines des questions ont été posées depuis 2012 et d’autres datent de l’année dernière.
Dans ses explications, le ministre en charge de l’Agriculture, Fatouma Amadou Djibril, a expliqué que la campagne 2011-2012 a connu beaucoup de réformes. L’Etat a subventionné la campagne à hauteur de 12 milliards FCFA pour un objectif de 350 000 hectares. Mais au finish l’Association interprofessionnelle du coton (AIC) n’a emblavé que 208 000 hectares pour une production de 174 000 tonnes.
Ce qui est inconcevable, martèle Fatouma Amadou Djibril qui se demande, où est passée la différence. Raison pour laquelle le gouvernement a décidé de prendre en main cette filière à partir de la campagne 2012-2013. Et depuis lors tout marche. Avec cette évolution, il n’est plus possible pour le gouvernement de reculer et de confier la filière à un seul opérateur économique. Fatouma Amadou Djibril a indiqué que ce sont les difficultés de ce secteur qui ont obligé l’Etat à réquisitionner les engrais et même des insecticides, pour conjurer le spectre de l’année blanche.
C’est ainsi que l’Etat a pris la décision de réquisitionner les engrais dans les magasins d’Allada appartenant à l’opérateur économique Patrice Talon.
La vision du gouvernement désormais est de conjuguer les efforts de tous les acteurs du secteur pour amener la production à 500 000 tonnes.
A titre transitoire, l’Etat a décidé de s’impliquer dans la gestion de la filière. Une implication qui a produit des fruits, se réjouit Fatouma Amadou. Grâce aux réformes entreprises par le gouvernement, la production cotonnière est passée de 174 000 à 240 000 tonnes en 2012. Ce qui fait passer la croissance économique de 3,5 à 4,4. Et il espère 310 000 tonnes pour la campagne 2013-2014.
Pour la campagne 2014-2015, le gouvernement envisage d’atteindre la barre de 400 000 tonnes pour gagner progressivement le pari des 600 000 tonnes d’ici à 2016. Pour y parvenir, l’Etat compte aller vers le zonage pour mettre en compétition les usines du Nord et celles du Centre, a souligné le ministre. «Pour la campagne prochaine, nous irons au zonage cotonnier comme c’est le cas dans la sous région notamment au Burkina-Faso, au Mali et au Togo», a assuré le ministre qui annonce qu’aucun sou du contribuable n’est entré dans la dernière campagne, tout comme l’actuelle. Les fonds ont été empruntés au niveau de la Banque ouest africaine de développement (BOAD), a précisé Fatouma Amadou Djibril.
Insatisfaction
Les éléments de réponses fournis par le gouvernement n’ont pas du tout convaincu les députés. La plupart sont restés sur leur faim. Pour l’honorable Eric Houndété, la réponse du ministre en charge de l’Agriculture a été une gigantesque improvisation. Il garde espoir que la communication qui interviendra va réellement éclairer les députés.
Car, toutes les préoccupations des députés ont été passées sous silence. Lazare Séhouéto, va noter aussi la même insatisfaction. Il a battu en brèche l’idée selon laquelle, aucun sou du contribuable n’est entré dans la campagne. Il trouve que c’est faux. A preuve, il demande si les prêts de la BOAD sont à zéro intérêt. Le cas des égreneurs qui réclament leurs dus à l’Etat a aussi été évoqué. Il demande à chaque député de prendre au sérieux le coton qui est une préoccupation importante.
Pour Nicaise Fagnon, on injecte trop d’argent dans le coton au détriment des autres filières telles que le palmier à huile, l’ananas, le maïs et le soja. Il recommande la mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire pour voir les tenants et aboutissants de la filière. «Il faut légiférer pour réguler le partenariat public-privé, pour protéger les opérateurs économiques », insiste le député de la Majorité présidentielle.
L’honorable Gabriel Tchocodo invite le gouvernement à changer la méthode de gestion au Bénin de la campagne cotonnière, en commençant à mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Il sera rejoint par son collègue Edmond Zinsou. Pour celui-ci, il faut un vrai diagnostic de la filière. « Il faut une bonne organisation du travail et une bonne pluviométrie car, il y a trop de folklore autour de la filière », souligne-t-il. Comme ses autres collègues, Raphaël Akotègnon ne comprend pas aussi qu’avec tant d’engagements et tant de milliards FCFA injectés dans la filière, l’or blanc béninois continue de sombrer.
La même interrogation a été soulevée par Sabi Soulé Moussa qui ne comprend pas que le Bénin avec ses 300 000 cotonculteurs, ne puisse pas relever le défi de 600 000 tonnes. Il y a lieu, selon lui, de revoir l’organisation institutionnelle pour prendre en compte réellement les difficultés du secteur. Et à Djibril Débourou d’ajouter que l’autre cause du coton se trouve dans le monopole de fait installé depuis plusieurs années pour la question des intrants.
« La manière dont le coton est géré au Bénin avant sa prise en main par le gouvernement en 2012 ne se passe nulle part au monde. Il faut casser la situation de monopole du coton pour permettre de booster la filière », propose t-il. C’est pourquoi, il encourage le gouvernement à maintenir le cap de la démonopolisation, en s'inspirant des méthodes en cours dans la sous-région.
Vers un séminaire parlementaire sur le coton
Au regard de l’importance et du poids du coton dans l’économie béninoise, les députés n’entendent pas s’arrêter seulement sur la question orale avec débats ou sur la prochaine communication du gouvernement sur le dossier. Ils veulent aller loin pour comprendre le fond du déclin de la filière. Ils envisagent d’organiser un séminaire parlementaire pour débattre de long en large, les problèmes de la filière coton.
L’occasion de ce séminaire leur permettra de réfléchir aussi sur la diversification agricole au Bénin. Selon Mathurin Nago, la sixième législature regorge de beaucoup d’atouts pour un débat de qualité sur cette filière. Elle compte jusqu’à huit ingénieurs agronomes qui ont pratiqué le coton.
En dehors de cela, l’Assemblée nationale a des personnes ressources en l’occurrence deux anciens ministres de l’Agriculture, Grégoire Akofodji et Lazare Séhouéto et un ancien directeur général de la Société nationale pour la promotion agricole (SONAPRA) en la personne de l’honorable Nicaise Fagnon. Pour le président Mathurin Nago, toutes les compétences sont réunies pour un débat fructueux.
Il a donné des instructions aux cadres de l’Assemblée nationale et à ceux du ministère de l’Agriculture pour préparer la tenue de ce séminaire dans un bref délai. Th.C.N.
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